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EAN : 9782070747177
128 pages
Gallimard (13/12/1996)
5/5   1 notes
Résumé :
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JE SUIS ORTHOGRAPHE

Oui, il y a une rectification à faire, et c’est, comme le voulait Littré, de reprendre le mot d’ orthographie au lieu d’orthographe. Un orthographe écrit bien, ou correctement. Pour cela, il se conforme à l’orthographie. On dit géographe et géographie, de même qu’hydrographie, hydrographe. Je suis moi-même orthographe. Il paraît qu’on veut me réformer. Voyons ça.

Un écrivain est occupé par la vie des mots. C’est en lui qu’ils s’agitent, s’évoquent, se contaminent les uns les autres, résonnent, glissent, se présentent sous un éclairage nouveau, image et son. Vous voulez supprimer l’accent circonflexe ? Son luxe vous gêne ? Vous souhaitez écrire tâche et tache de la même façon ? Le contexte décidera du sens ? Mais ne voyez-vous pas que vous effacez d’un coup mille jeux possibles ? Exemple : il tâchait de ne pas se tacher. La tache originelle, présente en chaque homme, l’obligeait à faire de sa vie une tâche. Tu es taché par le péché, dit Dieu, eh bien, à la tâche ! Autre problème, paraît-il : rationnel . Ecrivez avec un seul n , la communauté européenne vous en saura gré. Je vous demande pardon : être rationnel (avec deux n pour marquer le coup) est tout à fait exceptionnel aujourd’hui. Le français se doit, historiquement, d’insister. N’est pas rationnel qui veut (notamment un chiite). Quant à oignon transformé en ognon , sans doute. Mais ce i , non prononcé, me parle des yeux qui pleurent quand on pèle un oignon. L’oeil est mystérieusement accordé à l’oignon.

Pourquoi aveugler sa langue ? Et, par la même occasion, la rendre sourde, l’aplatir ? C’est comme si vous proposiez que les couleurs soient réduites et, qu’à partir de maintenant, il n’y ait plus qu’une sorte de jaune, de vert, de bleu. Ou encore : le si suffit. à quoi bon le si-bémol ? On n’écrira plus que les stéréotypes parlés, le basic french . Mais alors, il faudra bientôt réviser les classiques, revoir en entier La Recherche du temps perdu à peine rééditée de façon satisfaisante. Quelle tâche, en effet ! Oui, plus de couleurs, plus de variétés de nature, plus de ces aspérités qui signalent un coeur qui bat on va coloriser , ce sera mieux pour l’ordinateur. La main n’intervient plus dans l’esprit. Perte du décalage, aplatissement des perceptions et des rêves (un mot écrit est aussi un hiéroglyphe). De la colorisation à la colonisation, il n’y a qu’un pas. On vide la mémoire ; on peut désormais se passer (c’est bien l’intention, n’est-ce pas) d’un archaïsme inutile : l’écrivain (Horizon 1993 : livres-gadgets, sous direction allemande).

Fantaisie d’esthète, l’orthographe ? Privilège ? Mais non : un peuple — et surtout le Français —qui n’apprend plus à s’exprimer dans ses écrivains est un peuple virtuellement asservi, Ce n’est pas un hasard si on parle de « l’orthographe de Voltaire » ( ai au lieu de oi pour é ), Voltaire, qui écrivait à Madame d’Ornoi : « L’abbé Dangeau renvoyait les lettres de sa maîtresse quand elles étaient mal orthographiées, et rompait avec elle à la troisième fois. » Voilà le rationnel ! Et Marivaux, comme toujours en plein dans le mille : « Tu sais bien que nous nous sommes promis fidélité en dépit de toutes les fautes d’orthographe. » L’écriture est une affaire d’amour très physique. Heureux Voltaire ! Délicieux Marivaux ! Je veux bien, demain, aller vous lire dans les catacombes (ainsi que Rimbaud et ses voyelles, Mallarmé et ses fantaisies graphiques, bref, tous les poètes), pendant que, dehors, le profit analphabète battra son plein, ponctué par un muezzin. Voltaire, encore : « Ce jeune homme, sachant à peine lire et écrire et orthographiant comme un laquais mal élevé »... Allons, Français, réformez, réformez ! Encore un effort pour être les grossiers domestiques d’Allah et de la Technique !

Philippe Sollers
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La galaxie Georges Bataille/Hors limites

par Victorine de Oliveira, 28 octobre 2020

Bataille n’a eu de cesse de dynamiter la philosophie, de mettre en miettes le bien, le juste, la mesure. Passé de l’autre côté du miroir, il est le penseur du mal, de l’excès, du négatif, de l’érotisme qu’il considère comme autant d’expériences intérieures.

Ceux qu’il a lus

Marquis de Sade (1740-1814)


Le marquis et ses personnages sont pour Bataille l’exemple de l’« homme souverain » qu’il appelle de ses vœux. « [Sade] s’opposa moins au sot et à l’hypocrite qu’à l’honnête homme, à l’homme normal, en un sens, à celui que nous sommes tous. Il a moins voulu convaincre que défier. […] Cet “homme souverain’’ que Sade imagina n’excède pas seulement le possible  : jamais sa pensée ne dérangea plus d’un instant le sommeil du juste », écrit-il dans L’Érotisme.

G. W. F. Hegel (1770-1831)

Bataille lecteur de Hegel (et de Kojève)

Bataille est fasciné et rebuté par Hegel. Dans L’Expérience intérieure, il résume ainsi ses sentiments ambigus  : « Hegel, je l’imagine, toucha l’extrême. Il était jeune encore et crut devenir fou. […] Pour finir, Hegel arrive à la satisfaction, tourne le dos à l’extrême. La supplication est morte en lui. […] Hegel gagna, vivant, le salut, tua la supplication, se mutila. Il ne resta de lui qu’un manche de pelle, un homme moderne. » Bataille exprime la déception de celui qui pensait trouver chez Hegel les lois de l’économie du monde.

Friedrich Nietzsche (1844-1900)

« À peu d’exceptions près, ma compagnie sur terre est celle de Nietzsche », confie Bataille. Il va jusqu’à s’identifier à celui qu’il voit comme un précurseur dans sa façon de dynamiter les valeurs morales. « Le saut de Nietzsche est l’expérience intérieure, l’extase où le retour éternel et le rire de Zarathoustra se révélèrent. Comprendre et faire une expérience intérieure du saut, c’est sauter. On a fait de plusieurs façons l’exégèse de Nietzsche. Reste à faire après lui l’expérience d’un saut », encourage Bataille.

Léon Chestov (1866-1938)

Leur rencontre au début des années 1920 marque Bataille. Chestov l’initie notamment à la lecture de Nietzsche et de Dostoïevski. Bataille lui doit l’idée que la disparition des transcendances traditionnelles provoque un vertige  : Chestov parle de « déracinement », Bataille de « chute dans le vide » et de plongée dans la « nuit du non-savoir » (L’Expérience intérieure). Chestov s’intéressait aux grands mystiques (maître Eckhart, sainte Thérèse, saint Jean de la Croix), ce qui oriente Bataille vers la définition de l’extase comme l’une des ressources de l’homme souverain.
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Ce qu’il a changé


Bataille lecteur de Hegel (et de Kojève)

On serait bien en peine de classer l’œuvre de Bataille  : philosophie, littérature, anthropologie, sémiologie  ? Si Bataille est un adepte de la transgression, c’est avant tout des limites entre les disciplines. Comme plusieurs intellectuels de sa génération qui fréquentent le séminaire d’Alexandre Kojève, il est un temps fasciné par Hegel et sa volonté de bâtir un système totalisant. Il finit toutefois par y détecter une manifestation de la pensée de l’utile  : parce qu’il vise à la synthèse, le système hégélien refuse, en fin de compte, de faire une place à la négativité. Pour Bataille, cette dernière est pourtant à l’œuvre dans de nombreuses expériences qui ne sauraient être dépassées et annulées sans réduire les individus à des machines. Contre la dialectique, Bataille envisage une forme de continuité entre les opposés, de façon à montrer qu’il y a cohabitation plus que conflit. Il en va ainsi de l’érotisme, défini comme « l’approbation de la vie jusque dans la mort ». Cette approbation suppose une forme de répétition dans l’acte ou la représentation. Aussi Bataille met-il au cœur de sa pensée la notion d’excès, quand la tradition philosophique loue la mesure, la prudence, le calcul des passions  : « L’être, le plus souvent, semble donné à l’homme en dehors des mouvements de passion. Je dirai, au contraire, que nous ne devons jamais nous représenter l’être en dehors de ces mouvements », plaide-t-il. Nous avons beau être « des êtres discontinus », les expériences de la limite comme l’érotisme permettent une forme de communication par vertige interposé  : « Je ne puis évoquer cet abîme qui nous sépare sans avoir aussitôt le sentiment d’un mensonge. Cet abîme est profond, je ne vois pas le moyen de le supprimer. Seulement nous pouvons en commun ressentir le vertige de cet abîme. Il peut nous fasciner. » Quand Hegel imaginait entre individus une lutte à mort pour la reconnaissance, Bataille préfère inviter chacun à se dénuder face au précipice.
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