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Critique de Lamifranz


Il n'est pas nécessaire d'être chrétien pour être intéressé, intrigué, parfois même passionné par le personnage de Jésus-Christ. Depuis plus de deux mille ans, historiens et théologiens s'affrontent à coups d'arguments pour définir qui sa divinité, qui son humanité, qui même son existence pure et simple. de quoi alimenter l'éternel débat entre la foi et la vérité historique… D'autant qu'à part les écrits bibliques (et en particulier le Nouveau Testament) qui ne sont en rien des témoignages purement historiques mais une oeuvre didactique aux intentions de prosélytisme (c'est mon avis, mais vous n'êtes pas obligés de me suivre), l'existence de Jésus n'est attestée que par quelques lignes chez Tacite, Suétone, Dion Cassius et Flavius Josèphe, historiens antiques dont l'objectivité est souvent remise en cause. On peut retenir que dans ces années-là, il y a eu en Palestine un homme appelé Jésus, qui a été crucifié et dont la doctrine a été partagée par nombre de croyants. Etait-il homme ? Etait-il Dieu ? Les avis sont partagés.
C'est le sujet même de ce beau roman de Nikos Kazantzakis. Cet écrivain grec (crétois, plus précisément) (1883-1957) nous est connu principalement pour trois romans, tous trois porté au cinéma : « Alexis Zorba » (1946), adapté par Michael Cacoyannis en 1964, sous le titre « Zorba le Grec », avec un extraordinaire Anthony Quinn dans le rôle-titre et une splendide musique (sirtaki) signée Mikis Théodorakis ; « le Christ recrucifié » (1950) adapté en 1957 par Jules Dassin sous le titre « Celui qui doit mourir » avec Jean Servais, Melina Mercouri et Pierre Vaneck ; « La dernière tentation » (c'est le titre exact du roman, rebaptisé après la sortie du film) (1954) adapté par Martin Scorsese en 1988 sous le titre « La Dernière tentation du Christ » avec Wilhelm Dafoe dans le rôle de Jésus et Harvey Keitel dans le rôle de Judas.
Le Jésus de Kazantzakis est un personnage plein de doutes. Il est un homme, c'est certain, il est charpentier, il est même amoureux de sa cousine Marie-Madeleine. Sa rencontre avec son autre cousin Jean-Baptiste va changer sa vie. Après une tentation au désert (l'avant-dernière) il choisit d'assumer sa destinée et prend le chemin que nous connaissons. Mais ses doutes le poursuivent. Alors qu'il est sur la croix, se présente la dernière tentation : celle de vivre la vie normale, ordinaire, d'un homme heureux entre sa femme, ses enfants et ses amis. Cette vision se gâte lorsque ses anciens disciples, Judas en particulier, lui reprochent sa « trahison » et que l'apôtre Paul lui montre la religion née précisément de sa mort sur la croix. Comprenant alors quelle est sa destinée, il déclare « Tout est consommé » et meurt.
Le livre, et le film qui en est tiré ont choqué les traditionnalistes chrétiens, qui y ont vu une atteinte à la divinité de Jésus. Pour moi, elle n'est pas évidente, au contraire il me semble voir dans le roman comme dans le film un message de tolérance et d'humanisme : le fait que Jésus assume son « humanité » le place à notre niveau et nous permet de partager ses doutes et ses convictions et son difficile cheminement. Ce n'est d'ailleurs pas incompatible avec une certaine « divinité » tant que celle-ci est bienveillante (ce qui est le cas).
Nous sommes arrivés à un point où l'intolérance religieuse a atteint un niveau inégalé (et pourtant on a eu de beaux exemples dans le passé !) La foi prend le dessus sur la raison au lieu de cohabiter avec. Il ne sert à rien d'opposer « l'humanité » et « la divinité » de Jésus, il suffit de les accorder. Pour la foi et la raison, c'est pareil. Mais pour ça il faut prendre un peu de recul, accepter d'écouter la partie adverse, et ne juger (si toutefois un jugement est nécessaire) qu'en connaissance de cause.
Cette chronique diffère un peu des précédentes, elle touche à des convictions que chacun porte en soi, et je n'ai pu m'empêcher de donner un avis personnel sur la question. Si quelqu'un s'en est trouvé gêné, qu'il veuille bien me pardonner (je rajoute sur la liste des commissions : un sac et des cendres)
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