Il n'était pas du tout sûr de bien agir, mais il était sûr d'agir comme il le voulait.
Non, ce n'était pas de la superstition, c'était le sens de la beauté qui la délivrait soudain de son angoisse et l'emplissait d'un désir renouvelé de vivre.
Mais c'était justement le faible qui devait savoir être fort et partir quand le fort était trop faible pour pouvoir blesser le faible.
Qui vit à l'étranger marche dans un espace vide au-dessus de la terre sans le filet de protection que tend à tout être humain le pays qui est son propre pays, où il a sa famille, ses collègues, ses amis, et où il se fait comprendre sans peine dans la langue qu'il connaît depuis l'enfance.
Les livres lui offraient une chance d'évasion imaginaire en l'arrachant à une vie qui ne lui apportait aucune satisfaction, mais ils avaient aussi un sens pour elle en tant qu'objets : elle aimait se promener dans la rue avec des livres sous le bras. Ils étaient pour elle ce qu'était la canne élégante pour le dandy du siècle dernier. Ils la distinguaient des autres.
L'homme ne peut jamais savoir ce qu'il faut vouloir car il n'a qu'une vie et il ne peut ni la comparer à des vies antérieures ni la rectifier dans des vies ultérieures.
Violence dans l'amour, p. 163 :
Franz est fort, mais sa force est uniquement tournée vers l’extérieur. Avec les gens avec qui il vit, avec ceux qu’il aime, il est faible. La faiblesse de Franz s’appelle la bonté. Franz ne donnerait jamais d’ordres à Sabina. Il ne lui commanderait jamais, comme Tomas autrefois, de poser le miroir et d’aller et venir dessus toute nue. Non qu’il manque de sensualité, mais il n’a pas la force de commander. Il est des choses qu’on ne peut accomplir que par la violence. L’amour physique est impensable sans violence.
L'histoire d'amour n'avait commencé qu'après : elle avait eu de la fièvre et il n'avait pu la reconduire chez elle comme les autres femmes. Il s'était agenouillé à son chevet et l'idée lui était venue qu'elle lui avait été envoyée dans une corbeille au fil de l'eau. J'ai déjà dit que les métaphores sont dangereuses. L'amour commence par une métaphore. Autrement dit : l'amour commence à l'instant où une femme s'inscrit par une parole dans notre mémoire poétique.
Pour Sabina, vivre dans la vérité, ne mentir ni à soi-même ni aux autres, ce n’est possible qu’à la condition de vivre sans public. Dès lors qu’il y a un témoin à nos actes, nous nous adaptons bon gré mal aux yeux qui nous observent, et plus rien de ce que nous faisons n’est vrai. Avoir un public, penser à un public, c’est vivre dans le mensonge.
L'histoire est tout aussi légère que la vie de l'individu, insoutenable ment légère, légère comme un duvet, comme une poussière qui s'envole, comme une chose qui va disparaître demain.