- Je t’aime.
Il me sourit et pose ses mains sur mes joues.
- Je t’aime aussi, Liv. Je crois qu’au fond de moi, je t’aime depuis le premier jour.
Tendrement, ses lèvres viennent se poser sur les miennes et sceller une déclaration que j’attendais depuis presque dix ans.
Pour moi, ce qu'on peut planifier pour nos futurs respectifs n'a aucune importance. Il y a des choses dans la vie bien trop puissantes pour qu'on puisse les changer.
- Quand tu penses à l'avenir avec Liv, tu te retrouves plutôt sur le tapis de course ou à pousser ?
Il a touché juste ! Je lui lance un grand sourire.
- Je cours !
Après avoir jeté nos bouteilles à la poubelle, Nico me tape sur l'épaule et nous sortons, en éteignant les lumières de chaque pièce sur notre passage.
- Un jour, tu seras tellement épuisé d'avoir couru que tu finiras par céder.
- Salut.
- Tu es chez toi ?
- Non, chez mon libraire.
- Tu cherches un livre pour ton boulot ?
- En fait, non. J'essayais de trouver un bon bouquin. Je voulais passer la soirée au lit, bien au chaud.
- Quel genre ?
- Euh... de la romance.
- Tu ne voudrais pas passer la soirée bien au chaud avec moi, plutôt ?
J'éclate de rire, parce qu'il a dit ça sur le ton de la plaisanterie. Mais je sens bien que c'est une véritable invitation.
- Mais euh ! Je voulais lire mes cochonneries ce soir !
- Des cochonneries ? Apporte-le, ton bouquin. Tu me le liras, et on jouera les scènes.
- Vous vous êtes vus, tous les deux ?
C'est alors que je me rends compte que nous ne portons que nos shorts. Pas de chaussures, pas de tee-shirt. Rien que deux fighters gonflés à bloc, tablettes de chocolat à l'air, en train de jouer les mères poules autour d'Ella et de son bedon. En parcourant la salle du regard, je vois que tout le monde nous fixe. L'humour de la situation nous frappe tous les trois et nous cédons au fou rire.
- Des cochonneries ? Apporte-le, ton bouquin. Tu me le liras, et on jouera les scènes .
- Liv m'accompagne.
- Liv t'accompagne ?
- Il y a comme un écho, ici...
Nico part d'un grand rire et secoue la tête avec indulgence.
- C'est bien, ça. J'ai l'impression qu'elle va être douée pour t'empêcher de faire des bêtises.
- D'après elle, tu dois aller parler à ta mère.
- Ma mère ? C'est elle qui a des réponses ? D'habitude, c'est plutôt le contraire !
Alors Nico s'éloigne, puis s'arrête et se retourne, l'air sardonique.
- Ah, et puis elle a dit aussi que quand tu en aurais fini chez ta mère, il faudrait te réveiller et aller chercher ta nana avant qu'il ne soit trop tard.
- Le café, ça me manque... Raconte-moi ts trois tasses d'aujourd'hui, me supplie-t-elle. JE n'en peux plus ! Ne serait-ce que d'en sentir l'odeur, ça me ferait du bien. Mais mon mari est un cinglé de la santé, il n'en boit pas une goutte, alors je ne risque pas d'en renifler chez nous.
Je suis ravie de m'exécuter pour elle. Non seulement je suis accro au café, mais j'adore raconter les histoires.
- Eh bien, aujourd'hui, j'ai commencé par du Kona, un café hawaïen. Fraîchement moulu et préparé avec une pointe de Bailey's, il avait des tonalités den oisette et de crème qui t'emportent pour un voyage au coeur des montagnes de Kauai...
Surprise de mon envolée lyrique, Ella hausse le sourcil et lâche un rire.
- Tu me tues. Mais continue.
Elle ferme les yeux en souriant et attend pour la suite.
- Puis, dans l'après-midi, j'ai eu besoin d'un petit coup de fouet, alors je suis allée chez Barto me prendre un expresso...
Je me penche en avant pour chuchoter malicieusement.
- ... un double.
- Hmmm, chez Barto... Et celui-là, il était comment ?
- Sombre, plein de force et d'assurance. Un pur arabica.
Je marque une pause, pour ménager mes effets, et Ella se lèche les lèvres d'un air rêveur.
- Dès la première petite gorgée délicate, on a envie de retenir toute cette saveur chaude et liquoreuse pour qu'elle dure. Mais on ne peut pas. Parce que l'on connaît la suite et qu'elle est irrésistible : le goût inimitable du chocolat noir. Sa douceur enrobe un trait léger d'amertume et te fait plonger dans la richesse de ses arômes. En ferant les yeux, tu es transportée dans les collines de Toscane, et au loin, les herbages ondulent doucement dans la brise.
Ella, les yeux toujours fermés, affiche un sourire radieux.
- Hmmm... On le sentirait presque. Aller, encore un peu. Parle-moi de ta troisième tasse.
On dirait une petite fille qui attend impatiemment la fin de son histoire avant de se coucher. Je suis sur le point de me lancer dans la description de mon café frappé au caramel, lorsqu'une voix de basse m'interrompt en pleine réflexion.
- Oui, c'est ça, continue Live. Raconte-nous comme tu aimes toute cette saveur chaude et liquoreuse...
- Non ?
Je n’arrive pas à savoir s’il se snt amusé ou agacé.
- Non. On se protège l’un l’autre. C’est comme ça que ça marche.