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Critique de karmax211


« L'enfant est reconnu comme un homme, un être avec lequel il faut compter et que l'on ne doit pas tenir en laisse… »
Ces mots sont ceux de Janusz Korczak inlassable défenseur des droits de l'enfant, créateur de la Maison des orphelins, médecin, pédagogue et visionnaire.
On peut voir dans cette figure universelle le précurseur, l'inspirateur des Sabina Spielrein, Anna Freud, Melanie Klein, Sophie Morgenstern et autres Françoise Dolto.
Ayant émigré avec sa soeur Anka Goldszmit ( son vrai patronyme ) avant la guerre, tous deux retournent en Pologne, leur pays d'origine, et se retrouvent prisonniers du ghetto de Varsovie où tous deux vont se consacrer au sort des enfants orphelins dans ledit ghetto.
Entre 1941 et 1942, Janusz Korczak va comme Emmanuel Ringelblum ( historien du ghetto ), Adam Czerniakow ( président du Conseil juif du ghetto ) et Marek Edelman ( militant socialiste dont je vous ai déjà parlé ), tenir un journal.
Non pas un journal où seront scrupuleusement rapportés les "détails" de la vie du ghetto, mais un journal écrit la nuit, lorsque le sommeil s'efface devant l'impérieux besoin de dire, sur les pensées qui viennent à l'esprit du docteur en charge de deux cents âmes en loques, affamées, souvent malades, à l'agonie quelquefois, et toujours sous la menace des rafles de l'occupant, du rassemblement sur l'Umschlagplatz ( lieu d'où partent les convois de déportation pour Treblinka ). Un homme qui n'arrête pas de démarcher, de quêter dans le ghetto pour assurer la survie de ces enfants qui sont un peu les siens.
Alors surgissent mille pensées, souvent des bribes.
Sur son enfance, sur ses souvenirs militaires, sur le médecin et l'homme qu'il est.
Des questionnements aussi sur le devenir de l'humanité, avec des réflexions sur l'eugénisme, sur l'euthanasie, sur le suicide, sur la judaité et sur l'enfant... bien évidemment !
Ses pensées sont souvent interrompues par la sordide réalité du moment.
Cet homme déjà âgé ; il aura 64 ans quelques jours avant sa déportation en août 1942, est un homme usé (oedèmes des jambes, problèmes de hernie, de vessie, de coeur et pleurésie chronique ), mais jamais résigné.
Tous les jours, vingt fois sur le métier il remet son ouvrage.
Son journal ( pour vous donner une idée ) finit le 4 août 1942 sur ces mots :
" J'arrose les fleurs. Ma calvitie à la fenêtre - quelle bonne cible cela ferait !
Il a un fusil. Pourquoi reste-t-il comme ça, à regarder tranquillement ?
Il n'a pas reçu d'ordre.
Peut-être était-il instituteur à la campagne, ou notaire, ou balayeur des rues à Leipzig, garçon de café à Cologne ?
Que ferait-il si je lui faisais un petit signe de la tête ?
Un geste amical de la main ?
Il ne sait peut-être même pas ce qui se passe ?
Il est peut-être arrivé hier, de très loin."
Quelques heures après avoir écrit ces mots, Janusz Korczak fut déporté à Treblinka avec les 200 enfants de la Maison des orphelins.
Il fut le premier à entrer dans la chambre à gaz.
Une très jolie plume, un esprit brillant, un homme attachant.
Un indispensable pour celles et ceux qui gardent la curiosité d'entendre ces voix qui nous reviennent en écho du ghetto de Varsovie !
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