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EAN : 9782020525718
223 pages
Seuil (14/01/2002)
3.76/5   887 notes
Résumé :


Il s'appelle Birahima, il a dix ou douze ans et, comme beaucoup d'enfants, il joue au petit soldat avec une mitraillette. "C'est facile. On appuie et ça fait tralala." Sauf qu'ici l'arme est bien réelle et les morts ne se comptent plus. Birahima fait partie de ces orphelins qui ont tout perdu et n'ont d'autre recours, malgré leur jeune âge, que de devenir des sortes de mercenaires dans les guerres tribales qui déchirent des pays comme le Liberia ou l... >Voir plus
Que lire après Allah n'est pas obligéVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (118) Voir plus Ajouter une critique
3,76

sur 887 notes
L'Afrique est un continent qui m'a toujours fascinée. Ce roman retrace les événements marquants qui ont touché plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest pendant les années 1990, en particulier le Liberia et le Sierra Leone.
Birahima est une jeune ivoirien de 10 ans. Il a été abandonné par sa mère et il quitte son village pour rejoindre, à pied, son unique famille, c'est à dire sa tante qui vit au Libéria.
Il va être enlevé en chemin par une bande redoutable, il va connaître l'horreur des camps d'"enfants-soldats", des colonels sanguinaires, des dictateurs ridicules, des religieuses qui manient la kalachnikov pour survivre.

C'est un récit qu'on n'oublie pas. Ces pages tragiques de l'histoire de l'Afrique contemporaine sont écrites et analysées par la conscience d'un enfant qui a prafois du mal à exprimer toute l'horreur des situations auxquelles il est confronté. Un enfant privé d'instruction, comme il y en a encore tant dans de nombreux pays et plus particulièrement en Afrique.
Le seul lien à la culture et même le seul accès à la culture et à l'instruction sera pour Birahima la lecture régulière d'un gros dictionnaire qui va aider le jeune enfant à mieux préciser ce qu'il ressent et les situations terribles qu'il traverse.
Quelle intensité, quelle brutalité dans ce livre! L'horreur et la violence à l'état brut. On compatit face au vécu de ce jeune enfant.
Ce livre vous marque, c'est un témoignage d'une force incroyable.
A tel point que mon amie américaine qui a vécu en Afrique de l'Ouest pendant cette période, me disait récemment qu'elle n'avait toujours pas pu finir la lecture de ce livre, tant elle retrouvait des situations dont elle-même avait aussi été témoin.
La galerie de personnages est absolument stupéfiante: les mots me manquent pour évoquer ce terrible colonel "Papa le Bon"!!! Un Papa qui recrute dans la violence ses enfants-soldats et qui les manipule en les abreuvant de hasch.
La soeur Gabrielle qui dirige d'une main de fer son couvent est absolument étonnante: elle n'hésite pas à donner une formation "militaire" à ses religieuses et a été auparavant une exciseuse très connue!
Les rivalités ethniques sont remarquablement analysées de même que les conflits entre les différents dictateurs en jeu.
Ainsi on peut découvrir les alliances entre plusieurs ethnies, alliances qui compliquent encore plus la situation: rivalités entre Bambaras (= "ceux qui ont refusé") et Malinkés en Côte d'Ivoire, le héros étant lui-même un Malinké et rivalités entre Krahns, Gyos au Libéria, ces deux dernières ethnies s'étant finalement alliées pour mieux lutter contre les descendants des esclaves noirs américains qui ont constitué au fil du temps une classe dirigeante très "fermée".

On apprend à cette occasion que les Gyos ont été soutenus par M. Houphouët Boigny, alors Président de Côte d'Ivoire et par le colonel Kadhafi.
Voilà les principaux tenants de cette terrible guerre tribale qui va commencer à noël 1989 et qui va se prolonger tout au long des années 1990.
On y voit le parcours du très inquiétant Taylor qui a sévi longtemps au Libéria.
C'est un témoignage incomparable.
L'auteur, Ahmadou Kourouma, est né en 1927. Il était ivoirien. Il est mort en 2003. Il a obtenu le prix Jean Giono pour l'ensemble de son oeuvre.
Le livre "Allah n'est pas obligé" a obtenu, en 2000, le prix Renaudot, le prix Goncourt des Lycéens et le prix Amerigo-Vespucci.
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Birahima, jeune garçon malinké de dix ou douze ans, a quatre dictionnaires pour raconter son blabla, sa vie de merde: le dictionnaire Larousse et le Petit Robert pour "chercher et expliquer les gros mots français aux noirs nègres indigènes d'Afrique", l'Inventaire des particularités lexicales du français d'Afrique pour la même raison mais dans l'autre sens, pour nous; et enfin le Harrap's pour nous expliquer le pidgin.

Car Birahima a beaucoup à nous dire sur sa vie d'enfant soldat, et il nous joint tout de suite, avec son insolence et son "parler petit nègre" à nous asseoir, à l'écouter et à noter tout ça.
Commence alors le récit de ces horribles années, la mort de sa mère, son enrôlement dans la guerre civile, son kalachnikov, la drogue, la mort, les massacres.
L'écriture est riche, orale, percutante, insolente comme ce gamin, et on en oublierait presque que c'est ce vénéré, ce grand et vieux Ahmadou Kourouma qui se cache derrière ce récit.
Les premières lignes surtout nous entraîne et une fois qu'on les a lues, ferré, on ne peut plus abandonner ce livre. Et tant mieux. Car en dehors de son indéniable qualité littéraire, il nous entraîne tout droit dans ce cauchemar qu'endurent des milliers d'enfants-soldats totalement déboussolés et manipulés dont on ne parle, bien souvent, qu'une fois le conflit apaisé.

A lire, absolument.
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Je viens de relire « Allah n'est pas obligé ». Au fur et à mesure, les émotions de la première lecture me revenaient quasiment intactes. le récit de cet enfant-soldat est stupéfiant. Il relate son embrigadement et sa participation aux effroyables massacres du Liberia et du Sierra-Leone dans les années 90. Rien ne nous est épargné. Je repense souvent au passage des « manches longues » et « manches courtes ». (Il me semble d'ailleurs avoir vu ces scènes dans un film, je ne me souviens plus lequel.)
Il faut être préparé pour lire ce livre. Mais qu'on se rassure, l'Afrique n'a pas le monopole de la barbarie, loin de là !
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La guerre racontée par un enfant- soldat : orphelins, miséreux, ils sont enrôlés dans des « armées » pour ne pas mourir de faim. Peu leur importe pour qui ils tuent, ce qu'ils veulent, c'est manger. Ils sont affamés, ils sont drogués, on leur donne des kalashs, ils sont battus ou abandonnés en forêt.

Ils ont bien plus peur d'avoir faim que de la mort qu'ils côtoient au quotidien.
« et quand on n'a plus personne sur terre, ni père ni mère ni frère ni soeur et qu'on est petit, un petit mignon dans un pays foutu et barbare où tout le monde s'égorge, que fait-on ?
bien sûr on devient un enfant-soldat. »

Le Liberia , pays non colonisé par les Blancs, l'a été par les ex-esclaves Noirs Américains, qui ont pris le pouvoir en méprisant les « noirs africains nègres indigènes » et les ont colonisés.
Ils n'avaient connu que l'esclavage, alors, ils l'appliquent.
L'Indépendance en 1860 vis à vis de ces Noirs Américains riches n'a rien arrangé, car s'ensuit une tragique histoire du pays, entre Doe, Taylor, enfin le Prince Johnson, qui filme la séance de torture de Doe –fait rapporté par Ryszard Kapuscinski , dans Ebène, , et par le petit Birahima.
Tous des gangsters, dit-il.

Ahmadou Kourouma , pour donner à tous ces crimes, ces tortures, ces assassinats, un ton drolatique (fait rire par son pittoresque. )utilise, et trop me semble-t-il, un recours au dictionnaire Larousse, ainsi qu'à L'inventaire des particularités lexicales africaines, parfois trois fois par page, entre parenthèses comme je viens de le faire, comme si le petit Birahima avait un Larousse dans les mains alors qu'il est presque nu.
Bien entendu, c'est un recours stylistique pour noter l'ignorance totale de ce petit qui n'a aucune conscience qu'il tue.

Il fait comme tout le monde, point.

Le titre complet : « Allah n'est pas obligé d'être juste dans toutes les choses qu'il fait sur terre », ironise : la croyance non seulement en un dieu, mais aussi dans les féticheurs censés protéger ces petits avec des amulettes, dans les séances de désenvoutement de femmes un peu pornographiques, rien ne vaut.
Personne n'est obligé.
Parce qu'en fait, le nerf de la guerre, ce sont l'or et les diamants, tout s'éclaire enfin dans cette sombre suite de violence lorsque notre meurtrier inconscient de l'être arrive en Sierra Leone.

Déjà, au Liberia, trouver une pépite est un des plus grands malheurs qui puisse vous arriver : le propriétaire vous décompte les prêts, prend la pépite et vous limoge.

La faim vous attend.

La guerre tribale fait rage, l'or n'arrange rien.
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Birahima est comme beaucoup d'enfants de ce coin d'Afrique , délaissé par son père et orphelin de mère .Alors comme d 'autres , ils tombent entre les mains de marabouts , grigri man ou multiplicateur de billets à deux balles et c'est la fin , symbolisée par une kalach et des gris gris fétiches.

A travers l'histoire de cet enfant soldat, l'auteur revient sur l'histoire mouvementée du Liberia et de la Sierra Leone . C'est culturellement très intéressant et humainement effroyable !
Un exemple : pour que des élections ne se tiennent pas un groupe rebelle s'évertua à couper mains et bras à tous ceux qui pouvaient mettre un bulletin dans une urne. Oui, dans ce livre aussi les limites sont repoussées.

Ce qui fait le sel de ce roman est la prose de l'auteur qui s'appuie sur le narrateur , le jeune Birahima , qui s'exprime comme un enfant de 10 ans , avec des expressions puisées autant en Afrique qu'en Occident. Si cela n'atteint pas le niveau de la vie devant soi de Romain Gary, c'est quand même réussi. Et parfois drôle , puisque le jeune Birahima nous explique beaucoup de ses tournures , Faforo ! (bangala de mon père, c'est le sexe !).

Une lecture instructive , qui fait froid dans le dos et relativise certains problèmes occidentaux
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Citations et extraits (91) Voir plus Ajouter une citation
Je décide le titre définitif et complet de mon blablabla est Allah n'est pas obligé d'être juste dans toutes ses choses ici-bas. Voilà. Je commence à conter mes salades.

Et d'abord... et un... M'appelle Birahima. Suis p'tit nègre. Pas parce que suis black et gosse. Non! Mais suis p'tit nègre parce que je parle mal le français. C'é comme ça. Même si on est grand, même vieux, même arabe, chinois, blanc, russe, même américain; si on parle mal le français, on dit on parle p'tit nègre, on est p'tit nègre quand même. Ça, c'est la loi du français de tous les jours qui veut ça.
Et deux... Mon école n'est pas arrivée très loin; j'ai coupé cours élémentaire deux. J'ai quitté le banc parce que tout le monde a dit que l'école ne vaut plus rien, même pas le pet d'une vieille grand-mère. (C'est comme ça on dit en nègre noir africain indigène quand une chose ne vaut rien. On dit que ça vaut pas le pet d'une vieille grand-mère parce que le pet de la grand-mère foutue et malingre ne fait pas de bruit et ne sent pas très, très mauvais.) L'école ne vaut pas le pet de la grand-mère parce que, même avec la licence de l'université, on n'est pas fichu d'être infirmier ou instituteur dans une des républiques bananières corrompues de l'Afrique francophone. (République bananière signifie apparemment démocratique, en fait régie par des intérêts privés, la corruption.) Mais fréquenter jusqu'à cours élémentaire deux n'est pas forcément autonome et mirifique. On connaît un peu, mais pas assez; on ressemble à ce que les nègres noirs africains indigènes appellent une galette aux deux faces braisées. On n'est plus villageois, sauvages comme les autres noirs nègres africains indigènes: on entend et comprend les noirs civilisés et les toubabs sauf les Anglais comme les Américains noirs du Liberia. Mais on ignore géographie, grammaire, conjugaisons, divisions et rédaction; on n'est pas fichu de gagner l'argent facilement comme agent de l'Etat dans une république foutue et corrompue comme en Guinée, en Côte-d'Ivoire, etc., etc.
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Quand on dit qu'il y a une guerre tribale dans un pays, ça signifie que des bandits de grand chemin se sont partagé le pays.
Ils se sont partagé la richesse; ils se sont partagés le territoire; ils se sont partagés les hommes.
Ils sr sont partagé tout et tout et le monde entier les laisse faire.
Il y avait au Liberia quatre bandits de grand chemin: Doe, Taylor, Johnson, El Hadji Koroma et d'autres fretins de petits bandits.
Les fretins bandits cherchaient à devenir grands.
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A la fin du cinquième jour de ce régime de retraite drastique (drastique signifie d'une rigueur et d'une sévérité excessive), la solution lui vint naturellement sur les lèvres, sous forme d'une expression lapidaire : "Pas de bras pas d’élections." (Lapidaire signifie qui est simple et concis.) C'était évident : celui qui n'avait pas de bras ne pouvait pas voter. (Évident signifie d'une certitude facile à saisir ; clair et manifeste.) Il faut couper les mains au maximum de personnes, au maximum de Sierra-léonais. Il faut couper les mains à tout Sierra-léonais fait prisonnier avant de le renvoyer dans la zone occupée par les forces gouvernementales. Foday donna les ordres et des méthodes et les ordres et les méthodes furent appliqués. On procéda aux "manches courtes", c'est quand on ampute les avant-bras du patient au coude ; les "manche-longues", c'est lorsqu'on ampute les deux bras au poignet. Les amputations furent générales, sans exception et sans pitié. Quand une femme se présentait avec son enfant au dos, la femme était amputée et son bébé aussi, quel que soit l'âge du nourrisson. Autant amputer les citoyens bébé car ce sont de futurs électeurs.
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Balla m'expliquait que cela n'avait pas d'importance et intéressait personne de connaitre sa date et son jour de naissance vu que nous sommes tous nés un jour ou un autre et dans un lieu ou un autre et que nous allons tous mourir un jour ou un autre et dans un lieu ou un autre pour être tous enfouis sous le même sable
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Ingérence humanitaire, c’est le droit qu’on donne à des Etats d’envoyer des soldats dans un autre Etat pour aller tuer des pauvres innocents chez eux, dans leur propre pays, dans leur propre village, dans leur propre case, sur leur propre natte.
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« Les Soleils des indépendances »,d'Ahmadou Kourouma, c'est à lire en poche chez Points/Seuil.
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