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Citations sur Lily la tigresse (13)

J'ôte le bouchon du flacon de cristal et en verse le contenu dans la baignoire qui se remplit lentement. Dans la transparence de l'eau, le violet foncé des cristaux de sel vire au lilas clair. Des particules élémentaires se détachent puis s'accolent. Transparence et couleur. Ecoulement et stase.

Maintenant, l'odeur. Le secret de la perfection du Tout réside dans un dosage pointilleux des composants. Je verse les petites bouteilles d'huiles essentielles les unes après les autres. Surtout ne pas les agiter, se contenter d'observer les lourdes gouttes qui tombent d'elles-mêmes, telles des larmes de bonheur, et compter - trente de chaque: gling, gling, gling, bergamote et fleur d'orange réveilleront les terminaisons nerveuses et, afin de calmer l'excitation, j'ajoute dix gouttes d'huile de roses qui enveloppera ce poison picotant d'une fine pellicule de douceur femelle.

Personne n'arrivera à me convaincre que la mousse n'est qu'un produit de cosmétique. C'est un accessoire rituel, païen, fait pour rappeler à toute femme que prendre un bain, c'est retourner à l'écume originelle des vagues d'où a éclos la Vénus qui existe en elle. C'est pourquoi j'ajoute aussi de ce gel onéreux de Guerlain, ne quitte pas des yeux le flux qui le frappe jusqu'à ce que, sur toute la surface, se dessine un ciel d'aube printanière - de doux nuages qui laissent apparaître, dans leurs déchirures, des morceaux de violet.

Je me déshabille avec plaisir. Chaque partie de mon corps a subi aujourd'hui un traitement qui lui donne droit à ce bain. J'ai passé de longues heures entre les mains miraculeuses de Marlène qui a enlevé, arraché et rasé chaque poil mal placé, en commençant par quelques rebelles plantés sur mes orteils et en finissant par la manifestation de notre nature animale au niveau des aisselles et du maillot. Des masques et des crèmes à la formule magique ont été appliqués sur mon visage - algues marines, poudre de perle, cellules de placenta de rhésus. De joyeuses microparticules se sont frayé un chemin jusqu'aux cellules de mon épiderme où elles ont engendré de véritables métamorphoses. Pendant ce temps, l'aide sourde-muette de Marlène s'est occupée de mes pieds et de mes mains, m'a limé les ongles qui se sont retrouvés sous un vernis couleur cerise mûre, tandis que le dernier de mes muscles évacuait toute crispation.

Je fais durer le dernier instant, avant d'entrer en contact avec l'eau. De la haute fenêtre, un vent de fin de journée me caresse la nuque. Du salon s'élève l'opus 100 de Schubert et recouvre les bruits de la rue de sa mélancolie nordique. Un verre de Porto dans lequel se suicident lentement des glaçons est posé sur le rebord de la baignoire. C'est le moment, la seconde, j'inspire avec la plus grande des précisions et je me plonge tout entière.
112 kilogrammes de femme.
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Comment pouvait-elle savoir ce que je sais aujourd'hui sur la vie - une certitude qui, sans aucun doute, va s'ancrer de plus en plus profondément au fil des années : rien, jamais, mais vraiment jamais, ne passe. Les détails se figent, se cachent derrières les ombres de réalités nouvelles, mais ils sont prêts à ressurgir avec les mêmes couleurs, avec la même vivacité, dès que sont actionnés les interrupteurs adéquats. Il suffit d'une goutte de sang provoquée par une piqûre d'aiguille, d'une silhouette remarquée au milieu de l'agitation de la rue, d'une vexation insignifiante, d'une perte minime, d'une mauvaise sieste - et les revoilà avec toi, tous les êtres, les sensations, les évènements, clairs, si douloureusement mémorisés, si pleins de présent qu'on les croirait entrain de se dérouler. Tu ne peux jamais savoir ce qui déclenchera la réaction chimique qui te ramènera sans pitié jusqu'à l'évènement originel, premier, celui qui insufflera l'énergie nécessaire pour s'élever en toi tel un champignon atomique empoisonné et se disperser ensuite en un vent noir dans les rues de ta conscience.
Non, maman. Rien, jamais, mais vraiment jamais, ne passe.
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Et ce ne fut que lorsque que je refermai sur moi la porte de la chambre du centre d'amaigrissement, que je compris ce qui c'était passé et qu'alors je fus submergée par ces sanglots qui signifient que tu sais ta perte éternelle. Définitive.
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Très loin, encore très très loin m’emporteront mes nuits sur leurs noires vagues de transparences. Je m’y suis jetée à corps perdu. Suis devenu une planche de bois emportée par un tourbillon. Et si elle avant eu, cette planche, un minimum de jugeote boisée, elle se serait régalée de ce ballet dans ce chaos, régalée de cette perte de contrôle, oh, comme elle serait régalée de l’illustration de sa situation et de tous les possibles offerts par l’univers qui entoure….
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Le manque de relations physiques avec un homme peut pousser une femme aux actes les plus étranges, sinon, je ne vois pas comment je pourrais trouver une explication à ce que tout à coup, à la fin de ma journée de travail, au lieu de rentrer chez moi, me voilà assise sur la table du docteur Rickliss à lui déclarer, "je dois souligner, Israël, que tu as gagné le gros lot avec tes implants capillaires. Ça te donne facilement dix ans de moins".
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"Il dit qu'il hait la laideur. A son avis, il faudrait des voies spéciales pour les moches, comme pour les vélos. Et aussi, il pense que les moches devraient recevoir une allocation handicap et qu'on devrait leur permettre de ne sortir que la nuit. Ou alors les parquer dans des réserves en plein Néguev, ou dans la Bekaa."
Mikhaëla éclate de rire tandis que Ninouch est choquée.
"Et tu trouves ça drôle ? Pourquoi tu ne regardes pas des films sur la Shoah, ça te ferait mourir de rire."
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" (...) Vous savez pourquoi les gens deviennent junkies ? Personne ne se dit au début qu'il a envie de devenir junky, non, c'est parce qu'on essaye de retrouver la première sensation. C'est pour ça. Sentir encore une fois ce qu'on a senti au premier trip. Mais de première fois, il n'y en a qu'une. (...)"
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C'est la deuxième fois de la soirée que surgit les souvenir de notre horrible rupture - (...) oui, cet Amikam-là refusa de me prendre pour épouse parce qu'il avait soudain ressenti ma corpulence comme une menace qui ne pouvait qu'être le symptôme de quelque maladie ou perversion fondamentales en moi, l'expression de besoins et de désirs qu'il ne pouvait pas contrôler.
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"(...) La chose qui nous unit le plus fortement, ta mère et moi, c'est l'amitié, le sentiment que nous sommes très proches l'un de l'autre, l'entière confiance que nous avons l'un en l'autre. Crois-tu que nous aurions pu passer de si belles années ensemble, t'élever, mener notre vie d'artistes, ni nous nous étions laissé déstabiliser par des aventures, ou si nous leur avions donné la moindre importance ?"
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Aussi froide et retenue soit-elle quand elle déambule dans les rues de notre ville poussiéreuse, les intéressés savent tout de suite qu'il s'agit d'une créature faible et exploitable à souhait. Un être blessé, qui, à l'intérieur, n'est qu'une plaie béante. Et ils sentent cette odeur de sang invisible, ils la sentent comme si on leur avait mis sous le nez, dans un restaurant de luxe, un bon steak saignant de viande vieillie à point. Oui, dans le cas de Ninouch, cette reconnaissance mutuelle entre bourreau et victime serait un formidable exemple à donner en cours d'anatomie mentale.
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