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Critique de brumaire


Dès les premières pages , Jean Paul Kauffmann avoue " un faible pour Bonaparte" , mais se défend d'avoir "jamais éprouvé d'inclination pour Napoléon" . Alors, demande le lecteur lambda un peu au fait de la production littéraire de Jean Paul, pourquoi ces deux livres ouvertement "napoléoniens" :" Outre-Terre" , qui est consacré à la bataille d'Eylau, et "La chambre noire de Longwood" dont le propos est de nous faire partager la vie de l'Empereur à Saint-Hélène.
Résumer un livre de Jean Paul Kauffmann est difficile. J'avais expérimenté l'enjeu à la fin d' Outre-Terre , lu en 2017. Ecrire un compte-rendu du livre sur Babelio m'avait couté pas mal d'échauffement neuronal...
Le mieux est peut-être, simplement , d'entendre Jean Paul Kauffmann dans un passage de " La chambre noire...". Il dialogue avec la vieille Lady rencontrée sur le bateau . Ces paroles peuvent servir de profession de foi à l'auteur.

" Je ne comprends pas chez vous, comment dire...ce fétichisme du lieu, cette obsession que vous avez pour les vestiges. Je vous ai étudié depuis le début ! Quelle prétention ! Mais pour qui vous prenez- vous ? Une sorte d'Hercule Poirot, qui remonte le temps ?
- Pour le fétichisme du lieu, vous avez raison. Mais pour Hercule Poirot, vous avez tort. Ce qui m'excite justement, c'est le passé que je n'atteindrai jamais , le pittoresque que je ne pourrai jamais reconstituer. Comprenez- vous que c'est ce" jamais", définitif, irréparable, sans retour qui m'exalte ? D'ailleurs, vous vous trompez, ce n'est pas l'indice que je recherche mais l'imprégnation.
Absorber les bruits, les odeurs, les images. C'est le dépôt qui se forme sur le passé qui me passionne . La coloration, le vernis qui recouvrent les objets et les lieux. La patine du passé on ne peut l'enlever. Cette impossibilité matérielle me fascine. "

Jean Paul Kauffmann a passé dix jours sur l'île de Saint-Hélène. Juste le temps d'une escale, pour "s'imprégner ", comme il le dit.
Son livre tient à la fois du livre d'histoire, du guide touristique, de l'autobiographie aussi, même s'il n'aborde jamais ses trois années de captivité au Liban. le fait de s'intéresser à ce grand reclus que fût Napoléon n'est peut-être pas anodin. Sa démarche est inimitable. A travers sa prose l'on sent l'homme : pudique et réservé , mais pugnace aussi quand il a une idée fixe . Tout au long des 360 pages de l'édition de poche Folio, le lecteur accompagne Jean Paul Kauffmann dans sa découverte de l'île. Les lieux bien sûr, cette demeure improbable de Longwood située dans la partie la plus déshéritée de Sainte-Hélène, mais aussi les hommes qui l'habitent aujourd'hui : Michel Martineau , consul honoraire de France, et son père Gilbert dont Kauffmann pourrait faire le sujet d'un livre, tant le personnage est haut en couleur.
Avec de nombreuses échappées dans le passé, l'auteur nous fait revivre l'épopée napoléonienne pour la mettre aussitôt en résonance avec ce qu'il en reste sur ce rocher perdu de l'Atlantique sud. Il scrute les portraits de l'Empereur pour y déceler quelques signes qui pourraient expliquer l'inexplicable : comment en est-on arrivé là ?
Cornaqué par Michel Martineau, le consul honoraire de France , dans sa visite des appartement de Napoléon, Kauffmann profite d'une absence de son guide pour s'allonger sur le lit de camp de l'Empereur. Toujours l'imprégnation. Et l'auteur ne vous fera pas grâce des commentaires souvent sarcastiques des "évangélistes" , à savoir les quatre généraux (Las Cases,Montholon,Bertrand, Gourgaud ) , chargés de compiler la bonne parole pour la gloire future de l'Empereur.
Mais le grand propos du livre est plus d'ordre...métaphysique : c'est une méditation , alimentée par les digressions Kauffmanniennes ,sur la solitude, la déchéance, la déréliction,la mort, et le dérisoire de toute chose. Sur l'ennui aussi . Ennui qu'éprouvent les habitants de l'île et qu' a dû éprouver Napoléon et sa suite. La géographie et le climat de l'île s'accordant parfaitement avec ce propos.
Un livre passionnant .











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