Ça me saoule les romans qui essentialisent des groupes de personnes, et les rangent dans des cases « gentils » et « méchants » en fonction de leur couleur de peau.
Donc voilà,
Babel m'a saoulée (lu en ebook en anglais avant la sortie en français).
Résumé de
Babel :
- de longs passages sur l'étymologie et la traduction, pour se donner un air intelligent, alors que ça reste basique (mais ça utilise des mots compliqués et ça fait du name dropping alors ça maintient l'illusion)
- Des personnages unidimensionnels qui n'existent que pour faire passer des Messages (avec des notes de bas de page de l'autrice pour appuyer les dits Messages)
- Une thèse qui peut se résumer non pas à « l'empire colonial britannique a bâti sa puissance sur l'exploitation des hommes et des ressources », mais à : « les blancs sont par nature Mauvais et Racistes (et Sexistes) ». Cela se retrouve non seulement dans le choix narratif qui fait de *tous* les personnages blancs des méchants, et de *tous* les personnages non blancs des gens éclairés et moraux (leurs mauvaises actions ne sont pas de leur faute et sont forcément justifiées par le fait que les Blancs sont Méchants) ; mais aussi dans les dialogues et les notes de bas de page qui le disent *directement* au lecteur. On apprend notamment que les anglais (lire : les blancs) sont incapables d'empathie (oui, c'est littéralement ce qui est dit par un des bons alliés du protagoniste, en conclusion à la fin), et que leurs bonnes actions ne furent jamais accomplies que par cynisme ou par le fait d'y être contraint et forcé. Bref, si tu es blanc, tu es mauvais et tu es forcément incapable de comprendre l'oppression.
Je n'ai *rien* contre les thèmes. Je suis totalement pour la critique des impérialismes, je comprends aussi la nécessité de récits cathartiques qui présentent les problèmes des comportements des « blancs » (si l'on utilise une grille de lecture raciale à l'anglo-saxonne). Donc avant qu'on m'accuse de je-sais-pas-quoi : je suis de gauche, informée, éduquée whatever, et complètement ouverte à ces thématiques.
Mais ouais, l'idée que le fait même d'être blanc nous rend mauvais et incapable d'empathie est juste… fausse ? Idem pour le fait que d'être non-blanc nous rend par nature bon (ça me fait amèrement rire, ça, de la part d'une autrice qui vient littéralement d'un empire lui aussi bien violent et à l'histoire sanglante : la Chine). C'est même pas une question de quelques rares exceptions, c'est juste entièrement faux.
C'est une vision biaisée et manichéenne de l'être humain. C'est le genre de dichotomie qui crée la division, qui accentue les extrémismes (et franchement, on en a pas besoin en ce moment).
Et puisqu'il ne faut pas séparer l'oeuvre de l'artiste :
Babel est l'illustration de la bulle de privilèges dans laquelle l'autrice a vécu. Son parcours universitaire, c'est Columbia, Oxford et Cambridge : un microcosme de gens riches déconnectés de la réalité. Il n'y a, d'ailleurs, pas d'analyse de classe dans
Babel, dont l'action se passe pourtant dans l'une des sociétés les plus classicistes au monde. On pourrait se demander pourquoi l'autrice, qui semble haïr l'occident, profite pourtant des privilèges et des droits que ces pays lui accordent, et ne vit ni n'écrit en Chine, sous la tutelle de du comité de censure et à côté des camps de concentration Ouighour ?
Et puis, pardon mais des étudiants à Oxford, l'une des meilleures universités au monde, tous frais payés et recevant même de l'argent de poche, qui ont toujours vécu dans l'abondance, j'ai *vraiment* du mal à les plaindre.
La vie d'un prolétaire britannique, homme et blanc, était mille fois moins privilégiée que la leur. Mais s'en rendre compte, ça oblige à sortir d'une grille de lecture raciale, et à s'ouvrir à une lecture marxiste - peut-être trop difficile pour quelqu'un biberonnée à l'enseignement anglo-saxon.
Enfin voilà. J'aurais aimé un roman qui montre les mécanismes de domination et d'exploitation d'un empire qui profite de sa force militaire et technologique supérieure. Peut-être que c'est ce que
Babel essayait d'être, mais le roman a échoué, et ne présente qu'une vision biaisée et essentialiste, où ta morale et ta valeur sont déterminées par ta couleur de peau.