On était des poissons

En dépit de toutes les résolutions que j'avais prises de ne plus l'aimer, puis finalement de l'aimer quand même, ne sachant plus que faire de l'embarrassante mère qui était la mienne, une reine, une folle, une sauvage, je me suis retrouvée dans un état d'abandon tel que j'ai lâché ma serviette pour lui offrir mon corps. Je voulais l'attendrir, la provoquer, la faire réagir. Je ne sais pas.

Je ne t'ai pas vraiment regardée, mais dès que l'on t'a détachée de moi, tu m'as manqué. Je me souviens même de m'être demandé pourquoi je t'aimais à ce point. Je ne trouvais pas tout ça très normal. Mais c'était là, l'amour. Comme une chose qui m'exaltait et me pesait à la fois.

J'ai attendu que Maurice réapparaisse sur le pont pour me faufiler dans la cale. Je voudrais lire pour leur échapper, pour me réfugier dans une autre histoire.Mais je ne parvenais pas à me concentrer. Les personnages me fichaient la trouille. J'aurais voulu continuer mon roman en état allongée sur un vrai lit, dans une vraie maison.

Je le voulais entièrement à moi. C'est comme si je m'accrochais à l'amour qui vous tombe dessus tellement fort que vous ne savez plus où vous êtes, et que pour rien au monde vous ne voudriez le savoir. Rester ainsi, pour toujours, prostrée dans une supplique infinie. Vous n'imaginez pas que l'instant puisse prendre fin. C'est comme si votre vie entière se rétrécissait dans une seconde, et cette seconde-là, vous en êtes certain, déterminera votre existence.

J'entendrais les bruits de la cuisine et je lirais Le bateau incassable avec les larmes de ceux qui ne redoutent pas que la malédiction les touche.
On pleure mieux quand on est à l'abri du chagrin des autres.

« Sois heureuse que je ne sois plus là, les mères sont un venin, je t’en ai libérée.

« Si tu trouves ce que c’est, tu auras droit à un petit rien du tout couleur du temps. C’était l’expression de ma mère pour m’adresser une intention de cadeau qui ne se matérialisait pas. J’ai reçu plein de petits riens couleur du temps et les ai gardés précieusement comme on garde en mémoire des rires et des complicités.

Si tu trouves ce que c'est, tu auras le droit à un petit rien du tout couleur du temps.
C'était l'expression de ma mère pour m'adresser une intention de cadeau qui ne se matérialisait pas. J'ai reçu plein de petits riens du tout couleur du temps et les ais gardés précieusement comme on garde en mémoire des rires et des complicités.

Le plaisir quand on le devine, il faut le retarder pour qu'il grandisse encore.

J'avais onze ans et je ne comprenais pas. Mais je n'ai pas eu droit à des explications. Ou si, mais qui n'expliquaient rien.