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Critique de ODP31


Divorce à l'américaine.
Dès qu'un évènement survient aux states depuis quinze ans, il y a toujours un journal français pour inviter Douglas Kennedy à s'exprimer sur la politique et la société de son pays. C'est un peu comme Line Renaud à chaque décès de célébrités. Il a un forfait illimité pour donner son avis éclairé. L'avantage avec Douglas, c'est que nous l'avons toujours sous la main puisque ses romans ne se vendent pas dans son pays et qu'il parle français pour critiquer le yankee et flatter nos égos.
Alors Oui, j'ai lu un roman de Douglas Kennedy. Je l'ai même acheté. Je pourrai mentir et dire que je l'ai trouvé sur la table de nuit de ma moitié, mais non, elle ne supporte plus ces histoires de ruptures amoureuses et de mariages ratés entre gens bien élevés. Je n'ai pas d'alibi. Je ne vous ferai pas croire davantage qu'un ami me l'a offert pour ma collection de clichés littéraires ou que souffrant de vertige, j'ai fait une cure de littérature plate.
C'est la trame du roman qui m'a permis de botter les fesses de mes idées immobiles (un peu borné l'ODP parait-il !) et de vraiment apprécier cette dystopie autour d'une nouvelle guerre de sécession qui opposerait en 2045 les états puritains nostalgiques du Mayflower et les états progressistes, wokistes biocoopisés des côtes américaines à la liberté plus que surveillée. Un futur hélas plausible.
Dans la confédération théocratique, team Jesus, impossible de sécher le catéchisme, d'avorter, de divorcer, de copuler avant le mariage, de blasphémer (même quand on se coince un doigt dans une porte, nom de D… !), de darwiniser, de dire amen à la science, de permettre à Monsieur de s'appeler Madame et vices versa. C'est pas Ibiza ! Tenues correctes exigées, rien de visible au-dessus des genoux, pulls enroulés sur les épaules et socquettes blanches obligatoires, avec une soumission aveugle aux 12 apôtres qui détiennent le pouvoir de la secte. Deux principes chrétiens y sont un peu négligés : la tolérance et le pardon. C'est le problème des conditions de vente avec les mentions en petits caractères que personne ne lit jamais. Même dans la Bible. Au menu, barbecues à l'orléanaise pour les mécréants, rebelles tatoués écorchés comme des crevettes, athées hâtés de transhumer à l'étranger.
Dans l'autre camps, une république de façade qui affiche une totale liberté de moeurs, un libéralisme décomplexé mais qui impose une surveillance généralisée même au sein du foyer pour prévenir tout comportement rétrograde ou violent. Les individus sont pucés, la vie privée surveillée, souriez, vous êtes filmés, l'histoire jugée et le présent dans les mains d'un président milliardaire, sorte de clone d'Elon Musk et de Jeff Bezos à l'intelligence trop artificielle. Ne me gardez pas les petits s'ils en font.
Au centre de cette Amérique qui n'a pas attendu le grand tremblement de terre pour se séparer, la ville de Minneapolis se retrouve coupée en deux, murée comme Berlin durant la guerre froide. Ces états désunis qui se déchirent comme un couple se surveillent par le biais de services secrets chargés des basses besognes et d'entretenir la haine réciproque.
Peste ou choléra, n'exagérons pas. On va dire, chtouille ou crise de foi. Derrière cette toile de fond, le pamphlet politique laisse la priorité (à droite !) à un roman d'espionnage efficace truffé de rebondissements. Samantha Stengel, la narratrice, espionne au service de la République est chargée de s'infiltrer en territoire ennemi pour assassiner une tueuse redoutable. Surprise à la Kennedy : la cible concernée n'est autre que sa demi-soeur, qui exerce le même métier pour l'autre camps. Les coïncidences, tout de même.
Les doutes existentiels du personnage de Samantha Stengel apportent la nuance nécessaire à une histoire volontairement binaire mais qui ne manque pas de justesse au regard du jusqu'au boutisme ambiant.
Il est vrai que dans le concours de crétinisme, difficile de départager ceux qui déboulonnent les statues, réécrivent l'histoire et les romans d'Agatha Christie ou de Roald Dahl de ceux qui paradent dans le Capitole avec une tête de bison ou multiplient les autodafés dans les bibliothèques scolaires de Floride pour empêcher l'enseignement de l'évolution naturelle et du changement climatique.
J'ai vu que Douglas Kennedy s'était déjà attaqué au fondamentalisme chrétien dans « Au Pays de Dieu (2004) ». Il faudra que je me le procure maintenant que j'ai dépassé mes préjugés concernant cet auteur.
Futur conditionnel.
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