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Citations sur Le traducteur cleptomane et autres histoires (30)

Tenir tête à la titanesque bêtise des gens n’a jamais été dans mes habitudes. Je m’incline devant elle avec humilité, comme devant un formidable phénomène naturel.
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— Écoute, un poète riche, chez nous ? C'est une pure absurdité. À Budapest, quiconque aura un tant soit peu d'argent, on se le représentera toujours bête comme une courge. S'il a de l'argent, qu'a-t-il à faire de jugeote, de sentiment, d'imagination ? Telle est la sanction qu'on prend contre lui. Cette ville, elle est excessivement intelligente. Et par là même excessivement stupide. Elle refuse d'admettre que la nature est une païenne, qui dispense ses faveurs sur un monde échappant à tout calcul, et non pas par miséricorde. À Byron, qui était lord et plusieurs fois millionnaire, personne ici n'aurait reconnu la moindre bribe de talent. Ici, la dignité du génie est répartie en tant que dédommagement, en tant qu'aumône, à ceux qui ne possèdent rien d'autre, aux crève-la-faim, aux malades, aux persécutés, aux morts vivants ou aux morts véritables.
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C'était enraciné en moi, c'était pour ainsi dire une idée fixe, la décision de le distribuer, cet argent, et qui plus est, non pas selon la justice humaine, après réflexion, mais au gré des caprices, conformément à la justice plus grande, plus mystérieuse, de la nature. Personnellement je ne considère pas la vie comme fondée en raison. Mais l'absurdité me blessait pourtant, et même ça me scandalisait, qu'une telle fortune pourrisse dans le tiroir de mon bureau, et que non seulement je ne puisse pas, moi, l'employer, mais que d'autres non plus n'en tirent aucun profit.
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Les frères Goncourt, dans leur journal, parlent d'une femme qui, au cours d'un voyage en diligence, raconte à l'une de ses amies, qu'elle n'a pas vue depuis longtemps, l'histoire poignante de sa famille. Son père avait été abattu à coups de fusil, sa mère s'était noyée, son mari était mort dans un incendie, il ne lui était resté qu'un enfant, qui vivait en Égypte, et dernièrement, cet enfant se baignait dans le Nil, comme tant d'autres fois, tout enjoué et sans méfiance, quand un crocodile a nagé vers lui. Mais la femme n'a pas pu aller plus loin dans son récit. Les passagers, qui jusqu'alors l'avaient écoutée avec une profonde commisération, n'ont pas pu attendre la fin, pas pu attendre que le crocodile ouvre sa gueule horrible et happe l'enfant, et, bien qu'ils aient su, eux aussi, que mot pour mot ce qu'ils entendaient était vrai, ils ont d'un coup tous éclaté d'un rire tonitruant. Mais oui, mes amis. Il y a une limite à tout. Et trop, c'est trop.
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Pendant quelques minutes, j'ai été seul dans le salon du Torpedo. Berta, la marchande de pain, est entrée. Je lui ai acheté un petit pain et je l'ai embrassée sur la bouche. Une seconde avant, je n'avais pas la moindre idée que j'agirais de la sorte. Elle non plus. C'est pourquoi c'était beau. Ce baiser, personne ne l'a organisé. Organiserait-on un baiser, il donnerait un mariage, un devoir aigre et sans saveur. Les guerres et les révolutions sont également organisées, aussi sont-elles monstrueusement laides et abjectes. Une rixe au couteau dans la rue, le meurtre à chaud d'une épouse, le massacre parfait d'une famille, c'est beaucoup plus humain. La littérature aussi, c'est l'organisation qui la tue, le copinage, le corporatisme, la critique-maison qui écrit «quelques lignes chaleureuses» sur l'âne en chef de l'écurie. Mais un écrivain qui, dans un café, à proximité des waters, sur une petite table en zinc, gribouille des vers qu'on ne publiera jamais, celui-là sera toujours un saint. L'humanité, les exemples le prouvent, a été menée à la ruine, au sang, à l'ordure, par ceux qui se sont enthousiasmés pour la cause publique, qui ont pris au sérieux leur mission, qui avec ardeur, avec probité, ont veillé, alors que les bienfaiteurs ont été ceux qui ne se sont occupés que de leurs propres affaires, qui ont failli à leur devoir, les indifférents, les dormeurs. Le mal n'est pas que le monde soit gouverné avec si peu de sagesse. Le mal est que, si peu que ce soit, il soit gouverné.
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Il explique que depuis quelques temps en effet il fait de la natation. Autrement dit, tard dans la nuit, c'est à la nage, par la branche morte du Danube qu'il rentre chez lui à Buda, car même dans les petites rues il n'oserait plus se faufiler, ses créancier l'ayant là plusieurs fois guetté au passage, roué de coups et couvert de crachats au visage. (P. 89)
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À la vitrine d'une librairie, avec leurs bandes-annonces en couleurs, les nouveautés faisaient elles-mêmes leur propre article :
"Rogaton illisible... La dernière oeuvre du vieil écrivain gâteux, pas un seul exemplaire vendu à ce jour... Les poèmes les plus maniérés, les plus indigestes d'Erwin Râle."
— Incroyable, ai-je fait ahuri. Et on achète ça ?
— Pourquoi diable on ne les achèterait pas ?
— Et on les lit ?
— Chez vous, on ne lit pas de choses de ce genre, peut-être ?
— Tu as raison. Mais au moins la présentation est toute différente.
— Je te le répète : c'est ici la ville de la connaissance de soi. Si quelqu'un a clairement conscience qu'il a le goût mauvais, qu'il aime la rhétorique ronflante, tout ce qui est sans valeur, vide, prétentieux, il achètera les poèmes d'Erwin Râle et il ne pourra pas être déçu, attendu que ces poèmes répondront à ses exigences. Le tout n'est qu'affaire de tactique.
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Il avait même perdu un ou deux de ses cent vingt kilos, tant l’état général de l’économie était grave. Il était ruiné.
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La littérature aussi, c’est l’organisation qui la tue, le copinage, le corporatisme, la critique-maison qui écrit quelques lignes chaleureuses sur l’âne en chef de l’écurie.
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Nous avons tenté de prouver que c'était un cleptomane et non un voleur. Cleptomane est en général quelqu'un qu'on connait, voleur quelqu'un qu'on ne connait pas. Le tribunal ne le connaissait pas, aussi l'a-t-il jugé comme voleur et condamné à deux ans de prison.
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