Humboldt lui demanda s'il n'avait donc jamais lu Kant.
Un Français ne lit pas les auteurs étrangers.
[...] celui qui ne connaissait pas l'angoisse métaphysique ne serait jamais un Allemand.
Ici, il n'y avait pas d'heure matinale ou tardive, murmura Humboldt. Ici, il n'y avait que du travail à faire, et il serait fait. [...]
Qu'est-ce au juste, mesdames et messieurs, que la mort? Ce n'est pas seulement la vie qui s'éteint et les quelques secondes de transition, mais déjà le long déclin qui précède ; la période où l'homme est toujours là sans l'être vraiment et peut encore prétendre qu'il existe, même si sa gloire s'est évanouie depuis longtemps. Telles sont les précautions, mesdames et messieurs avec lesquelles la nature a prévu notre disparition!
L'homme n'est pas un animal, dit Humboldt.
Parfois si, répliqua Bonpland.
Tant qu'à être sur cette terre - de toute façon, on n'avait pas le choix - autant essayer d'accomplir quelque chose.
C'était étrange et injuste, dit Gauss, et une illustration parfaite du caractère lamentablement aléatoire de l'existence, que d'être né à une période donnée et d'y être rattaché, qu'on le veuille ou non. Cela donnait à l'homme un avantage incongru sur le passé et faisait de lui la risée de l'avenir. (...) Même une intelligence telle que la sienne, reprit Gauss, n'aurait rien pu concevoir aux premiers âges de l'humanité ou sur les rives de l'Orénoque, tandis que dans deux siècles le premier imbécile venu pourrait se moquer de lui et inventer des absurdités sur son compte.
Un Allemand, répétait-il l’air fatigué, tout en mangeant la soupe de pommes de terre du diner, c’était quelqu’un qui n’était jamais affalé sur sa chaise.
Sur cette terre, on avait bien d'autres tâches que le simple fait d'être là. La vie, ce n'était pas le but de l'existence.
Dans la chambre à coucher, il tira les rideaux, s'avança vers elle (...) et commença à défaire les lacets de sa robe. Sans lumière, ce n'était pas facile. Cela dura longtemps, le tissu était récalcitrant, les lacets très nombreux et il ne comprenait pas qu'il n'ait pas encore réussi à les dénouer. Mais il avait fini par y arriver, la robe glissa (...) Il se demanda comment il allait procéder avec son jupon. Pourquoi les femmes ne portaient-elles pas des vêtements qu'on arrivait à défaire? (...) Tandis qu'il laissa errer sa main sur sa poitrine jusqu'à son ventre puis - il décida de tenter la chose, même s'il avait l'impression de devoir s'en excuser - plus bas encore, le disque lunaire, blême et embué, apparut entre les rideaux, et il eut honte de comprendre à ce moment précis comment on pouvait corriger de façon approximative les erreurs de mesure de la trajectoire des planètes. (...) Elle enroula ses jambes autour de son corps mais il s'excusa, se leva, avança en trébuchant jusqu'à la table, trempa sa plume dans l'encrier et écrivit, sans allumer la lumière: somme d. carrés de la diff. entre les observ. et les calcs.→min., c'était trop important, il n'avait pas le droit de l'oublier ...