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4,03

sur 433 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un titre qui m'a complètement happée et frappée et qui figure pour moi en bonne place pour être LE coup de coeur 2024..

Babel est un récit riche. Riche par son univers. Riche par ses personnages. Riche par les émotions qu'il dégage. Riche par les messages qu'il défend.

On suit Robin, jeune orphelin de Canton qui est "adopté" par un universitaire d'Oxford. L'objectif de ce dernier ? Lui donner une éducation britannique afin que Robin entre dans l'institut de traduction d'Oxford, familièrement appelé Babel. Pourquoi? Parce que les langues du monde entier sont nécessaires pour faire fonctionner une magie particulière : l'argentogravure. La maîtrise du cantonnais de Robin fait de lui une personne ressource pour l'Empire britannique.

On suit ainsi l'apprentissage de Robin, son admission à Oxford, les liens qu'il noue avec sa cohorte en premier lieu, d'autres protagonistes par la suite. R.F. Kuang nous propose des profils de personnages travaillés, authentiques, crédibles vis-à-vis desquels on s'attache rapidement. Comme on est particulièrement dans la tête de Robin, on apprend à le connaître, on voit ses idées évoluer, s'affiner. On comprend son schéma de pensée, tout en comprenant les réactions et opinions des autres protagonistes, R.F. Kuang parvenant à nous faire capter avec clarté les états d'âmes, les conflits intérieurs, les positions respectives, souvent éloignées les unes des autres. Les protagonistes secondaires sont une réelle force et non accessoires.
On est touché par l'amitié qui unit Robin à sa cohorte. Plus qu'une amitié de circonstances, on est sur une "found family". On est émerveillé par sa formation, du moins en surface. La prestigieuse académie d'Oxford, cette connaissance à portée de mains, ... Mais surtout, on est horrifié par ce colonialisme, palpable avec nos protagonistes au quotidien mais aussi dans les relations extérieures que le Royaume-Uni peut avoir avec ses colonies. Ce racisme prégnant est présenté de mille et une façons tout au long du récit. Tout ceci nous conduit à une palette d'émotions qui font que ce récit est prenant, nous brise le coeur et nous fait espérer tout à la fois.

On suit en tout premier lieu l'évolution de Robin, que ce soit en que vis-à-vis de ses connaissances comme de ses idéaux qui se construisent au fur et à mesure du récit. On sent la puissance de l'empire britannique comme son dédain vis-à-vis des peuples colonisés. Certains passages sont glaçants, ni plus ni moins. On sent cette ambivalence concernant les traducteurs colonisés : nécessaire car singulier par leurs connaissances, leurs apports mais en même temps dédaigné et manipulé justement à cause de leur singularité.
A cette dénonciation du colonialisme, on ajoute un contexte historique maîtrisé : ce Royaume-Uni du XIXe s. L'empire colonial oui. Mais aussi Oxford. La place des femmes. La montée des droits sociaux. La Révolution industrielle. Mais pas exactement telle qu'on la connaît. Une révolution industrielle amplifiée par ce principe d'argentogravure. Une petite idée qui en soi représente tout le sel de ce récit puisque raison d'être de Babel...

Si la plume est riche en émotions, si l'intrigue est haletante, il faut aussi pointer du doigt la richesse lexicale. Certains n'aimeront peut-être pas mais pour ma part j'ai raffolé que l'étymologie soit maintes fois abordée. Quelle origine a ce mot? Quel lien avec telle langue? Comment a-t-il évolué? Qu'est-ce qu'une bonne traduction? le récit est enrichi de ces questions, jusque dans ses notes de bas de page.
Pour un titre où la traduction est un tel enjeu, j'avoue avoir été frileuse lorsque l'on connaît les déboires de la maison d'édition en ce qui concerne la traduction. Mais, si maladresses ou erreurs il y a eu, je n'ai sûrement pas un assez bon niveau pour m'en être rendue compte.

Cette une lecture qui m'aura accompagnée tout ce mois. Lue en LC, cela m'a permis de la savourer, de prendre le temps d'apprécier tant les protagonistes que le contenu ou encore les messages sous-jacents. Un vrai régal!
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J'ai beaucoup hésité à partager mon avis sur ce titre. Je n'arrivais pas à trouver les mots justes pour exprimer ce que je voulais dire, et du coup j'avais peur d'être très maladroite face à ce récit si complexe. Mais voilà, cette lecture m'a marquée alors j'ai quand même envie d'en parler. Je pourrais arrêter mon avis à « quelle lecture ! ». C'est le peu de mots que j'ai réussi à trouver après avoir fini le livre. C'était juste fracassant à tout point de vue, et si j'ai mis énormément de temps à le lire (deux mois !), j'en ai apprécié chaque phrase ! Babel c'est, pour moi, un récit avant tout politique, totalement engagé, qui résonne particulièrement avec l'actualité.

Habituellement j'écris moi-même un résumé du livre. Mais là j'ai bien peur de spoiler, du coup je vous renvoie à celui de l'éditeur plus haut ! ;)

Le livre a bien-sûr des défauts. le contenu intellectuel lié à la traduction est très présent et alourdit un récit qui met du temps à se mettre en place. On peut donc s'ennuyer, ou être rapidement perdu.e devant tant d'explications approfondies sur le sens de mots. Personnellement, j'ai fait des études de lettres et du latin jusqu'en première année de master, donc j'ai l'habitude. Mais si ça n'avait pas été le cas, je me serais peut-être sentie assommée par ma lecture… Puis, l'autrice attache beaucoup d'importance à la description du quotidien des étudiants, quelque part cela enterre les revendications que peuvent avoir les personnages pour eux-mêmes et pour nous, les lecteurices. Aussi, chaque événement marquant est soudain et brutal. Ils ont d'autant plus d'impact qu'on ne s'y attendait pas, comme on est noyé.es dans le quotidien de leurs études. de même, la lenteur du récit permet un développement profond, et complexe, pour chaque personnage, entraînant un attachement particulièrement fort pour chacun d'eux. Impossible pour moi de ne rien ressentir devant les choix et le destin de chacun d'eux. Au contraire, j'avais l'impression de les connaître intimement au fil des pages, alors forcément je me sentais impliquée émotionnellement tout le long de la lecture.

Ainsi, je me sentais très énervée à chaque fois que les personnages subissaient du racisme ordinaire en toute décomplexion, c'est-à-dire tout le temps ! C'est juste insupportable ! Au-delà de l'ambiance dark academia, le livre remet brillamment en question d'une part le colonialisme et l'hypocrisie dont fait preuve l'Europe qui cache sa volonté de s'attribuer toutes les richesses d'un peuple sous une volonté intellectuelle ou de bienfaisance ; et de l'autre le racisme (et le sexisme) quotidien de ces gens, une bande de vieux blancs riches, qui se croient au-dessus des autres alors que sans eux ils ne sont rien. le tout avec le côté magique de l'argent, mais on peut tout à fait remplacer cela par une ressource plus réaliste comme le pétrole ou les matériaux qui composent nos portables. J'aime comment est construit le schéma de l'oppresseur, totalement toxique, qui se croie philanthrope alors que c'est tout le contraire. Il y a une scène qui m'a particulièrement marquée, où un de ces riches bat un des personnages pour finir par le traiter de sauvage. Je trouve que c'est totalement représentatif du roman et de ce qu'il y dénonce avec force.
Il y a un basculement radical dans le récit, vers la fin, un peu trop soudain et extrême, mais ça m'a plu et ça m'a beaucoup émue. Ça correspond au message de désespoir que font passer les personnages… Selon moi, la lecture de ce roman est essentielle. Bien que la Chine y soit au centre, ce qu'il y dénonce devrait rendre sa lecture indispensable, notamment pour mieux comprendre les mécanismes en jeu dans les terribles conflits et génocides en cours actuellement dans le monde.

J'ai donc été particulièrement touchée par cette lecture qu'évidemment je recommande à tous, il ne peut que faire réagir qu'on aime ou non ! Et je finirai cet article en évoquant une situation que je trouve assez ironique compte tenu du message du livre : l'éviction de l'autrice pour Babel du prix Hugo de 2023 qui se déroulait en Chine et qui aurait censuré les auteurs… l'article est à retrouver sur actualitte.com.

Lien : https://lesaffamesdelecture...
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J'avoue, je l'ai acheté parce que c'est un De Saxus, et que le travail éditorial est vraiment magnifique. Je n'ai même pas lu le résumé, et je n'ai pas suivi la vibe booktock anglophone. J'aime choisir mes lectures, parfois au hasard.

Je suis heureuse d'être tombée sur un roman fantasy plutôt new-adult, que young-adult (lire cela à 15 ans, ça m'aurait extrêmement ennuyé).

L'histoire met vraiment du temps à se mettre en place, beaucoup de détails, beaucoup de cours d'étymologie, des annotations en bas de page à n'en plus finir qui m'ont fait ressentir tout le poids que Ramy, Robin, Letty et Betty avaient sur les épaules en tant qu'étudiants. C'était lourd, un peu oppressant, j'étais fatiguée pour eux !

Ensuite, sur la deuxième partie du roman, on comprend les enjeux de leurs études, ce que la société attend vraiment d'eux. Nos personnages grandissent et agissent.

Et puis, la troisième partie. Je ne m'attendais pas à cela. Ces jeunes gens pleins d'idéaux, voulant changer le monde. Où est le mal ? Où est le bien ? La violence est-elle nécessaire ? Certains petits détails que l'on voyaient sans importance au début du roman nous reviennent en pleine face.

Cette lecture ne m'a pas laissé indemne, elle m'a touché, et m'a appris aussi beaucoup de chose.

Le petit bemol : l'autrice nous rabâche que la traduction, c'est le mal incarné, c'est un acte de trahison... et moi je le lis en français. Aïe, ça pique.
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En ce moment, je suis dans ma période Dark Academia, un genre que j'ai découvert avec le Maître des Illusions de Donna Tartt, un roman que j'ai adoré. Il était donc évident que je voulais découvrir le livre qui se voulait comme « une réponse » à l'oeuvre fondatrice du genre sortie trente ans plus tôt. Babel coche toutes les cases du genre : cadre universitaire, récit se déroulant dans le passé, réflexions philosophiques, société secrète, meurtre… Se rajoute à cela un système de magie original et le tour est joué.

Mais la force de Babel ne repose pas là. le roman parvient à renouveler le genre en introduisant un angle nouveau. Les études, ici celles des langues, sont un prétexte pour interroger notre passé et notre monde. Plus qu'une réflexion sur la littérature, R.F Kuang aborde des sujets que je n'avais encore jamais vu traité dans le genre de la Dark Academia : le racisme et les conséquences de la colonisation.

Déjà, par le système de magie qui repose sur la traduction. En gravant sur un lingot d'argent un mot dans une langue, ainsi que sa traduction dans une autre, le métal produit l'effet voulu : il s'anime, il soigne, il fait disparaître et bien plus encore… Pour cela, il faut que le traducteur soit parfaitement fluent dans la langue. Qu'il rêve même dans ce langage. Les étudiants qui rejoignent Babel, l'école des traducteurs à Oxford, sont donc triés sur le volet… Problème : le pouvoir des langues utilisées finit par s'épuiser. Les langues mortes comme le latin et le grec ancien font de moins en moins effet et c'est aussi le cas des langues romanes. Pour contrer cette perte, l'Empire Britannique se tourne vers des langues « orientales », dont les différences dans l'alphabet, les significations et la culture vont pouvoir renouveler leur magie d'argent. Et comme ces pays possèdent également une quantité importante d'argent, métal dont la Grande-Bretagne a besoin pour conserver son plein pouvoir sur le monde, alors le prétexte est tout trouver pour la colonisation. On comprend très vite à quel point dans Babel, le savoir représente le pouvoir. On assiste, impuissants, aux manigances de ces riches hommes blancs, ces universitaires qui prétendent aimer le cantonais, le mandarin ou le sanskrit, tout en considérant ces peuples comme des sous-hommes.

Dans son intrigue, R.F Kuang dépeint avec brio le mécanisme fatal de la colonisation et le conteste. Par cela, le roman peut se montrer sombre et pessimiste dans cette réalité qui résonne encore aujourd'hui. L'intrigue se passe dans les années 1830 et nos protagonistes seront confrontés au racisme et à la misogynie de ce siècle. Il y a Ramiz, l'étudiant indien. Victoire, la jeune fille d'origine haïtienne dont les tuteurs français lui interdisent de parler créole. J'ai adoré ces deux personnages par leur personnalité et leur histoire de survivants.

Et puis il y a Robin Swift, notre héros, fils d'une femme chinoise et d'un homme blanc. L'autrice écrit la difficulté de trouver son identité quand on est ainsi divisé entre deux pays, deux cultures. Il y a aussi cette volonté de s'intégrer coûte que coûte dans cette société blanche, même si celle-ci ne l'acceptera jamais complètement. le professeur Lovell, le père de Robin, n'a eu aucun remord à laisser la mère du garçon périr de la maladie. Et il n'a sauvé Robin que pour le ramener en Angleterre et utiliser son talent pour les langues dans sa conquête du savoir/pouvoir. Robin fera tout pour être aimé de ce père qui ne veut pas le reconnaître. Il aura peur, se montrera lâche et commettra des erreurs et pour cela je l'ai trouvé profondément humain. le lien qu'il forme avec ces camarades de Babel m'a beaucoup touchée jusqu'à m'émouvoir aux larmes. C'est une belle histoire d'amitié, d'âme soeur dans l'adversité, de non-dits et de sentiments qui dépassent tout le reste.

Mais le sous-titre complet de Babel est celui-ci : La nécessité de la violence. Il arrive un moment de basculement, où Robin ne supportera plus les injustices. Parfois, quand les mots ne suffisent plus, seule la violence demeurera. Il faut viser le savoir, faire s'effondrer ses tours. Mais la violence est peut nous échapper et elle n'épargne personne. Certaines scènes m'ont révoltée, d'autres m'ont fait pleurer toutes les larmes de mon coeur. J'ai saigné en même temps que Robin, Ramiz et Victoire. Et quand j'ai refermé le livre, j'ai su qu'une part de moi resterait toujours auprès d'eux, coincée entre ses pages.

Babel est une ode aux langages, à leur diversité et leur beauté. C'est un plaidoyer contre les ravages de la colonisation, encore vivaces aujourd'hui. C'est une déclaration d'amour à l'art de la traduction et la pluralité des mondes. Ce roman fut une claque et il s'imposera sûrement comme l'une de mes meilleures lectures de l'année 2023.
Lien : https://moonlightsymphonyblo..
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J'ai lu ce livre en VO (car il n'est pas encore traduit). Je trouve le style de l'autrice incroyable et très beau. À noter que le niveau d'anglais est assez élevé, l'autrice ayant fait beaucoup de recherches pour adapter la langue aux variations du milieu universitaire d'Oxford du 19e siècle. D'ailleurs, je salue le travail titanesque de recherche qui a dû être effectué en amont.

Cette chronique n'est pas facile à écrire, car il y a tellement à dire. Je commence donc mon ressenti post-lecture : je tremble et je ne sais plus quoi faire de ma vie. Clairement, ce livre m'a choquée et secouée. Ce livre m'a tantôt émue, tantôt révoltée, et j'étais tellement plongée dans ma lecture que j'ai eu l'impression de vivre avec les personnages toutes leurs aventures, tous leurs malheurs et tous leurs bonheurs.

Babel, c'est parfois dur de par les sujets traités : le colonialisme, le racisme et la misogynie, principalement. En effet, on parle ici de jeunes enfants plus ou moins arrachés à leur pays natal pour en faire des traducteurs en Royaume-Uni, véritable empire colonial qui s'assied sur les droits des autres nations. Et donc servir ladite puissance, même quand ça revient à s'opposer à son pays natal.

Ici, on n'est pas toujours dans l'action pure et dure (on suit d'abord l'enfance puis les années d'études du protagoniste), mais le rythme s'accélère au fur et à mesure du livre.

Déformation professionnelle oblige, j'ai A-DO-RÉ les passages qui traitent de la traduction (le système de magie du livre se base justement sur la traduction), j'ai trouvé toutes les réflexions super intéressante. Certains trouveront peut-être ça long… Moi pas. D'ailleurs celui qui traduira ce lire en FR aura du boulot (prions pour qu'une certaine ME connue pour ses mauvaises trad ne s'en occupe pas…).

Pour moi, ce livre est un essentiel. Lisez-le, s'il vous plait.

PS : ambiance dark academia et pesante assurée.
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Incroyable sur tous les points.

Les personnages sont très bien développés, ils sont loin d'être parfaits, les choix des protagonistes ne sont pas ceux que l'on voit habituellement. Ils sont imparfaits mais par conséquent parfaitement écrits. L'histoire est certes longue, et certains trouveront des longueurs, mais c'est là toute la beauté du livre. On apprend avec les étudiants, on découvre l'univers à travers leurs yeux et leur journée. On les connaît grâce à ce développement et on comprend leurs choix.

Le sexisme de l'époque est très bien décrit dans ce livre.

L'argentogravure, qui représente très bien la mécanisation de l'époque, nous amène à une critique du capitalisme très bien rodée.

« En vérité, seuls semblaient profiter de la révolution industrielle de l'argent les individus déjà riches, et quelques rares autres, assez malins ou chanceux pour le devenir.»

Toujours la bille en culture G que je suis, j'ai dû louper des choses importantes, mais j'ai tellement appris sur le colonialisme et je me suis énervée devant ce livre sur ces putains de connards !

Les notes de bas de pages de R F Kuang apportent énormément au roman, j'étais trop contente quand il y en avait.

Je ne suis pas d'accord avec les avis qui disent que les personnages blancs sont caricaturaux et exécrables (Ils sont exécrables oui). Il y a de grandes chances qu'au 19ème siècle, la majorité des blancs pensent vraiment comme c'est décrit dans ce livre, et ça vous fait du bien de voir le racisme sous un prisme qui ne vous donne pas le bon rôle, c'est le but du livre et vous prendre une claque littéraire comme celle-ci, ça peut être nécessaire.

Et par ailleurs, si vous êtes bon en anglais, je pense que la lecture en VO peut être plus immersive !
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🧑‍🎓 Babel apparaît d'abord comme une fiction innocente et agréable, qui se déroule en Angleterre dans les années 1830. Ce qui n'est pas sans rappeler Harry Potter ou Oliver Twist pourrait le rester ; ce sont les aventures d'un jeune protagoniste, pauvre, seul, et ségrégué par la société, qui intègre une école prestigieuse type 𝐝𝐚𝐫𝐤 𝐚𝐜𝐚𝐝𝐞𝐦𝐢𝐚. La plume au passé simple est 𝐚𝐜𝐜𝐫𝐨𝐜𝐡𝐚𝐧𝐭𝐞, entre traits d'esprit et procédés de style d'une auteure qu'on devine brillante.

🧐 Babel est d'abord un texte novateur, car 𝐞́𝐫𝐮𝐝𝐢𝐭 et ouvert. Il pose des questions et se répond à lui-même avec les 𝐧𝐨𝐭𝐞𝐬 𝐞𝐧 𝐛𝐚𝐬 𝐝𝐞 𝐩𝐚𝐠𝐞, entre références culturelles, notions linguistiques et données historiques. R.F. Kuang s'est beaucoup renseignée pour alimenter sa thèse, et son livre pourrait presque être lu comme un manuel d'histoire. Roman élaboré, on aimerait être un étudiant de Babel et étudier la magie de la traduction - que signifie 𝐭𝐫𝐚𝐝𝐮𝐢𝐫𝐞 ? Traduire, est-ce forcément trahir ?

📢 Mais Babel est aussi un roman qui cherche la criante vérité d'un monde 𝐜𝐫𝐮𝐞𝐥, dans la 𝐜𝐨𝐧𝐟𝐫𝐨𝐧𝐭𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 des 𝐜𝐮𝐥𝐭𝐮𝐫𝐞𝐬 et des 𝐥𝐚𝐧𝐠𝐮𝐞𝐬, et les interférences qu'engendrent leurs traductions. C'est un roman tranchant et foncièrement actuel, qui 𝐝𝐞́𝐧𝐨𝐧𝐜𝐞 férocement le racisme, la xénophobie, la misogynie et le 𝐜𝐨𝐥𝐨𝐧𝐢𝐚𝐥𝐢𝐬𝐦𝐞. C'est un texte brillant qui prend une tonalité et une ampleur 𝐮𝐧𝐢𝐯𝐞𝐫𝐬𝐞𝐥𝐥𝐞𝐬 quand le savoir se mêle à des questions politiques.

💭 Utiliser l'imaginaire pour faire émerger une réalité prégnante du monde, a toujours été le meilleur objectif que l'on puisse servir, et Babel le réussit. Un roman à lire, donc, pour comprendre le rapport aux langues, et l'histoire d'un monde qui tire son 𝐩𝐨𝐮𝐯𝐨𝐢𝐫 du 𝐬𝐚𝐯𝐨𝐢𝐫, et de la tendance profonde des hommes à vouloir dominer un autre fondamentalement inférieur (supposément).
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Traduttore, Traditore. L'adage voulant que traduire, c'est trahir est au coeur du nouveau roman de R.F.Kuang, elle-même traductrice : Babel. L'histoire commence à Canton en 1828, dans une maison pauvre où un garçon de 10 ans malade attend la mort près du cadavre de sa mère. Il est sauvé par un professeur de linguistique anglais qui lui donne un nom, Robin Swift, et l'emmène en Grande-Bretagne. Son objectif, le former à l'étude des langues pour lui faire intégrer la Royal Institute of Translation d'Oxford, véritable coeur caché de l'Empire britannique. En effet, dans l'univers de Babel, le développement industriel et l'essor économique sont liés à l'exploitation de l'argent et à la façon dont en assemblant deux paires de mots dans deux langues différentes, il est possible d'obtenir des effets magiques. Comment ? En exploitant les failles de traductions, les nuances d'un mot à l'autre. Ainsi la paire « parcelle/parcel » accouple deux mots, le premier en français, le deuxième en anglais voulant tout deux dire morceau d'un tout, mais avec un sens supplémentaire en anglais où le mot désigne aussi un colis. Dans cet univers, elle est utilisée par la Poste royale pour permettre aux chevaux de transporter plus de colis sans augmenter significativement le poids (qui n'est magiquement qu'un morceau du poids d'origine). Et plus l'écart linguistique est grand (en raison de l'évolution temporelle des langues, ou de la distance géographique de leur origine), plus la magie est puissante. Oxford fait donc appel à des orphelins comme Robin venu des quatre coins de l'Empire pour exploiter leurs langues d'origine, comme l'empire exploite sans ménagement ses colonies. Élèves loin de chez eux, au milieu de gens qui les méprisent en raison de leur origine et de leur couleur de peau, ces traducteurs vont peu à peu comprendre qu'ils sont amenés à trahir les leurs. Où ira leur loyauté ? À ceux qu'ils ont connus enfants, mais qui sont morts et ne peuvent plus les aider, ou à ceux qui les ont « recueillis », nourris, logés, formés ? Ou encore à la Royal Institute of Translation elle-même, au savoir qu'elle promet et aux amitiés qu'ils y nouent ?
Par le regard de Robin, R.F.Kuang nous propose un voyage intéressant dans l'Empire britannique de la fin du XIXe siècle. Celui-ci est l'étranger où qu'il soit. Trop chinois pour réellement s'intégrer dans la masse des étudiants d'Oxford, trop britannique et bourgeois pour comprendre. de ses tentatives de compréhension et d'assimilation à sa rébellion, de l'enfance à l'âge adulte, Babel nous raconte son parcours. R.F.Kuang y livre au passage des réflexions sur le colonialisme et ses mécanismes, mais également sur le sexisme. Elle nous raconte également un essai brillant sur la façon dont les mots et les langues forment les esprits et donnent ainsi vie à certaines réalités, comment ils peuvent lier les gens, mais également comment ils peuvent les libérer. L'autrice n'est pas béatement optimiste et le sous-titre de son livre Or the Necessity of Violence : An Arcane History of the Oxford Translators' Revolution n'est pas du tout usurpé. Elle mène la vie dure à ses personnages, qui sont attachants, tout en nuance et dont certains vous briseront le coeur à la lecture. Pris un peu par hasard et parce que j'avais aimé sur une thématique proche Babel 17 de Samuel Delany, c'est certainement mon premier gros coup de coeur pour l'année 2023
Lien : https://www.outrelivres.fr/b..
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Dans un Oxford du 19e siècle, parallèle au nôtre, est édifié une institution : Babel. C'est le centre de traduction de ce monde, ou des barres d'argent lancent des sortilèges par la magie des mots.
Je ne peux pas détester Babel, parce qu'on y retrouve tellement de subtilités du language, parce que c'est un monde ancré dans la révolution industrielle, et qu'il combine beaucoup d'éléments suscitant mon admiration.
Alors, Babel est positif car… L'intrigue est palpitante. On est toujours tenus en haleine, par les actions des personnages et les rebondissements. de plus, je trouve que l'autrice a réussi à envisager beaucoup d'aspects de son sujet, à savoir, dans un monde qui évolue, comment rester moral et juste ?
Babel est le livre parfait pour les passionnés du language. On y questionne chaque mot, dans un univers universitaire rêvé pour déployer les connaissances.
C'est un univers riche, auquel je me suis beaucoup accrochée et que j'ai trouvé très poussé.
Par contre, toutes les meilleures lectures possèdent des défauts, et Babel ne pouvait pas être si parfait…
Premièrement, je trouve que les personnages ne sont pas assez réfléchis. Leurs conclusions sont un peu faciles, et leur point de vue très malléable. le protagoniste reste un peu trop enfantin pour moi, et j'ai été déçue par sa fin, assez prévisible.
Ensuite, je pense que la réflexion aurait pu être extrêmement moderne, poussée et juste, mais elle n'est pas assez diversifiée. On dénonce les gens en fonction de leur couleur de peau. Ce sont les blancs contre les autres, j et rouge ça un peu facile, et je pense que ce n'est pas vrai dans la réalité. Il y a des personnes qui profitent des autres partout et ça ne dépend pas de la couleur de peau.
Par contre, dans le cadre de l'intrigue, on reste quand même dans une institution, alors j'ai trouvé que ce n'était pas un mauvais choix de la régir par des personnes injustes.
C'est quand les personnages s'ouvrent au monde que la réflexion devient un peu injuste.
Mais, j'ai eu beaucoup de mal à fermer le livre, et j'ai regretté de devoir terminer ma lecture. Babel a été un temps mon utopie, parce que c'aurait pu être un noyau de connaissance et de recherches linguistiques universelles. Je trouve que ce livre représente exactement la frontière extrêmement fine entre utopie et dystopie.
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Avec une esthétique qui lui est propre, "Babel" s'illustre comme un roman à l'atmosphère marqué. Mais au-delà de son ambiance Dark Academia si souvent saluée, c'est véritablement le propos transcrit par R. F. Kuang qui érige ce roman au statu de chef-d'oeuvre. Anticolonialisme, discrimination, racisme, lutte des classes ou encore féminisme, "Babel" traite de sujets essentiels et délicats, avec une grande justesse. Infini coup de coeur pour cette lecture nécessaire qui marque son lectorat par son propos politique.

Questions linguistiques et culturelles construisent l'essence même de "Babel". Les subtilités de langages, de traductions et de références linguistiques suscitent l'admiration et constituent le coeur du système de "magie" mis en place dans cet univers. Si par ce biais fantastique, certains semblent oublier les échos historiques directs auxquels réfère ce roman, il est essentiel de souligner que "Babel" est une puissante critique du colonialisme.

La plume exigente de R. F. Kuang transcrit une multitude de subtilités. Les détails ne manquent pas et participent à l'immersion au sein du texte. C'est en s'appuyant sur une facette imaginaire, aussi envoûtante qu'effroyable par les processus d'oppression qu'elle manifeste, que le propos porté par l'autrice se déploie afin de mettre en lumière des vérités historiques et culturelles.

Dévastatrice, l'intrigue ébranle tant par la beauté poétique de certains passages que l'horreur foudroyante qui réside dans la noirceur de certains autres. Si la dualité ne semble pas évidente à déceler entre les pages sombres du roman, c'est auprès des personnages, de leurs instants harmonieux que la lumière et l'espoir éclosent. La justesse des protagonistes réside tant dans la subtilité de leurs convictions que dans la construction sociale de leur vision du monde. Un point étrangement bouleversant, qui sait réveiller les consciences avec intellect.

Longueurs ainsi que surenchères d'actions et de révélations cohabitent dans "Babel", dont la narration semble scindée en deux. Loin de déstabiliser l'équilibre du texte, cette construction offre un rythme unique où l'intégration et la compréhension des sujets par le lecteur permettent ensuite à la violence d'éclore, de prendre forme et surtout de prendre sens. le titre original du livre : "Babel: Or the Necessity of Violence" s'illustre dès lors avec une puissance irrépressible. Une lecture des plus marquantes ! Un roman à lire, vraiment !
Lien : https://leslecturesdechloe.a..
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