J’ai ouvert une bouteille de vin, mais n’en ai bu qu’un verre. Je ne bois plus beaucoup ces temps-ci : je préfère garder le contrôle de mes pensées. Trop d’alcool les envoie voguer dans la mauvaise direction, comme des enfants en bas âge incontrôlables.
L’adolescence n’a rien d’une partie de plaisir et ma philosophie était de lâcher du lest aux pauvres bougres. Je ne les ai jamais contraints à lire un livre s’ils ne voulaient pas. Un film, un feuilleton, une pièce – là aussi il y a une histoire à suivre, à interpréter, à apprécier.
Elle l’observe, posé à l’envers, encore ouvert, tel qu’elle l’a laissé : ce livre auquel elle s’est fiée. Les premiers chapitres l’ont amadouée et mise en confiance, ils lui ont procuré un sentiment de confort tout en lui laissant deviner le léger frisson à venir, le petit quelque chose qui l’incitait à poursuivre sa lecture, mais sans fournir aucun indice sur ce que le livre réservait. Il l’a appâtée, attirée dans ses pages, toujours plus loin, jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’elle était prise au piège. Alors les mots ont ricoché dans sa tête et claqué dans sa poitrine, les uns après les autres. Comme si toute une file de gens avait sauté devant un train et qu’elle, conductrice impuissante, était incapable d’éviter la collision fatale. Trop tard pour freiner. Impossible de faire machine arrière. Malgré elle, Catherine s’est retrouvée coincée dans les pages du livre.