Plongeant son regard dans ses yeux remplis de larmes, il lui avait soulevé le menton d'un geste tout droit sorti d'un film des années quarante.
Restons ici puisque nous y sommes heureux
Pour parler franchement, cet établissement a besoin de sortir de sa routine. Si nous avons déplacé la salle des professeurs, c'est, entre autres, parce que nous souhaitons qu'il y ait moins de temps passé près de la machine à café, et davantage à enseigner.
Ce n'est pas parce qu'on a découvert quelque chose qu'on doit en parler à tout le monde. Ni même à quelqu'un d'ailleurs.
Inutile de se fâcher, se dit Liz. Il n'y est pour rien, le malheureux. Son exposé terminé, l'employé de l'agence immobilière la regardait d'un air inquiet, espérant une réponse. Afin de gagner du temps, elle jeta un coup d’œil par la fenêtre à guillotine du bureau, dont les vitres encore ruisselantes de pluie scintillaient sous le soleil de cette journée changeante de septembre. Elle découvrit un petit jardin clos, avec un banc en fer forgé blanc et des jardinières garnies de fleurs. Sûrement très agréable à la belle saison, pensa-t-elle, oubliant d'ailleurs que l'été n'était pas fini. Elle avait toujours plus de un mois d'avance sur le calendrier.
- Non, ce n'est pas un retour en arrière. Et oui, nous serons heureux, [...].
Parfois, tu n'es pas sûre de toi. D'autres fois encore, tu préfères te contenter d'écouter et d'apprendre.
- Je ne peux pas décider comme ça d'être heureuse, uniquement parce que tu me le demandes.
- Tu le pourrais, si tu le voulais vraiment.
Elle connaissait la règle : plus on désire queleque chose, moins on a de chances de l' obtenir. Surtout si on en parle autour de soi.
Un prêt important pour l’achat du cours privé ne leur avait été accordé qu’à une condition : qu’ils vendent leur maison dans un délai de quelques mois, afin de pouvoir rembourser le premier emprunt. Au lieu de quoi ils en avaient désormais deux sur le dos ! Leur endettement atteignait un montant astronomique. Parfois, Jonathan n’osait même pas regarder ses relevés de compte, sur lesquels les remboursements semblaient grever leur budget mensuel tout en grignotant à peine leur dette.
Quand Liz et lui s’étaient lancés dans cette entreprise, jamais il n’avait imaginé se retrouver propriétaire du cours privé sans avoir réussi à vendre la maison. Ça allait de soi ; ils redoutaient même que leur maison trouve preneur trop vite, avant qu’ils soient prêts à déménager. Ils l’avaient mise sur le marché aussitôt après avoir décidé d’acheter le cours privé et, dès les premières semaines, ils avaient eu une offre d’un jeune couple avec un enfant en bas âge et un bébé en route. Une proposition intéressante, qui leur aurait permis de rembourser l’emprunt et, en prime, de garder un peu d’argent. Pourtant, ils avaient hésité. À l’époque, ils craignaient de ne pouvoir réunir la somme nécessaire à l’achat du cours privé. Était-ce une bonne idée de vendre la maison aussi vite ? Jonathan s’interrogeait ; Liz, elle, préférait attendre que leurs projets soient un peu plus avancés. Alors il avait demandé une semaine de réflexion, durant laquelle le jeune couple avait bien entendu trouvé une autre maison.
Bien sûr, avec le recul, il regrettait de ne pas avoir sauté sur cette offre. Mais comment pouvaient-ils prévoir que leur maison susciterait aussi peu d’intérêt par la suite ? Il essayait de se montrer philosophe.