Citations sur La familia grande (311)
La brûlure au fond de mon ventre, cette torture subreptice et constante, me laboure le crâne. Une culpabilité qui, plusieurs fois dans la journée, jaillit et bouscule ma sidération : en ne désignant pas ce qui arrivait, j'ai participé à l'inceste. Pire, j'y ai adhéré. "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde." Je sais, maman.
Je dis : « Ma maman m’appelait « mon Camillou ». Qui m’appellera « mon Camillou », maintenant ?
Tâches domestiques, tâches sans délices.
L'avocate ne regarde que mon jumeau. J'anticipe ce qui va suivre.
"Aujourd'hui, ces crimes peuvent être poursuivis pendant trente ans après la majorité. On a donc jusqu'aux 48 ans des victimes pour porter plainte. Vous pourriez donc le faire. Mais la loi n'est pas rétroactive. Elle ne s'applique qu'aux victimes qui ont été violées plus récemment..."
Article 222-24 du Code pénal
Le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle :
[...]
4° Lorsqu'il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;
[...]
Article 222-31-1 du Code pénal
Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis par :
1° Un ascendant ;
2° Un frère, une soeur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ;
3° Le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s'il a sur la victime une autorité de droit ou de fait.
Soyons précis :
Article 222-24 du Code pénal
Le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle :
[...]
4° Lorsqu'il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;
(...)
Mais toi aussi t'es prof de droit. T'es avocat. Tu sais bien que, pour cause de prescription, tu t'en sortiras. Tout va bien pour toi.
Vingt ans. Sinon c'était vingt ans.
Et parfois, sans crier gare, mon père rit. Il connaît mille fables, mille histoires. Cent fois la même, racontée. Et je ris de le voir pleurer. Avant, pendant et après la fable. Il n'a aucune mémoire. Il veut me raconter la dernière aventure de son copain Robert, lutte pour la retrouver, n'y arrive pas mais rit déjà du souvenir qu'elle lui a laissé. La dérision des choses, les contresens et quiproquos, la vanité de sa mémoire. Il lâche, respire, fume parfois, et devient si gentil.
Par mon silence, c'est aussi lui que je protège.
Dans le regard de ma mère, pour moi, plus rien, plus jamais.
Le jour où ma grand-mère s'est suicidée, c'est moi que ma mère a voulu tuer. L'existence de ses enfants lui interdisait de disparaitre. Nous étions le rappel de sa vie obligée. J'étais sa contrainte, son impossibilité.
Le jour où j'ai perdu ma grand-mère, j'ai perdu ma mère. À jamais.
Rue JB, mon beau-père organisait ma joie, m'apprenait à respirer. Il me faisait mes devoirs et m'enseignait le jeu. Poker, black jack, tarot, belote. Mon beau-père m'emmenait aux concerts de Johnny Hallyday. Il me faisait écouter des morceaux de piano, il m'inscrivait au tennis et me lisait des passages de ses polars préférés. Il me proposait de prendre part à leurs débats politiques. Consensus et dissensus. Peu importait l'âge, chaque point de vue était respecté tant qu'il était argumenté. Et il aimait tellement ma mère, ma tante et ma grand-mère. Il avait tout compris, tout conquis.
Rue JB, mon beau-père remplaçait mon père.
Je vais t'expliquer que, à force, ensuite, le jeune garçon va dire oui pour nier l'horreur de la situation. ça va durer, et puis il va culpabiliser, se dire que c'est sa faute, qu'il l'a cherché. Ce sera ton triomphe, ta voie de sortie pour en réchapper. (p.168)