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sur 502 notes
Divorce à l'américaine.
Dès qu'un évènement survient aux states depuis quinze ans, il y a toujours un journal français pour inviter Douglas Kennedy à s'exprimer sur la politique et la société de son pays. C'est un peu comme Line Renaud à chaque décès de célébrités. Il a un forfait illimité pour donner son avis éclairé. L'avantage avec Douglas, c'est que nous l'avons toujours sous la main puisque ses romans ne se vendent pas dans son pays et qu'il parle français pour critiquer le yankee et flatter nos égos.
Alors Oui, j'ai lu un roman de Douglas Kennedy. Je l'ai même acheté. Je pourrai mentir et dire que je l'ai trouvé sur la table de nuit de ma moitié, mais non, elle ne supporte plus ces histoires de ruptures amoureuses et de mariages ratés entre gens bien élevés. Je n'ai pas d'alibi. Je ne vous ferai pas croire davantage qu'un ami me l'a offert pour ma collection de clichés littéraires ou que souffrant de vertige, j'ai fait une cure de littérature plate.
C'est la trame du roman qui m'a permis de botter les fesses de mes idées immobiles (un peu borné l'ODP parait-il !) et de vraiment apprécier cette dystopie autour d'une nouvelle guerre de sécession qui opposerait en 2045 les états puritains nostalgiques du Mayflower et les états progressistes, wokistes biocoopisés des côtes américaines à la liberté plus que surveillée. Un futur hélas plausible.
Dans la confédération théocratique, team Jesus, impossible de sécher le catéchisme, d'avorter, de divorcer, de copuler avant le mariage, de blasphémer (même quand on se coince un doigt dans une porte, nom de D… !), de darwiniser, de dire amen à la science, de permettre à Monsieur de s'appeler Madame et vices versa. C'est pas Ibiza ! Tenues correctes exigées, rien de visible au-dessus des genoux, pulls enroulés sur les épaules et socquettes blanches obligatoires, avec une soumission aveugle aux 12 apôtres qui détiennent le pouvoir de la secte. Deux principes chrétiens y sont un peu négligés : la tolérance et le pardon. C'est le problème des conditions de vente avec les mentions en petits caractères que personne ne lit jamais. Même dans la Bible. Au menu, barbecues à l'orléanaise pour les mécréants, rebelles tatoués écorchés comme des crevettes, athées hâtés de transhumer à l'étranger.
Dans l'autre camps, une république de façade qui affiche une totale liberté de moeurs, un libéralisme décomplexé mais qui impose une surveillance généralisée même au sein du foyer pour prévenir tout comportement rétrograde ou violent. Les individus sont pucés, la vie privée surveillée, souriez, vous êtes filmés, l'histoire jugée et le présent dans les mains d'un président milliardaire, sorte de clone d'Elon Musk et de Jeff Bezos à l'intelligence trop artificielle. Ne me gardez pas les petits s'ils en font.
Au centre de cette Amérique qui n'a pas attendu le grand tremblement de terre pour se séparer, la ville de Minneapolis se retrouve coupée en deux, murée comme Berlin durant la guerre froide. Ces états désunis qui se déchirent comme un couple se surveillent par le biais de services secrets chargés des basses besognes et d'entretenir la haine réciproque.
Peste ou choléra, n'exagérons pas. On va dire, chtouille ou crise de foi. Derrière cette toile de fond, le pamphlet politique laisse la priorité (à droite !) à un roman d'espionnage efficace truffé de rebondissements. Samantha Stengel, la narratrice, espionne au service de la République est chargée de s'infiltrer en territoire ennemi pour assassiner une tueuse redoutable. Surprise à la Kennedy : la cible concernée n'est autre que sa demi-soeur, qui exerce le même métier pour l'autre camps. Les coïncidences, tout de même.
Les doutes existentiels du personnage de Samantha Stengel apportent la nuance nécessaire à une histoire volontairement binaire mais qui ne manque pas de justesse au regard du jusqu'au boutisme ambiant.
Il est vrai que dans le concours de crétinisme, difficile de départager ceux qui déboulonnent les statues, réécrivent l'histoire et les romans d'Agatha Christie ou de Roald Dahl de ceux qui paradent dans le Capitole avec une tête de bison ou multiplient les autodafés dans les bibliothèques scolaires de Floride pour empêcher l'enseignement de l'évolution naturelle et du changement climatique.
J'ai vu que Douglas Kennedy s'était déjà attaqué au fondamentalisme chrétien dans « Au Pays de Dieu (2004) ». Il faudra que je me le procure maintenant que j'ai dépassé mes préjugés concernant cet auteur.
Futur conditionnel.
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Il suffit de quelques années pour qu'un monde en crise évolue vers le cauchemar que les plus avertis pressentaient : Les Etats-Unis, dans l'univers que dépeint Douglas Kennedy, sont devenus la caricature d'eux-mêmes. Séparés en deux communautés ennemies, les frontières qui les séparent sont hermétiques. Sam Stengel, dont les talents ont été repérés (et comment ne pas sélectionner les meilleurs sujets quand le moindre cycle de leur respiration, les calories ingurgitées ou dépensées et les déplacements les plus minimes sont immédiatement récupérés par les banques de données alimentées par des puces implantées sous la peau, rejetant au statut d'antiquités les montres ou smartphones du passé) a rejoint le réseau d'agents spéciaux chargés de lutter contre la confédération, un conglomérat d'états républicains. Elle est chargée d'une mission bien précise, éliminer une femme activiste et dangereuse. Elle découvrira rapidement que cette femme n'est pas une étrangère pour elle …

Ce roman d'anticipation glaçant, prend vite des allures de thriller, dont Douglas Kennedy maîtrise très bien les codes. On en arrive vite à tourner les pages à toute allure, ce que l'auteur déclare souhaiter : nous faire passer une nuit blanche sur ce livre !

C'est d'autant plus efficace que chacun a pu constater ces dernières décennies la vitesse à la quelle évolue en parallèle la technologie et la surveillance des individus. Rien de plus plausible que l'univers clos qu'il décrit.

Quand aux dérives obscurantistes évoquées, elle n'ont rien non plus d'un délire: on ne peut que constater la régression des droits acquis dans nos nations modernes.


Un excellent moment de lecture.

338 pages Belfond 1er juin 2023
Traduction (Anglais) : Chloé Royer
#DouglasKennedy #NetGalleyFrance

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Ce n'est pas qu'un roman, mais une vision. Pas qu'une fiction, mais une anticipation. Douglas Kennedy regarde devant nous et imagine le futur, Et c'est ainsi que nous vivrons en 2045.

Deux décennies à peine, ce n'est rien du tout à l'échelle de nos sociétés, et pourtant le monde que décrit l'auteur est bien différent du nôtre. Ou plutôt, il en est l'extension, avec des curseurs poussés juste (beaucoup) plus loin.

Dans ce futur, place aux Etats-Désunis. Les anciens gendarmes du monde se sont repliés sur leur lutte intestine. Une guerre de sécession version 2.0 a morcelé le pays, au point d'y ériger des frontières comme autant de murs de Berlin version XXL.

Les côtes Est et Ouest et quelques états proches, d'un côté. de l'autre, les états de l'intérieur. Et deux modes de vie et de pensée opposés, démocratie autoritariste vs théocratie redneck.

Douglas Kennedy a pensé, théorisé, ce demain avec minutie. Pas juste en en dessinant les grandes lignes, mais en le réfléchissant avec nombre de détails. Allant parfois bien au-delà du continent américain, élargissant parfois le spectre au monde entier.

L'auteur donne le « choix » entre deux idées sociétales qui s'entrechoquent. Entre l'état de Big Brother ou la dictature de l'Inquisition.

Rien de farfelu, ce roman d'anticipation est clairement un prolongement de ce que l'on est en train de vivre à travers un pays et un monde qui se désagrègent. Et où la remise en cause des droits fondamentaux est devenue la nouvelle norme.

Qu'on soit clair, le roman n'est pas un pamphlet politique ou une thèse, mais bien un vrai thriller, avec une intrigue fouillée. de l'art de faire passer des messages forts à travers un genre dit de divertissement. Un mélange détonnant qui prend aux tripes, se révèle haletant après 1/3 de mise en place, tout en mettant mal à l'aise et faisant réfléchir.

Clairement, ce n'est pas un livre qu'on oublie lorsqu'on le pose sur sa table de chevet. Il embolise les pensées, continue son cheminement intérieur.

La partie thriller met en scène une agente secrète de la partie République (celle des deux côtes) qui doit infiltrer le camp adverse, via la Zone Neutre, pour éliminer une cible. Sauf qu'elle va se retrouver personnellement et émotionnellement impliquée dans cette mission.

Cette partie offre son lot de surprises, et le contexte ambiant rend l'intrigue sacrément addictive et singulière.

Ce que décrit Kennedy n'est rien de moins qu'un démocraticide. Par les deux parties.

D'un côté dans la Bible Belt étendue, sous couvert de croyances religieuses moyenâgeuses, les droits sont bafoués, la différence ou la dissension sont passibles de mort par le feu.

De l'autre, la démocratie est totalement encadrée, tout est fliqué, pour une réelle sécurité apportée mais au détriment de la notion même d'intimité.

L'écrivain américain a clairement choisi son parti, on le sent très vite, mais ça ne l'empêche pas d'être critique et d'alerter. Oui, ce roman est clairement engagé, il y tire à boulets rouges sur la génération Trump et l'avancée de l'obscurantisme au détriment de la liberté et de l'égalité.

La diatribe est vive contre ces états de l'intérieur qui « écorchent leur salmigondis de dogmes hypocrites », dixit l'auteur.

Le plus terrifiant sans doute, pour moi, est que ce propos visionnaire, avec sa foultitude de détails, correspond beaucoup à ma manière de voir les choses… Pessimiste clairement, alarmiste assurément. Pour tenter d'éveiller aussi les consciences sur ce possible avenir. Un monde qui fonctionne autrement, mais à quel prix ?

Et c'est ainsi que nous vivrons, une affirmation, tant Douglas Kennedy s'engage sur ce futur proche qu'il a pensé avec minutie. Une vision d'une division qui est déjà en marche, aussi effrayante que fascinante et éclairante, à travers le jeu du thriller d'espionnage.

Avec une intrigue prenante et engagée qui porte le propos tout en faisant défiler les pages devant nos yeux écarquillés. Pour mieux les laisser grands ouverts sur ce qui risque de nous attendre ? Un roman épatant et important.
Lien : https://gruznamur.com/2023/0..
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J'ai lu un Kennedy. de son vivant. Pourquoi?
Parce que quelques amis "bien sous tous les rapports" en ont entendus parler abondamment, ont fait de même avec moi et donc...
Il est vrai que cela se laisse lire, c'est fluide comme tout bon accrolivre. En fait je dois l'avouer, c'était en plus un test personnel. Je connaissais en gros la dystopie proposée par l'auteur : les états-désunis d'Amérique qui réalisent physiquement la rupture perceptible aujourd'hui dans la tête des habitants de l'Empire. Et moi dans tout ça ? Je voulais tester ma préférence. Ma préférence à moi...
Pas besoin d'être grand Clerc pour comprendre que le résultat est un peu biaisé puisque le narrateur et l'héroïne de trouvent d'un côté. Suggestion : une double narration aurait été une idée certes plus chronophage mais porteuse d'une dimension supplémentaire intéressante.
Nous avons donc, là-bas, deux états qui se sont constitués autour des fractures économiques et morales contemporaines.
D'un côté le modèle libéral sociétal woke LGBText.
De l'autre le modèle puritain, retour aux textes religieux.
D'un côté, un gourou transhumaniste, un must...
De l'autre une confrérie qui fait appliquer les règles du bon vieux livre sacré des chrétiens ; pas de déviance sexuelle, de relations avant et hors mariage, de blasphème, d'évolution etc...
Je note cependant que l'auteur s'est débarrassé du problème économico-social dans les deux camps, ce qui est certes habile mais consiste à ce niveau en une manipulation dommageable.
Pour les libéraux, plus de chômage, niveau élevé de prise en charge sociale complètement à rebrousse-poil de la tendance actuelle...
Pour les puritains, moins d'informations mais cela à l'air de rouler pour l'emploi revenu à des choses apparemment simples et entraînant un moindre développement technologique. le modèle ex-soviétique continue de laisser son empreinte mentale dans les représentations des systèmes collectivistes. La Chine n'a pas encore implémenté cette grille de lecture.
Donc une fois évacués les problèmes de l'emploi, du logement, de la santé, de l'éducation, l'auteur focalise sur les moeurs. Les règles de vie personnelle choisies par les deux sociétés.
Il greffe sur ce fond diffus dystopique une histoire d'espionnage à Minneapolis, sorte de Berlin futur, entre ces entités par l'intermédiaire de deux personnages qui ne devraient pas s'affronter.
Je n'irais pas plus loin pour ne pas divulgâcher mais ce petit roman se laisse lire et met le doigt sur une question qui se pose réellement : jusqu'où pouvons-nous faire société ensemble ?
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Dans quel monde voulons nous vivre dans vingt ans ?

Vingt ans , c'est demain et la vision que nous propose Douglas Kennedy dans son nouveau roman sorti en avant première en France fait plutôt froid dans le dos .
Ici, il n'est pas vraiment question de changement climatique, c'est le glissement de nos rapports sociaux, de nos politiques, de notre catégorisation de plus en plus intolérante aux différences .
Et cela aboutit à la scission des États Unis en deux pays irréconciliables : une théocratie , Confédération du Centre caractérisée par une reprise en main religieuse à base de valeurs chrétiennes intégristes et une démocratie , la république des 2 côtes où tout le monde est surveillé faisant penser bien sûr au roman de Georges Orwell , 1984 : Big Brother is watching you ..."

Samantha Stengel est un agent secret de la République, elle est chargée d'aller éliminer dans le territoire confédéré une femme qui est à l'origine de l'arrestation et de la mise à mort d'indics , et Sam va l'apprendre au tout début de sa mission, sa cible est en fait sa demi-soeur .
L'intrigue est assez simple , sans véritable enjeu et ne représente pas , à mon avis, l'essentiel de ce roman .

L'écrivain a beaucoup cogité sur ce que pourrait être cette sécession, visiblement marqué par le passage de Trump à la Maison Blanche .
La description de cette partie de l'Amérique est assez courte puisque son héroïne n'y fait qu'un court séjour avec quelques surprises comme la persistance de bibliothèques et de librairies .
Il est à remarquer que la culture résiste bien de chaque coté , en particulier le cinéma avec de nombreuses références de films.

Il s'étend plus sur la République unie, avec une liberté très limitée puisque chacun est muni d'une micro-puce et d'une montre connectée ne permettant pas d'écart.
Mais les rapports humains ne concernent principalement que le milieu particulier des agents secrets ce qui est tout de même limité , on connait peu la vie et l'opinion des gens ordinaires ...

Pas d'échappatoire si ce n'est d'être seul , plus aucune trace de fraternité , la confrontation entre les demi-soeurs est à ce titre caractéristique : une envie de se connaitre à travers un même père mais une réconciliation impossible entre deux camps opposés et le lecteur ne se pose pas la question de savoir où il voudrait vivre car aucun camp n'est enviable... Chacun reste seul : constat amer ...

Un futur pour notre monde qui fait frémir et même si Douglas Kennedy est francophile , sa vision reste pour moi celle d'un américain . Peut-être est-ce ma défense pour ne pas imaginer qu'un tel avenir est possible ?
Avec mes remerciements à NetGalley et aux Éditions Belfond
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Après « Les hommes ont peur de la lumière » très bon livre avec un regard perçant sur l'Amérique d'aujourd'hui , Douglas Kennedy promène à nouveau son oeil critique et acéré sur une Amérique totalement explosée et déchirée . Nous sommes en 2045 dans une société dystopique où les USA sont constitués de deux parties adverses qui s'affrontent après une nouvelle guerre de Sécession. Mais quel est le clan le plus liberticide? Un roman traité comme un thriller à suspens, terrible et froid, effrayant et quelque peu angoissant… Une vraie réussite.
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Samantha Senghel est agent secret. Elle a sacrifié toute perspective de vie de famille pour défendre la République unie, une partie des États-Unis qui protège la liberté au prix d'une surveillance constante, rendu possible grâce à la technologie. Sa prochaine mission est de tuer une cible très dangereuse, également agent secret, mais de l'autre côté du pays, la Confédération unie. Elle n'est pas seulement une cible dangereuse, mais ce qu'apprend Samantha ne l'arrête pourtant pas.

J'ai dévoré ce livre. Un page-turner ! J'ai souvent eu peur pour Sam. J'ai aimé qu'elle ne soit pas dupe de la propagande de son propre pays, pas plus que du pays voisin. Les Américains ayant eu le choix entre la peste et le choléra, la plupart d'entre eux s'en arrangent, mais peuvent-ils faire autrement ? Très peu essaient de changer les choses (c'est peut-être quelque chose qui manque).

L'histoire se déroule aux États-Unis en 2045, principalement à Minneapolis. Douglas Kennedy explique parfaitement comment le pays s'est trouvé divisé en deux, à la suite d'une nouvelle Guerre de Sécession, comment la pandémie, l'élection de Trump, et plus généralement la situation géopolitique en ont été les prémices. D'un côté, la Confédération unie est composée d'États où la foi fait la loi ; avortement, homosexualité ou divorce sont interdits. Alors qu'en République unie, très attachée aux libertés individuelles, enfin aux libertés individuelles très proches de la conception qu'en ont les GAFAM, tout le monde est surveillé sans arrêt. Et ce n'est pas que pour refourguer de la publicité. Comme Berlin, Minneapolis a été coupé en deux, c'est la Zone neutre, mais pas si neutre que ça.

Le début du roman promet une intrigue qui pourrait être aussi terrifiante que Les sorcières de Salem, mais c'est un secteur plutôt paisible que Sam découvre en se rendant de l'autre côté. Les formalités à la frontière n'auguraient pourtant rien de bon.

Curieusement, j'ai trouvé cet univers beaucoup moins glaçant que certaines scènes du précédent livre de Douglas Kennedy, Les hommes ont peur de la lumière ; peut-être parce que ces dernières font appel à des évènements réels.

Lien : https://dequoilire.com/et-ce..
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Bienvenue aux USA en 2045 avec cette dystopie fascinante ! le livre s'ouvre sur l'exécution moyenâgeuse d'une femme condamnée au bûcher pour moeurs inappropriées tintées d'espionite aigüe et Samantha Stengel qui travaille aux services secrets de la République Unie assiste sur écran à cette exécution en présence de ses chefs. Elle n'a pas pu maîtriser totalement ses émotions ce qui lui vaut une mission sous contrôle dans le camp adverse pour éliminer un agent responsable de l'interrogatoire et la condamnation de celle qu'elle considérait comme une amie.

Pour corser la mission, il s'avère que la cible est la demi-soeur de Sam. Il va donc falloir modifier son apparence physique : on lui refait le nez, on lui colore les iris et les cheveux. Pour la mission, elle devient critique de cinéma pour une maison en zone neutre et se rend au cinéma du coin pour visionner des films anciens et rendre sa copie ensuite…

Voilà, c'est arrivé, la sécession a bien eu lieu aux USA avec d'un côté la Confédération Unie, (GU) théocratie pure et dure où règne la bible dans son interprétation la plus opprimante : exit avortement, adultère, homosexualité, LGBTQ, théorie de l'évolution ; le blasphème a été remis au goût du jour, les femmes à la maison avec les enfants. On brûle les nouvelles sorcières (et sorciers) ; le créationnisme a le vent en poupe (Dieu n'aurait peut-être pas dû se reposer le septième jour quand on voit les humains actuels…

De l'autre, la République Unie (RU) où est censée régner la liberté, mais tout est relatif : le président Chadwick, mixte d'Elon Musk et Jeff Bezos, a mis au point une puce à côté desquelles les nôtres sont largement obsolètes, implantée derrière l'oreille, combinée à l'Intelligence Artificielle avec montre connectée (en fait tout est connecté) qui permet de suivre les gens à la trace (Big Brother s'est incarné)

Ce roman se lit comme un thriller, on n'a qu'une seule envie tourner la page pour continuer à suivre les héros, avec au passage des morts violentes, des trahisons, la gâchette est toujours facile dans ce pays, des rebondissements.

J'ai beaucoup aimé l'intrigue, et surtout la vision apocalyptique de Douglas Kennedy, car son raisonnement est très étayé, il explique le pourquoi du comment de cette évolution des USA, amorcée déjà sous l'ère Reagan mais nettement amplifiée avec G.W, pour atteindre une ampleur phénoménale sous l'ère Trump et ses théories conspirationnistes, l'assaut du Capitole, la victoire qu'il estime qu'on lui a volé en 2020, mais ici, les Républicains qui ont suivi ont continué dans le même schéma. Ce qui m'a beaucoup plu c'est le choix réduit : ou la théocratie ou Big Brother, on en vient à choisir le moins pire (comme dans les élections de nos jours) et je suis aussi pessimiste que lui sur la nature humaine.

Je retiens aussi la description du mur entre la GU et la RU, qui se veut plus « gai » du côté « libre », digne du mur de Berlin, l'auteur n'ayant pas hésité à nommer le point de passage Check-point Charlie, les descriptions sont tellement réalistes qu'on se croirait de retour à la guerre froide.

J'ai retrouvé dans ce livre le brio dans premiers opus de Douglas Kennedy et j'ai vraiment passé un bon moment. Ce livre m'a tentée dès le début, et le passage de l'auteur à La Grande Librairie a fini de me convaincre. Je me suis rendue compte qu'il avait déjà écrit un ouvrage sur le fondamentalisme chrétien « Au pays de Dieu » que j'ai bien envie de lire…

Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Douglas Kennedy est un homme de lettres éclectique et expérimenté. C'est aussi un observateur critique de la société américaine, tellement critique qu'il ne compte pas que des admirateurs outre-Atlantique. Ne mâchant jamais ses mots lorsqu'il s'exprime sur Donald Trump et sur la frange la plus conservatrice du Parti républicain, il n'épargne pas non plus l'emprise des GAFAM, les abus de la finance et les absurdités de la cancel culture.

Ecrire un roman est, selon lui, une excellente méthode pour philosopher sur l'évolution du monde. Concevoir une fiction est l'occasion d'y insérer ses analyses, ses réflexions, ainsi que ses inquiétudes ou ses fantasmes, et de les partager. En l'occurrence, il observe avec lucidité la société américaine se fissurer entre deux extrémismes, l'un traditionaliste et populiste, l'autre progressiste et figé dans les codes de bien-pensance qu'il a édictés.

A partir de là, pas difficile de se projeter dans un futur à vingt ans. La fissure est devenue fracture. Dans Et c'est ainsi que nous vivrons, les Etats-Unis n'existent plus. Une sécession a eu lieu, à l'initiative des Etats des côtes Est et Ouest, sous l'impulsion de leurs « élites » et d'un multi-milliardaire de la « tech ». La République unie (RU) est née. Les autres Etats, ceux de l'Amérique profonde, au centre du pays, que l'on appelle les Etats fly-over parce que les « élites » ne font que les survoler – fly over est le titre original du livre –, se sont constitués en Confédération unie (CU).

Cette dernière est devenue une théocratie absolue, administrée par douze Apôtres. Bigoterie, puritanisme et valeurs chrétiennes intégristes sont à l'honneur. La condition des femmes a fait un bon d'un siècle en arrière. Les relations sexuelles hors mariage, l'avortement et le blasphème sont punis de mort. de son côté, la RU a réussi à conjuguer objectifs financiers, écologiques et technologiques, tout en garantissant une totale liberté des moeurs. L'enjeu suppose une adhésion sans réserve aux valeurs nationales. Pour éviter toute déviance, toute velléité d'opposition, les citoyens sont équipés d'une puce qui surveille leurs actes et leurs propos.

De chaque côté, la justice est expéditive ; pas de temps à perdre, peu importent les doutes, les pertes collatérales… Que choisir, entre le totalitarisme de Big Brother et la dictature de l'Inquisition ?

Depuis la sécession, RU et CU sont des ennemies irréductibles. Les haines entre leurs ressortissants sont implacables, comme si leur Histoire commune n'avait jamais existé. C'est la guerre, une guerre qui n'a rien avoir avec la guerre de Sécession du XIXe siècle. Les armes sont technologiques. Les champs de bataille sont l'espionnage, le sabotage, l'assassinat ciblé par drone. Une zone neutre, située dans le Minnesota, permet toutefois quelques échanges… mais aussi des fuites et des infiltrations.
Pour l'auteur, il fallait que l'ouvrage soit un roman, un thriller, même. Il a donc concocté un scénario comportant, comme il se doit, suspense, meurtres, trahisons, etc. Il a imaginé le personnage de l'agent Samantha Stengel, au service secret de la RU. Sa mission, qu'elle a acceptée, est de s'infiltrer en CU afin de neutraliser une ennemie… qui n'est pas n'importe qui.

DK a de l'imagination à revendre et la plume facile. Mais je n'ai pas accroché aux intrigues, qu'une prolifération de détails tire en longueur. Je n'ai pas été sensible aux rebondissements de situations à répétition. En surfant sur de possibles technologies numériques de demain et leur intelligence artificielle, on rend crédible n'importe quelle mascarade.

Enfin, malgré ses doutes, ses états d'âme et sa grande maîtrise de soi, l'agent Stengel ne m'a pas inspiré d'empathie ; je n'ai donc pas tremblé ni vibré pour elle.

Reste la description très intéressante et convaincante de ce qui pourrait attendre les Américains, en poussant à l'extrême les tendances des clivages actuels. Sans oublier que les mêmes menaces existent en France et en Europe.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Une projection de la vie aux States en 2045, enfin celle vue par Douglas Kennedy.

L'auteur je l'avais complètement abandonné depuis près de deux décennies. En lisant la quatrième de couv. je m'étais dit que cela pouvait être amusant de voir ce que cet américain si adoré des français, pouvait imaginer pour notre futur. Il situe certes son roman aux Etats-Unis, mais sa proposition peut s'extrapoler à l'échelle planétaire. Il a voulu sortir de ses romans d'observation civilisationnelle qu'il écrivait depuis bien longtemps.

Le plus simple est de situer l'époque, les lieux et les personnages qui nous sont présentés dès le début de roman. Les lecteurs pourront plus vite se faire une idée des thèmes de fonds et savoir si la lecture va les intéresser ou les divertir.

La narratrice, l'agent Samantha Stengel, est flic à New York mais dans un système qui a complètement changé par rapport au fonctionnement actuel de notre police. Effectivement, les States sortent d'une nouvelle guerre de sécession qui a complètement rebattu les cartes des géographiques. Les villes sont parfois cloisonnées en territoires telle Minnéapolis coupée en deux zones : une zone controlée par le CU et l'autre une Zone Neutre (un peu comme Berlin en son temps, dans les années 60).
On vit avec des puces implantées qui ont bien entendu des avantages mais aussi des inconvénients que les utilisateurs contournent autant que faire se peut. Juste un exemple sympa avec cette solution des brouilleurs d'ondes émises à partir de la puce introduite sous la peau des personnes ; ces brouilleurs sont mis au fond des salières de quelques restaurants sympas qui jouent le jeu du contournement afin que le Bureau qui contrôle tout ne sache pas que tel client a mangé ses points cholestérol, et ainsi de suite. le Martini existe étonnamment encore … ouf ! Au moins un truc où on se sent encore un peu sur terre ferme :-)
La narratrice, née en 2002, a vingt ans lorsque Trump est à la présidence et que le covid plante ses crocs pendant plus de deux ans. Elle a 43 ans lorsque débute le roman.
La première scène est celle de punition infligée à Maxime, une jeune indic de l'agent Stengel, humoriste transsexuelle, archétype même de la Juive new-yorkaise, qui a osé plaisanter en public au sujet du Christ en osant disant que celui-ci aurait joyeusement renoncé à son pénis. La sentence n'est rien moins que l'exécution pure et dure de cette jeune humoriste.

L'Amérique est culturellement, existentiellement divisée : il y a ce qu'on pourrait nommer les conservateurs, religieux, géographiquement au centre du pays et les progressistes, plus éduqués, se retrouvant plutôt en bordures côtières. Les progressistes surveillent tout et en permanence. Les conservateurs ne vivent qu'au travers de la croix (des crucifix).
La division actuelle du pays, qui obnubile Douglas Kennedy et on le comprend sincèrement, est démultipliée dans ce roman qui se veut plus sombre encore que l'actuelle situation, plus dystopique.

Et voilà l'environnement planté afin que Douglas Kennedy puisse faire évoluer ses personnages dans des aventures que j'aurais plutôt envie d'appeler des péripéties … ou peut-être tout simplement des opinions, une idéologie d'auteur.

L'écriture est fluide, rien à redire.
Bon divertissement mais rien de plus.
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