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Voilà un livre écrit sous une forme originale: un homme raconte à un Chef d'état africain le récit de sa vie (je veux dire: le récit de la vie de ce chef d'état). Et ce récit s'élargit à l'histoire de plusieurs pays d'Afrique (le Maroc, la Côte d'Ivoire, ....), et de leurs leaders, sur la période couvrant principalement la fin du XX° siècle. Autant le dire clairement: personne ne trouve grâce aux yeux de l'auteur, tous ces dirigeants ont été des dictateurs, le plus souvent sanguinaires, comme, particulièrement "Kogaya", - en fait le Président du Togo de 1967 à 2005: G.Eyadema -. Les 6 pays, et leurs chefs, ont ici des noms d'emprunt. Par exemple, S.Mobutu est désigné sous le nom de "l'homme au totem léopard", et son pays, le Zaïre, comme "la République du grand fleuve". [Pour retrouver de façon certaine l'équivalence entre ces appellations et les pays réels d'une part, et les chefs d'états d'autre part, on se fiera à Wikipedia, et tout sera plus clair].
Quant à l'Afrique, telle qu'elle est décrite ici, elle nous délivre ce message: tellement différente de nos contrées, de nos vies, de notre vision du monde, qu'elle était bien entendu impossible à comprendre pour nos esprits chrétiens et/ou cartésiens. Que de quiproquos par conséquent! Le mélange de croyances séculaires aux principes des religions monothéistes, les traditions ancestrales telles que le sacrifice des animaux présumé comme salutaire, tout cela ne pouvait pas véritablement être soluble avec la culture européenne. Quant à la corruption, la destruction par tous moyens de ses ennemis politiques, les massacres, les attentats, qui, selon l'auteur, n'ont pas cessé en Afrique durant tout le XX° siècle, ils représentent effectivement une vision d'épouvante, et n'ont pu mener qu'à l'impasse. Et enfin, pour A.Kourouma, l'interventionnisme occidental ne pouvait être que mal intentionné, maladroit, contre-productif. Y aurait-il sur la terre un éclair d'optimisme, ou un homme de bonne volonté? On finirait par croire que non. Le pessimisme de l'auteur n'empêche pas ce livre d'être un bon livre, très original par la forme, usant de formules et d'un vocabulaire colorés (on aura intérêt à se fabriquer son lexique). Je ne suis pas l'auteur dans certaines de ces thèses, mais je conseillerais tout de même la lecture de ce livre: chacun se fera son idée. A noter, parmi les belles découvertes à faire ici: les 3 proverbes africains cités à la fin de chaque chapitre, certains étant de véritables pépites.
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une fable africaine sur les dictateurs africains, avec tout ce que cela comporte de fétiches, de barbarie et de bien fondé spirituel
avec des vrais morceaux de réalité caché au milieu du reste
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Terrible épopée de la politique africaine au XXe siècle, En attendant le vote des bêtes sauvages de l'ivoirien Ahmadou Kourouma a été publié aux éditions du Seuil en 1998 et a reçu le prix Inter. Mêlant formes traditionnelles de l'oralité africaine aux structures romanesques occidentales, le roman décrit le parcours du président-dictateur Koyaga, dans un pays africain imaginaire.

Celui-ci écoute, durant 6 veillées, un sora (aède ou chantre) chanter ses louanges tandis qu'un répondeur ou cordoua (sorte de fou du roi) multiplie les pitreries et lui reproche ses vices. Chaque veillée est composée autour d'un thème central, et se divise en chapitres. A la fin de chaque chapitre, le sora récite trois proverbes en lien avec le thème de la veillée. A partir de cette structure, l'auteur nous conte toute l'histoire de Koyaga et de son règne.

Le livre se lit très bien en tant que tel, mais alors que je tournais les pages, je me suis rapidement aperçue qu'il me manquait quelques éléments pour le comprendre. C'est en faisant quelques menues recherches que j'ai appris qu'il s'agissait d'un livre à clef. Les personnages sont inspirés de personnages réels et nombre d'événements relatés sont en fait réellement arrivés.

Le livre se lit très bien en tant que tel, mais alors que je tournais les pages, je me suis rapidement aperçue qu'il me manquait quelques éléments pour le comprendre. C'est en faisant quelques menues recherches que j'ai appris qu'il s'agissait d'un livre à clef. Les personnages sont inspirés de personnages réels et nombre d'événements relatés sont en fait réellement arrivés.

[Analyse détaillée sur le blog]
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A part ses qualités littéraires indéniables, il m'avait donné l'impression (ou l'illusion, qui sait ?) de comprendre quelque chose à la politique en Afrique...
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Ce livre d'un auteur ivoirien relate l'accession au pouvoir de Koyaga, l'homme au totem de faucon dans un pays imaginaire, le pays du Golfe.

Merci à Wikipedia qui m'a permis de mieux comprendre le contexte. En fait le dictateur en question est celui du Togo. Au cours de six veillées, le conteur-griot va nous raconter l'enfance de ce chef (enfance outrageusement romancée ce qui la rend drôle), la mort injuste de son père au retour de la guerre 14 18, son engagement en Indochine en tant que tirailleur, puis son accession au pouvoir aidé en cela par les anciens colonisateurs)

J'ai apprécié la façon de l'auteur d'amener une critique forte des dictateurs de ces pays, car il n'y a pas que l'homme au totem de faucon, il y a aussi celui au totem de caïman, au totem de hyène, celui au totem léopard….
Ah l'Afrique pendant et après la colonisation : pauvre Afrique qui se « libère » des pays colonisateurs pour être pillée par les soi-disant libérateurs…. leurs marabouts et autre croyances …les élections truquées, les rivalités entre ethnies…

Je connais très peu l'histoire de l'Afrique. Ce livre m'a permis d'en apprendre plus et notamment sur le rôle de la France, du général De Gaulle à François Mitterand…. Les enjeux de la guerre froide en Afrique sont également évoqués …

Où comment la fin de cette guerre froide et 30 ans de dictature plonge le pays dans la guerre civile…
L'auteur manie l'humour (grinçant) et le comique de répétition à merveille.
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Comment terrifier les peuples en même pas dix leçons? Le héros de ce livre, dictateur sanguinaire de métier, a tellement de conscience professionnelle qu'il ira jusqu'à entamer une tournée auprès de ses collègues pour parachever sa formation. C'est à la « veillée IV », mais je le mets en exergue pour détromper tous les aigris qui se plaignent que la valeur travail se perd en ces temps décadents. Hé bien non, il y A des gens qui se décarcassent pour être à la hauteur de leur boulot, bande de pessimistes.

Au départ, musique ! Que sonnent la flûte et la kora et que s'élèvent les voix des deux griots. Le premier est Bingo, le sora c'est-à-dire le chantre ; le second est Tiécoura, son « répondeur » nommé en malinké cordoua, dans le rôle du bouffon, du fou du roi, à la parole libre car « il n'y a rien qu'on ne lui pardonne pas. » Ici commence la première des six veillées où sera dite l'histoire de Koyaga. C'est lui, le héros consciencieux dont je parle ci-dessus. Quelle ascension fut la sienne ! D'abord, chasseur, ensuite combattant en Indochine dans l'armée française, et finalement président-dictateur de la république africaine du Golfe. Du reste, président-dictateur, il l'est toujours –il semble même bizarrement increvable... Mais on n'est jamais trop prudent : c'est pour être certain de demeurer au faîte du pouvoir que Koyaga organise une grande cérémonie verbale en son propre honneur. Trônant au centre du cercle des plus grands chasseurs, il repaît ses oreilles du « récit purificateur » destiné à le protéger.

Ce qui m'a particulièrement intéressée dans ce livre, c'est non seulement l'art du conteur et la critique politique au vitriol, mais aussi l'arrière plan très présent de sorcellerie qui l'accompagne, et dont l'auteur joue de multiples façons. Ahmadou Korouma expliquait que son projet n'était pas d'endosser la langue française comme un simple costume apporté par le colonisateur, mais de la vriller de l'intérieur. Il nous transporte dans un autre univers mental en relatant en détail certaines pratiques magiques où les morts n'ont pas forcément dit leur dernier mot. Il fait par exemple vivre à l'un des personnages (Maclédio, compagon de route du tyran) une scène insolite et funèbre dont il fut lui-même témoin dans sa jeunesse *: celle des « danseurs de cadavre » qui portent rituellement le corps d'un de ses camarades de classe mort accidentellement. La mort était-elle vraiment accidentelle ? Maclédio n'y aurait-il pas joué un rôle? Aux danseurs de cadavre, interprètes bondissants des pensées du défunt, de le révéler...
Tout en soulignant la place de la magie dans sa culture, Korouma s'en sert également – et c'est jubilatoire- pour faire faussement partir le récit vers le merveilleux. Voici par exemple un homme capable de se métamorphoser en tourbillon de vent. Il «soulève feuilles et poussières, parcourt le jardin de la Résidence d'Est en Ouest et poursuit sa course folle dans la cour voisine» . Il se trouve que cet homme est un président en fuite (le prédécesseur de Koyaga) mais ils se trouve aussi que la cour où il se réfugie est, fort opportunément, celle de l'ambassade des Etats-Unis. Bien sûr, « les non-initiés, par ignorance, douteront de cette version des faits. Ils prétendront qu'un passage existait entre la résidence du Président et l'enceinte de l'ambassade. » Initiés ou non-initiés, je vous conseille en tout cas de goûter à la magie de cette langue d'une grande puissance poétique et politique.

*voir le livre de Jean-Michel Djian, Ahmadou Kourouma



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Au cours de 6 veillées organisées pour les 30 ans de présidence de Koyaga des conteurs louent les qualités du dictateur Koyaga, depuis son accession au pouvoir
Six veillées qui permettent aussi bien de faire le portrait de Koyaga, de connaitre son histoire, de faire le portrait d'autres dictateurs africains, qui ont tous aidé Koyaga ou dont il s'est inspiré, des dictateurs jamais nommés, des pays imaginaires mais tous reconnaissables...Bokassa, Hassan II, Selou Touré, Idi Amin Dada...;
Un portrait de l'Afrique, de la colonisation, de ces hommes partis comme soldats dans les guerres de colonisation que mena la France, et qui revenus avec des grades de sous officiers se proclament empereurs à la suite de coups d'état. Un regard sans complaisance sur cette Afrique dirigée par des dictateurs soutenus par l'Occident parce qu'ils étaient un rempart contre la menace communiste, et ceci malgré les crimes contre leurs peuples, les tortures contre les opposants. Qu'importe que ces dictateurs ne fassent pas de différence entre Caisses de l'État et caisse personnelle, ils vivent dans les palaces financés au détriment du développement de leur pays et de leur peuple : "L'Afrique est de loin le continent le plus riche en pauvreté et en dictatures"...jusqu'au jour où.....
Marabout et griots coups d'états, les servent, Des proverbes africains savoureux émaillent les propos des conteurs.
Un livre dérangeant parfois :
- "Pour que l'argent du pays n'aille pas aux Libanais, aux hindous, aux Ouest-Africains et Hassouas, l'Empereur avait été obligé de tout entreprendre et de s'attribuer tous les monopoles. le monopole de la photographie des cérémonies de l'Empire, celui de la gestion des hôtels de passe et des bars des quartiers chauds, celui de la production de la pâte d'arachide, ceux du ravitaillement de l'armée en viande, riz, manioc, de l'administration en papier hygiénique, de la fourniture des tenues des écoliers, des parachutistes et des marins, etc. L'Empereur faisait tout pour tout le pays et, au lieu de l'aider, les habitants allaient marauder des ses champs"
-"Ingérence humanitaire, c'est le droit qu'on donne à des Etats d'envoyer des soldats dans un autre Etat pour aller tuer des pauvres innocents chez eux, dans leur propre pays, dans leur propre village, dans leur propre case, sur leur propre natte."
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Lorsqu'on connaît l'histoire de l'afrique, on reconnaît assez aisément les personnages.
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Pour l'anniversaire de ses trente années de présidence démocratique, six veillées sont organisées pour honorer le président Koyaga, six veillées qui retracent l'entièreté de son parcours. En digne fils de son père, Tchao, tirailleur qui« avait tué cinq Allemands pendant la Grande Guerre et avait été le premier homme nu à introduire l'habillement. En conséquence, le premier à introduire les débuts de la civilisation dans les montagnes. », Koyaga se bat dans l'armée française au Vietnam et en Algérie.

Il retourne dans son pays quand celui-ci accède à l'indépendance. À la faveur de la confusion générée par un coup d'état manqué, il prend le pouvoir. Sa présidence commence sous les meilleurs auspices : instauration d'un parti unique plébiscité à chaque élection, suicides en masse et automutilations de ses opposants politiques, attentats communistes qui échouent de peu et qui rappellent aux Occidentaux de renflouer les caisses de ce solide rempart contre la menace rouge. Koyaga peut également compter sur le soutien des dictateurs des pays voisins, qui lui apprennent toutes les ficelles du métier.

Véritable coup de coeur, à la fois sur le fond et sur la forme. L'écriture est savoureuse : riche, vivante, sous-entendus et dénonciations féroces derrière les flatteries affichées. le récit mêle contes africains (les coups d'état sont décrits comme des combats magiques entre les prétendants, soutenus par leurs marabouts) et roman moderne. Sur le fond, on aborde la colonisation, l'escroquerie de la décolonisation et de l'indépendance, qui mène au pouvoir, souvent avec l'appui de l'occident, des dictateurs qui s'occupent plus souvent des intérêts des anciens maîtres, puis de leur famille proche, et seulement ensuite, si les caisses ne sont pas encore vides, de leur propre peuple.
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La vie d'un dictateur africain en brillant feu d'artifice polyphonique et extrême

Ce troisième roman de l'Ivoirien Ahmadou Kourouma, en 1994, fut celui de la consécration. Véritable feu d'artifice et synthèse de trente ans d'évolution des littératures africaines francophones, le récit de la vie du dictateur de la république du Golfe, librement inspiré de celle du dictateur togolais Gnassingbé Eyadema, y est chanté lors d'une cérémonie expiatoire traditionnelle, en sa présence...

Sérieux historique, comique burlesque, analyse anthropologique, chant traditionnel, discours officiels policés, invectives ordurières, discours caché dans le discours,...tout y passe avec bonheur, dans une polyphonie totale qui fait honneur à un projet que Bakhtine décrivait comme le plus ambitieux de la littérature. Et l'auteur peut ainsi décrire avec férocité l'ensemble de la confrérie des dictateurs africains sur trente ans...
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