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Citations sur Kiruna (28)

La mine est active 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an. Elle ne connaît aucun jour de pause, ni les machines qui refroidissent, ni les moteurs qui se rechargent: ici, ça ne s’arrête jamais. C’est un corps vivant.
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Une fois au sommet, la voiture s’arrête sur un terre-plein et je sors pour voir, mordue aussitôt par le froid qui brûle à cette altitude, percutée par les rafales de vent, glaciales, abrasives. Devant moi s’étend la Laponie, immense, bosselée, étale et pourtant rétive, baignée de cette lumière bleutée qui laisse toujours croire que le ciel pourrait s’éclaircir. Là-bas, le pôle.
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J'imagine la fillette savante et dégourdie, toujours dehors à s'aventurer sur ce sol fertile, cette couche de limon et de lœss, collectionneuse de minéraux et de mystères enfouis façon héroïne du Club des cinq, disposant sur l'étagère de sa chambre des pierres aux noms merveilleux qu'elle récite par cœur, les calcites et les quartz, les schistes et les basaltes, les amphiboles fibreuses, les améthystes violettes, les gypses limpides, les muscovites feuilletées, les fluorines et les pyrites, le soufre.
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J’ai cherché une mine où aller. Une mine active, bruyante et peuplée – et non un bassin industriel désactivé, recyclé en patrimoine muséal témoignant d’un passé, archivant une histoire humaine. J’ai commencé par chercher des trous dans la terre, des trous gigantesques que centrait un puits noir – le cœur d’une cible – et, enroulée tout autour, une route en spirale taillée dans la roche pour y descendre. J’ai collecté sur la toile des photographies aériennes de mines à ciel ouvert, la mine de Bingham Canyon, en Utah, la mine de Palabora en Afrique du sud, ou encore celle de Victor Diamond au Canada, des gouffres qui semblaient avoir été forés par une perceuse géante, le pas de vis traçant autour de l’orifice des cercles concentriques allant s’élargissant comme si l’on avait jeté un caillou dans une terre liquide. Après quoi, j’ai été revoir Mirny en Yakoutie du Nord, la mine de diamants qui siphonne tout l’espace et convertit les immeubles en Lego, en jouets dérisoires – de cette fosse, un type était sorti qui fumait des Lusitania et parcourait la planète de chantier en chantier, un homme de grand format dipsomane et pudique, que j’avais suivi pendant plusieurs années et que j’avais aimé. J’ai repensé aux mines de cuivre de l’Atacama au Chili à propos desquelles je possédais des récits, des photos nocturnes, étoilées, et aux mines de charbon de Datong, en Chine, que j’avais approchées en août 1991 – le minibus aux rideaux poisseux s’embourbe en fin d’après-midi, la campagne est défoncée, crépusculaire, elle ressemble à l’idée que je me fais d’une zone de violence, les traînées de fumée noire obscurcissent le ciel au-dessus des puits, les mineurs circulent partout sur le site, des chiens errent, bientôt des gens sortent des maisons troglodytes, des vieillards, des gamins surexcités, un attroupement se forme autour de moi, il y a ces visages à touche-touche qui me fixent, ces mains qui se tendent pour atteindre mon nez, qui me tapent ou me caressent, je ne sais pas bien.
J’ai cherché une mine comme on cherche un point de passage dans le sous-sol terrestre, un accès aux formes qui le structurent, aux matières qui le composent, aux mouvements qui l’animent, à ce qu’il recèle de trésors et de ténèbres, à ce qu’il suscite comme convoitise et précipite comme invention. Je l’ai cherchée comme on cherche la porte de cet espace inconnu sur quoi s’appuient nos existences, espace dont je ne sais s’il est vide ou plein, s’il est creusé d’alvéoles, de grottes ou de galeries, percé de tunnels ou aménagé de bunkers, s’il est habité, s’il est vivant. J’ai voulu descendre dans la mine, passer la tête sous la surface de la mer afin d’entrer dans une autre réalité aussi déterminante et invisible que l’est l’extérieur du corps humain. J’ai voulu vivre cette expérience, j’ai voulu l’écrire : je suis partie à Kiruna.
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Svarta Bjørn. J’aime ce nom qui trame ensemble le viril et le féminin, la protection et la violence, la cambuse sordide, la fourrure chaude et le foyer noir, la sauvagerie et la tendresse, ce surnom que les cuisinières seront plusieurs à recevoir par la suite sur ce même chantier.
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ses cheveux longs, blonds et bouclés débordent de son casque. Elle est foreure de mine, autrement dit c’est elle qui creuse. Je l’observe qui prend la pose en combinaison de travail, plante son regard dans l’objectif du photographe : elle est calme, effrontée, souriante - un sourire vaguement ironique, un sourire en forme de réponse faite à ceux qui ont écarquillé les yeux en la voyant débarquer, l’imaginaient incapable de faire ce travail. Car foreure de mine demande sinon de la force, du moins de la résistance physique, de l’endurance, exige de manier des compresseurs et des explosifs, de percer les différentes couches du sol et de se confronter à l’outrenoir de la matière - l’énigme, le secret. Je la regarde longuement. Je la regarde en ce jour comme une amie possible.
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je me souviens justement du bureau du géologue, tel que l’on peut le visiter dans la mine de Lewarde, la pièce spacieuse et claire où tout signalait l’étude, la concentration, la science mise au service de l’industrie, où je m’étais figuré cet homme sec aux lunettes rondes cerclées de fer penché sur la table en bras de chemise, le corps en angle droit, la cravate caressant le plateau, les yeux scrutant des cartes dressées à la pointe sèche, la bouche au ras de la feuille marmonnant des hypothèses, une main pointant des coordonnées, l’autre les inscrivant sur un cahier ligné, puis finissant par sortir d’un pas précipité, une feuille à la main.
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J'imagine la fillette savante et dégourdie, toujours dehors à s'aventurer sur ce sol fertile, cette couche de limon et de lœss, collectionneuse de minéraux et de mystères enfouis façon héroïne du Club des cinq, disposant sur l'étagère de sa chambre des pierres aux noms merveilleux qu'elle récite par cœur, les calcites et les quartz, les schistes et les basaltes, les amphiboles fibreuses, les améthystes violettes, les gypses limpides, les muscovites feuilletées, les fluorines et les pyrites, le soufre.
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Les villes ont des empreintes sonores. Elles ont un rythme, un flow, une tonalité et cette bande-son les distingue, joue comme un moteur d’identification aussi puissant qu’une marque olfactive, aussi immédiat que la vue qu’on en a : on ferme les yeux, on tend l’oreille et l’on sait où l’on est.
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Les villes ont des empreintes sonores. Elles ont un rythme, un flow, une tonalité et cette bande-son les distingue, joue comme un moteur d'identification aussi puissant qu'une marque olfactive, aussi immédiat que la vue qu'on en a : on ferme les yeux, on tend l'oreille et l'on sait où l'on est.

A Kiruna, fin novembre, la rue est feutrée, le vent siffle, et le bruit de mes pas s'étouffe dans la neige. Le froid qui aiguise la ville est le portant sonore de tout ce qui va, de tout ce qui marche, roule, glisse, crisse, de tout ce qui craque, et réverbère le moindre souffle comme un micro géant. Je perçois parfois la vibration de la mine, sourde, qui semble s'intensifier la nuit quand la ville dort, ou bien ce grondement sec quand on dynamite la roche à plus d'un kilomètre dans le fond de la terre. J'écoute.
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