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Citations sur De Gaulle : Stratège au long cours (8)

C’est comme chef du quasi-gouvernement de la France libre que de Gaulle se rend en tournée d'inspection dans la péninsule italienne au début de mars 1944; c’est bien sûr en militaire qu'il évalue les plans du commandant en chef Alexander et ceux du général Juin, dont les troupes viennent de s'illustrer dans le massif du Belvédère un mois plus tôt ; mais c’est en tant que chef civil qu'il se garde de les influencer, car en dix ans, l'auteur du Fil de Fépée n’a pas varié : les gouvernements doivent respecter pleinement la liberté de décision et la responsabilité du commandement dans la bataille.
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Et pourtant, ce général si démuni peut à lui seul infléchir la stratégie de deux groupes d'armées ! Le 17 décembre, à son retour de Moscou, de Gaulle apprend que trois armées allemandes viennent de passer à la contre-offensive dans les Ardennes belges, au centre du dispositif allié.

(...)

Comme une division et une brigade blindée SS menacent également Strasbourg depuis la poche de Colmar au sud, le général Eisenhower ordonne l’évacuation de l'Alsace et le repli sur les Vosges de la 7e armée américaine du général Patch et de la lre armée française du général de Lattre.

(...)

On assiste alors à un duel à fleurets mouchetés, qui tient à la fois du jeu d'échecs et de la partie de poker ; de Gaulle annonce qu'il a donné l’ordre à la 1’ armée de tenir sur ses positions, quelle que soit la stratégie adoptée par le commandant suprême ; Eisenhower lui demande d'imaginer quelle serait la situation de cette armée si les Américains cessaient de la ravitailler en carburant et en munitions ; sur quoi de Gaulle l’invite à réfléchir à ce qui se produirait si «le peuple français, dans sa fureur», privait les Américains de l'utilisation des chemins de fer et des transmissions nécessaires à leurs opérations... De Gaulle met un terme à cette escalade de propos intimidants échangés entre gentlemen par une phrase apaisante. «Plutôt que d'imaginer de pareilles perspectives, je croyais devoir faire confiance à la valeur stratégique du général Eisenhower et à son dévouement au service de la coalition, dont faisait partie la France.» Le commandant suprême, beau joueur, finit par céder, non sans avoir formulé une dernière objection : « Pour que je change mes ordres militaires, vous invoquez des raisons politiques.» À quoi de Gaulle fait cette réponse prévisible pour qui le connaît : « Les armées sont faites pour servir la politique des Etats. Personne, d ailleurs, ne sait mieux que vous que la stratégie doit embrasser, non seulement les données de la technique militaire, mais aussi les éléments moraux.» N’est-ce pas ce qu'il expliquait depuis deux ans déjà à Churchill, à Giraud et à Roosevelt ?
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Une heure plus tôt, le général de Gaulle atterrissait à Bordeaux pour apprendre la démission de Paul Reynaud. Peu après, on l'informe de l'accession au pouvoir du maréchal Pétain, et il en comprend aussitôt la signification : la France va capituler. Tard dans la soirée, il rend visite à Paul Reynaud, qu’il trouve « comme soulagé d'un fardeau insupportable », et il lui fait part de sa décision de repartir pour l'Angleterre. C’est pratiquement un réflexe : « Les vaincus, disait Foch, sont ceux qui acceptent la défaite»... et de Gaulle, en vertu de son éducation, de sa mentalité, de son expérience et de ses réflexions, ne saurait accepter la défaite. C’est pourquoi, le 17 juin 1940 à 10 heures du matin, il s’envole pour l'Angleterre...
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Mais dans l’intervalle, alors qu’il s’entretient avec Paul Reynaud au ministère de la Guerre, survient un incident caractéristique : le général Weygand, faisant irruption dans la pièce sans avoir été convoqué, annonce que la bataille est perdue et qu'il faut capituler. Lors de la discussion qui s’ensuit entre Weygand et Reynaud, de Gaulle intervient pour faire remarquer qu'«il y a d’autres perspectives ». Weygand demande alors, « d'un ton railleur» : «Avez-vous quelque chose à proposer ? » À quoi le nouveau sous-secrétaire d'Etat à la Guerre répond sèchement : « Le gouvernement n'a pas de propositions à faire, mais des ordres à donner. Je compte qu'il les donnera.» En une seule réplique, il résume deux décennies de ses écrits militaires, allant à contre-courant de vingt années d'abandon résigné des civils face à l’emprise des militaires.
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A Jean-Marcel Jeanneney, un de ses derniers visiteurs, le Général dira ceci - qui explique aussi son acharnement à vouloir terminer ses Mémoires d'espoir : « Voyez-vous, l’opinion même de mes contemporains ne m’intéresse plus beaucoup. Ce qui m'importe c'est l’opinion de l'histoire. Ce qui m'importe c'est ce que I’on pensera dans deux générations, c'est le jugement que l'on portera : ai-je été utile à mon pays ou non ?»
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On connaît la suite : à l’issue d une chevauchée fantastique, les premiers chars de la 2e DB arrivent sur la place de l’Hôtel de Ville dans la soirée du 24 août. Le lendemain matin, Leclerc lui-même entre dans Paris avec le gros de sa division, et le général von Choltitz signe la reddition de la garnison allemande. Au cours de l’après-midi, le général de Gaulle entre à son tour dans la capitale, rejoint Leclerc à la gare Montparnasse, puis,
au lieu de se rendre directement à l'Hôtel de Ville, va droit au ministère de la Guerre, rue Saint-Dominique - un geste hautement symbolique à bien des égards . ayant quitté les lieux quatre ans plus tôt en tant que sous-secrétaire d’Etat à la Guerre, il s'y réinstalle à présent en tant que chef de gouvernement - et aussi en tant que chef de guerre, bien sûr, car il faut montrer au peuple que la guerre est loin d'être terminée... « Immédiatement, écrira-t-il, je suis saisi par l’impression que rien nest changé à l’intérieur de ces lieux vénérables. Des événements gigantesques ont bouleversé l'univers. Notre armée fut anéantie. La France a failli sombrer. Mais, au ministère de la Guerre, l’aspect des choses demeure immuable. Dans la cour, un peloton de la garde républicaine rend les honneurs, comme autrefois. Le vestibule, l’escalier, les décors d'armure sont tout juste tels qu'ils étaient. Voici, en personne, les huissiers qui, naguère, faisaient le service. J’entre dans le "bureau du ministre" que M. Paul Reynaud et moi quittâmes ensemble dans la nuit du 10 juin 1940. Pas un meuble, pas une tapisserie, pas un rideau n’ont été déplacés. Sur la table, le téléphone est resté à la même place et I’on voit, inscrits sous les boutons d'appel, exactement les mêmes noms. [...] Rien n’y manque, excepté l’État. Il m'appartient de l’y remettre. Aussi my suis-je d'abord installé.»
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Ayant quitté la scène politique, de Gaulle n’exerce plus aucune fonction civile ou militaire, mais ses éventuelles prises de position politiques inquiètent le gouvernement, et son grade de « général de brigade à titre temporaire » pose quelques problèmes administratifs. Près de trois mois après son départ, le ministre des Armées Edmond Michelet lui écrit : «à plusieurs reprises, le président Gouin m'a demandé de lui soumettre un décret fixant votre situation dans l’armée, situation que, naturellement, il désire la plus élevée.» La réponse du Général, en date du 12 avril 1946, est intéressante à plus d'un titre : «Depuis le 18 juin 1940 - date du jour où je suis sorti du cadre pour entrer dans une voie assez exceptionnelle les événements qui se sont déroulés ont été d'une telle nature et d'une telle dimension qu'il serait impossible de "régulariser" une situation absolument sans précédent. [...] Toute "solution administrative" qu'on tenterait d’y appliquer aujourd hui prendrait donc un caractère étrange et même ridicule.»

A première vue, cette réponse pourrait apparaître comme une marque d'insubordmation du militaire à l’égard du civil. Seulement, on sait que depuis 1940, de Gaulle ne se considère plus comme un militaire, mais comme une autorité civile d'une nature toute particulière, liée à des événements eux-mêmes exceptionnels. A ce titre, il ne saurait reconnaître aucune subordination hiérarchique ou administrative.

Et puis, on se souvient de cette réflexion en famille : « Moi, maréchal ? Mais pour qui me prend-on ? [...]

Vous imaginez les enfants défilant devant ma porte en chantant : "Maréchal nous voilà !" »
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Que de chemin parcouru en une année ! À la fin de 1942, le général de Gaulle était entièrement tributaire du soutien et de l'hospitalité britanniques, son armée ne comptait que quelques dizaines de milliers d'hommes, et il avait vu l’Afrique du Nord libérée par les Américains, administrée par Darlan, puis reprise en main par une faction à la fois vichyste, proaméricaine et résolument antigaulliste...

Mais à la fin de 1943, voici de Gaulle solidement installé à Alger, à la tête d'un mouvement enfin unifié, d'une armée de près de 400 000 hommes partiellement rééquipée par les Américains et commandée par des généraux de grande valeur rallies depuis lopération Torch - Juin, de Lattre, Béthouart, de Monsabert... Et puis, il contrôle un empire qui s’étend du Maroc à la Réunion, des Antilles à Saint-Pierre-et-Miquelon et de l’AfriqueOccidentale française à la Nouvelle-Calédonie.
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