La morale n’est pas un accessoire qu’on peut suspendre à une patère, tel un chapeau ou un manteau, pour le reprendre à la sortie.
Si seulement ils avaient vécu en ces temps héroïques où il suffisait de s'imposer par la force pour obtenir ce qu'on voulait. Ces maudits nobles étaient d'ailleurs tous issus de cette époque-là. Les gentlemen et les ladies d'aujourd'hui n'étaient jamais que les descendants de guerriers qui avaient gagné leur statut à la pointe de leur épée. La richesse, les privilèges et l'éducation avaient fait leur œuvre civilisatrice au point qu'aujourd'hui, les aristocrates se permettaient de regarder de haut quelqu'un qui, au fond, ressemblait davantage qu'eux-mêmes à leurs ancêtres.
Elle affichait en permanence une expression absorbée, distante, tristement lointaine. Mais qui aurait pu la blâmer de sa tristesse, quand on savait ce qu’elle avait perdu ?
Les hommes étaient attirés par cette jeune veuve séduisante comme des abeilles par un champ de fleurs. Lady Holland restait de marbre et toute son attitude signifiait : « Ne me touchez pas. »
Aucune femme n’était obligée d’enterrer son bonheur de vivre avec son mari, même si la société les encourageait en ce sens.
Les gens disaient toujours la même chose. Je suis désolé. Sans doute parce qu’il n’y avait rien d’autre à dire.
Et c'était bien ce que craignaient les aristocrates : que les cercles les plus huppés de la société soient peu à peu envahis par des arrivistes et qu'un jour leur noble naissance ne suffise plus à les distinguer du commun des mortels.
Certaines règles, comme celles qui touchaient à la courtoisie, par exemple, étaient sans doute nécessaires pour vivre en société. Mais pouvait-on en dire autant de tous les codes du savoir-vivre ? Etait-il vraiment important de s'asseoir comme ceci plutôt que comme cela, et de savoir ce qui devait se porter cette année, ou n'étaient-ce que des artifices dont usait une catégorie de gens pour essayer de prouver qu'ils étaient supérieurs au reste de la population ?
Elle éclata d’un rire mal assuré.
— Tu n’oserais quand même pas ! Un gentleman doit traiter sa fiancée avec respect et…
Zachary lui attrapa la main, pour la poser sur son entrejambe.
— Sens donc la taille de mon respect.
Holly aurait dû protester avec véhémence, mais elle n’en fit rien et lui abandonna sa main.
— Zachary Bronson, tu es horriblement vulgaire.
Il rit.
— C’est précisément l’une des choses que tu aimes chez moi.
— Très juste.
Zachary l’embrassa tendrement dans le cou.
Le grand monde pouvait vite se révéler sans pitié pour une malheureuse jeune fille qui en ignorait les codes. Sans parler du fait que la pauvre Élizabeth risquait d’être la proie des coureurs de dot.
Le raffinement, l’aisance, l’éducation qui caractérise la noblesse sont le résultat de plusieurs générations. Personne ne peut acheter sa place dans le grand monde, contrairement à ce que Bronson veut croire.