Car les enfants sont aussi sans passé et c’est tout le mystère de l’innocence magique de leur sourire.
Pour liquider les peuples, on commence par leur enlever leur mémoire. On détruit leurs livres, leur culture, leur histoire. Et quelqu’un d’autre écrit d’autres livres, leur donne une autre culture et leur invente une autre Histoire. Ensuite, le peuple commence lentement à oublier ce qu’il est et ce qu’il était. Le monde autour de lui l’oublie encore plus vite.
Parmi les remèdes habituels contre notre propre misère, il y a l’amour. Car celui qui est absolument aimé ne peut être misérable.
Le roman est le fruit d’une illusion humaine. L’illusion de pouvoir comprendre autrui. Mais que savons-nous les uns des autres ?
Celui qui écrit des livres est tout (un univers unique pour lui-même et pour les autres) ou rien. Et parce qu'il ne sera jamais donné à personne d'être tout, nous tous qui écrivons des livres nous ne sommes rien. Nous sommes méconnus, jaloux, aigris, et nous souhaitons la mort de l'autre.
Il suffit de si peu, d'un infime courant d'air pour que les choses bougent imperceptiblement, et ce pour quoi on aurait encore donné sa vie une seconde avant apparaît comme un non-sens où il n'y a rien.
Gottwald était flanqué de ses camarades, et à côté de lui, tout près, se tenait Clementis. Il neigeait, il faisait froid et Gottwald était nu-tête. Clementis, plein de sollicitude, a enlevé sa toque de fourrure et l'a posée sur la tête de Gottwald.
La section de propagande a reproduit à des centaines de milliers d'exemplaires la photographie du balcon d'où Gottwald, coiffé d'uns toque de fourrure et entouré de ses camarades parle au peuple. C'est sur ce balcon qu'a commencé l'histoire de la Bohème communiste. Tous les enfants connaissaient cette photographie pour l'avoir vue sur les affiches, dans les manuels ou dans les musées.
Quatre ans plus tard, Clementis fut accusé de trahison et pendu. La section de propagande le fit immédiatement disparaître de l'Histoire et, bien entendu, de toutes les photographies. Depuis Gottwald est seul sur le balcon. Là où il y avait Clementis, il n'y a plus que le mur vide du palais. De Clementis, il n'est resté que la toque de fourrure sur la tête de Gottwald.
Toute mystique est outrance.
L'irrésistible prolifération de la graphomanie [...] me démontre que tout homme sans exception porte en lui sa virtualité d'écrivain. [...] Chacun souffre à l'idée de disparaître, non entendu et non aperçu, dans un univers indifférent, et de ce fait il veut, pendant qu'il est encore temps, se changer lui-même en son propre univers de mots.
Quand un jour (et cela sera bientôt) tout homme s'éveillera écrivain, le temps sera venu de la surdité et de l'incompréhension universelle.
Rire, c'est si profondément vivre.