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Arnaud de la Grange m'a plongé au coeur d'une bataille un peu oubliée et dont j'ai pourtant souvent entendu parler car elle est restée synonyme de désastre pour l'armée française, la bataille de Dien Bien Phu, au Vietnam, une région nommée, à l'époque, le haut Tonkin.
Huit chapitres jalonnent ce roman mais tout ne se passe pas en scènes de guerre même si le récit commence dans un avion qui a décollé de Hanoï, le 13 mars 1954. le jeune lieutenant qui raconte est à la tête de vingt-quatre parachutistes venant redonner un peu d'espoir à ceux qui résistent, dans la cuvette de Dien Bien Phu, à l'assaut de cinquante mille vietminh, cinq fois plus nombreux et possédant une connaissance parfaite du terrain.
Le huitième soir clôturera le récit qui apporte un éclairage très intéressant sur cette bataille. Cela rafraîchit les mémoires et c'est très bien. Face à l'armée française, le général Giap, formé au lycée français d'Hanoï, ancien professeur d'histoire, sait ce qu'il veut et ne lésine sur aucun moyen qu'il soit matériel ou humain.
« La vallée de Dien Bien Phu commandait le chemin du Laos qu'il fallait protéger des appétits Vietminh. Longue de dix-sept kilomètres et large de six, c'était une petite île plate au milieu d'un océan tourmenté. » Ces quelques mots situent bien le problème et le lieu où se retrouve le narrateur, sous la plume d'Arnaud de la Grange.
Ce roman que j'ai pu découvrir grâce au Cercle Livresque de Lecteurs.com et aux éditions Gallimard, est plein d'humanité et de réalisme à couper le souffle avec des phrases ciselées, presque toutes parfaites et qui mériteraient d'être citées. Elles démontrent toute l'absurdité de la guerre qui attire et séduit pourtant les hommes.
Dans l'enfer de Dien Bien Phu, le jeune lieutenant livre des souvenirs familiaux, parle de sa mère avec infiniment de tendresse, confie ses amours, sa vie passée qu'il a volontairement abandonnée pour l'armée. Tout se bouscule dans sa tête alors que les Viets harcèlent, pilonnent, ne laissent aucune chance à ces hommes pris dans un piège voulu par d'autres qui sont bien loin de là, en sécurité, dans leur bureaux. On leur demande de tenir le plus possible pour avoir plus de cartes lors des négociations de Genève qui n'ont pas encore commencé !
Dans ce roman, j'ai apprécié la fraternité de ces hommes dans le combat malgré des conditions de vie abominables, l'horreur des pires blessures subies, les souffrances terribles… Rien n'est épargné mais c'est raconté avec tellement d'humanité et de compassion que le huitième soir est vraiment un livre à lire, un livre qui permet de ne pas oublier toutes ces vies sacrifiées… Pourquoi ?

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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S'identifiant à un lieutenant para sautant sur Dien Bien Phu où l'armée française agonise sous le feu nourri des Viets, le journaliste de la Grange livre des souvenirs de sa rééducation après un accident de moto, son inexplicable désir de s'engager, ses aventures amoureuses avec Marie, avec Pauline, la fille de son ami sang-mêlé André, les derniers jours d'une mère rongée par le cancer, souvenirs qui réussissent mal à faire vibrer l'ancien para que je suis.

L'auteur écrit fort bien et il le sait, ce qui donne un texte terriblement bavard.
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Arnaud de la Grange raconte les huit jours d'enfer vécus par un lieutenant de 26 ans dans la cuvette de Dien Bien Phu. Au-delà de la bataille, il nous montre combien cette expérience va transformer irrémédiablement cet homme.

Comment choisit-on, à 26 ans et à quinze jours d'être démobilisé et de retourner en métropole, de rempiler et d'aller rejoindre ses camarades de troupe à Dien Bien Phu? À vrai dire, le narrateur du second roman d'Arnaud de la Grange après Les Vents noirs n'a pas vraiment la réponse à cette question. Il n'est ni baroudeur, ni tête brûlée. Il n'est ni suicidaire, ni passionné par la chose militaire. Tout juste a-t-il quelques convictions, comme par exemple celle de ne pas laisser ses frères d'armes, de pouvoir servir. Peut-être a-t-il aussi un peu peur de retourner en France, car l'Indochine l'a transformé: «Nous ne sommes plus les mêmes, nos corps en font l'aveu. Nous avons durci. La guerre nous a taillés, rabotés, calfatés comme une coque marine. Elle a élagué tout ce qui chez nous ne servait pas aux actes élémentaires. Nos os ne portent plus rien de superflu. Nos esprits, c'est autre chose. Car je sens bien que, certains jours, nos pas pèsent plus lourd.»
Alors ce jeune lieutenant saute dans la cuvette, accompagné d'une poignée d'hommes. La bataille a été engagée cinquante jours plus tôt et il n'est pas besoin d'être devin pour en imaginer l'issue, tant les positions sont maintenant figées, tant l'artillerie de Giap pilonne les positions françaises, inlassablement, inexorablement.
La mort est omniprésente, au goût d'acier, de sang. «Un gigantesque labour qui disperse la terre et les êtres.»
Quand le bruit des bombardements fait place au silence, ce dernier est si lourd, si tendu qu'il fait lui aussi peur. Parler devient inutile. Un geste, un regard suffisent à dire le désarroi, la souffrance, l'incompréhension. Alors les pensées vagabondent. Vers Marie qui l'attend en France et qu'il a trahie. Marie qu'il ne reverra sans doute plus, qui pourra peut-être lire les carnets qu'il a noirci depuis deux ans, car il n'est pas sûr de pouvoir un jour raconter ce qu'il a vécu.
Vers Pauline, métisse «de culture et de rêves» qui lui offre quelques heures d'un bonheur éphémère avant d'aller vers son fiancé. «Lui, ce sera pour plus tard, quand tu seras mort et que je serais morte aussi, morte pour la vraie vie.»
Arnaud de la Grange dit tout l'absurdité de cette guerre lorsqu'il révèle que le frère de Pauline pourrait fort bien se trouver lui aussi à Dien Bien Phu, mais dans les rangs d'en face…
Roman dur, âpre, viril sans aucun doute. Mais surtout un roman à hauteur d'homme. Un homme qui aura plus appris en huit jours qu'en 26 ans.

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« Pause page 100 »:

Au terme du quatrième soir (le livre en conte 8), je m'interroge. Qu'est-ce qui me donne envie de poursuivre ma lecture? Sans hésitation, c'est l'approche universelle de ce roman. La réflexion à propos de l'homme blessé, des moteurs de sa résilience. Comment un homme peut-il prétendre chercher un sens à sa vie en faisant la guerre ? Arnaud de la Grange donne la parole aux engagés dans la boue, la souffrance et la mort. Mais, à travers cela, il donne la parole à la vie, la fraternité et au sens profond des paroles et des silences partagés par la fratrie du feu. Au coeur d'un monde qui se disloque, défaussé d'humanité, l'auteur nous propose une pensée bien loin du manichéisme de nos classifications habituelles. Quelle magnifique piste à suivre…

Ma chronique :

« le huitième soir », un livre d'une lucidité à gifler les bonnes consciences légitimant les guerres absurdes, les guerres d'intérêts et de négation de ce que peut être l'Homme. Là où certains oublient que notre vieille Europe a autant pillé qu'apporté aux colonies, Arnaud de la Grange refuse les faux portraits. Être Français et combattre en Indochine ne relève ni d'un égarement, ni d'une déviance morbide, encore moins d'un héroïsme qui serait déplacé.

A l'entame du récit, le narrateur, jeune officier parachutiste écrit sur des feuillets boueux. Au fond du trou, sous une voûte de mitrailles, il n'a plus que le temps d'être vrai. S'il se fout de la France, dira-t-il, c'est parce que la France se fout d'eux. Lâchés par leur patrie, ils sont renvoyés à eux-mêmes au coeur de l'enfer ‘en plein accord unilatéral' avec le haut commandement… Admirez la pirouette des chefs qui juxtaposent un plein accord à l'unilatéral ! Dans de telles conditions, les hommes de la troupe n'ont plus que leur honneur à préserver. Frères dans le sang, leurs seules richesses sont la solidarité et le respect mutuel qu'ils partagent entre compagnons.

Le décor de ce roman est le choc infernal de la bataille de Diem Bien Phu alors que l'Indochine échappe au contrôle français qui n'en accepte pas l'idée. Mais, il ne faut pas s'y tromper, le lieu, le temps et les protagonistes ont finalement peu d'importance. Avec ce livre, Arnaud de la Grange dresse une évocation apocalyptique de l'absurdité de tous les combats, coloniaux ou pas, qui ne trouvent leur un sens profond, digne de l'Homme, que dans l'abnégation, la solidarité et le jusqu'au boutisme des petits, des sans grades oubliés, des méprisés tenus pour jetons de négociation par les politiques, les diplomates de salon et les rangées de médailles des QG militaires éloignés du terrain. Tous, beaux parleurs mais personnages sans consistance, tous avides de pouvoir mais démunis de tout courage.

L'auteur montre, démontre devrais-je dire, la fracture qui existe entre ceux qui engagent les hostilités et ceux qui s'engagent au combat. Entre ceux qui, du haut de leur France saturée de certitudes jugent les autres orgueilleux, égarés, fous ou étranges, voire étrangers ! Et Dieu sait que ‘Il y a beaucoup d'endroits au monde où on n'aime pas les étrangers !' dira le narrateur. Ce sont pourtant ces morts en sursis qui seuls sont des hommes. Leurs juges n'en sont que des copies.

A suivre ce ‘ gigantesque labour qui disperse la terre et les êtres', on peut comprendre que l'envie d'anéantir ceux d'en face puisse coexister avec le respect mutuel qui peut naître entre combattants, engagés dans une même lutte, partageant, quelque que soit leur bord, la folle envie d'être survivant au petit matin qui se fait attendre. J'ai reçu la dernière phrase du roman comme une parfaite illustration de l'ouverture à la réalité et à l'acceptation de la partition qui place la ligne de démarcation entre les combattants, tous du même sang quel que soit le camp et les décideurs, eux toujours loin de ces tranchées.

Avec une maîtrise extraordinaire de la description et une richesse de vocabulaire qui cependant reste à la portée de tous les lecteurs, Arnaud de la Grange donne vie à ces âpres combats, aux éclatements de terre, de boue, aux faux-bonds de la logistique de couverture, au manque total de moyens médicaux, aux dislocations des corps, aux arrachements de la vie et à l'épuisements extrême des soldats au feu. Il ouvre aussi au questionnement existentiel de ces braves, à leurs silences qui en disent long sur leur pré-science de l'à-venir et même sur la légitimité de la révolte et de la violence de ceux d'en face.

Le lecteur ne sort pas indemne d'une telle confrontation à la réalité de l'atroce. Il ne peut se retrancher derrière le polissage des récits édulcorés proposés dans nos livres d'histoire. Il doit se prendre de face les claques des mauvaises raisons de ces conflits, les trahisons des gens de pouvoir, les silences radio, les ‘débrouille-toi', les ‘à toi de voir ce que tu peux faire' ou les ‘tiens encore un peu, le temps qu'on négocie un retrait honorable … pour nos états-majors ‘.

Mais au coeur de toutes ces atrocités et coups bas flanqués aux hommes du terrain, l'auteur, Arnaud de la Grange, s'offre l'audace de semer une vision du monde riche de sens, nourrie de nobles ressentis et nimbée d'une poésie qui pousse l'Homme à rester humain et confiant. Au coeur de l'atroce, le narrateur s'ouvre encore à la vie en évoquant le parcours qu'il s'est imposé pour retrouver l'usage de son corps après un accident de moto. Il puise ses forces dans sa volonté de retrouver le lien l'unissant à sa mère et la vision du combat de celle-ci contre le cancer, la mise en évidence des liens qui unissent le narrateur à son ami André, à Pauline qui est métisse de sang mais bien plus encore de culture et de rêves. Et même si cette Pauline estimera ne jamais pouvoir être perçue comme étant du bon côté, elle le suppliera de l'aimer, de la faire vivre…
Tous ces liens humains ne suffisent pas à sortir le combattant de l'impasse du conflit mais elle redonne au Monde et aux hommes une couleur, un souffle qui aident à se tenir debout !

Il reste que demain sera encore, certes… mais à quel prix ? A nous d'en prendre conscience !

J'ai beaucoup aimé ce livre au regard décalé, cette liberté et cette force de ton choisie par l'auteur. Assurément, Arnaud de la Grange, un auteur à suivre !

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Un énorme coup de coeur pour ce récit poignant, empreint de réalisme, qui évoque la tragédie de Dien Bien Phu, bataille qui mit fin à la guerre d'Indochine.
L'auteur nous plonge dans l'enfer de la guerre, quand la raison se laisse déborder par l'émotion. Il évoque ces liens de solidarité dans l'enfer, l'absurdité de la guerre.
Le narrateur est un jeune lieutenant de paras, âgé de 26 ans, dont nous ne connaissons ici que l'indicatif de guerre, "Vent Noir".
Ce jeune lieutenant prend des notes, en plein bourbier, cerné par l'armée Viêt-minh dans la cuvette de DBP, 8 jours durant, sur ses émotions, ses souvenirs de France, "toutes ces vies lointaines".
Il parvient,t à écrire sans relâche, jusqu'au 8é jour, où viendra son tour de mourir...
L'auteur évoque ces collines aux noms de femme (Huguette, Béatrice, Eliane, Anne-Marie, Gabrielle...), collines qui entouraient la cuvette de DBP, et qui vont tour à tour tomber entre le 13 mars et le 7 mai 1954, sous les coups de l'armée Viêt-minh, menées par le général Giap.
L'écriture est tout simplement sublime. J'ai adoré ce roman brillant et terriblement touchant.
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C'est beau. C'est triste. On sait comment va finir ce livre, mais on accompagne cet homme pendant huit jours, dans ce qui sera probablement ses derniers instants.

On l'écoute nous parler de sa vie, de son ressenti sur la vie. Acteur anonyme de l'Histoire, il se bat pour lui, pour les autres. Cela ne s'explique pas et pourtant je le comprends.

Loin de sa famille, il n'est pas seul. Il est entouré des siens, de ceux qui comme lui partagent la même volonté.

Il pouvait rentrer en France, il a décidé d'être parachuté sur Dien Bien Phu. Il pouvait revoir sa fiancée, il est resté pour défendre quelque chose qui lui semblait plus grand. Pour lui ce n'est pas un sacrifice, c'est une nécessité, un devoir.

En sautant sur le champ de bataille, il a rejoint l'enfer parce qu'il se sentait lié à ceux qui y étaient. Il ne pouvait les abandonner au crépuscule de la présence française en Indochine, dans cet ultime combat.

« C'est pour nous au fond que nous nous battons. Par fidélité à une idée que l'on se fait de la vie, de nous-mêmes, de l'honneur. » [p.128]

Parlant de sa mère mourant du cancer : « Aux yeux du monde ma mère n'avait rien accompli de grand. […] Elle terminait une vie simple et sans coup d'éclat. Mais maman regardait sa fin en face et cette dignité éclairait tout le reste. » [p.147]

Ode à la vie, livre des morts.

Je vous le conseille.
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Le huitième soir, d'Arnaud de la GRANGE met en scène les huit derniers jours d'un jeune lieutenant embarqué dans l'étrange et meurtrier conflit d'Indochine, et plus particulièrement la fin des combats à Dien Bien Phu.
La situation est retracée avec précision et les descriptions bénéficient d'un vocabulaire recherché : " le délire orgiaque des canons et des obusiers bat son plein....la nuit, lacérée par des lances de feu...c'est un chaudron où bouillonne l'âme noire des hommes."" Autour de nous, la terre devient folle, se convulse, prise de spasmes. On la dirait possédée, elle se contorsionne, crache ses cailloux et sa bave boueuse...Je pense aux apocalypses d'une autre guerre, celle que l'on dit "grande".
Le narrateur parle longuement aussi de son engagement, du sens de la guerre : " Je n'ai pas de fascination pour la mort, nulle vocation au sacrifice....Embarqué dans une sale histoire en un coin où l'on se tue avec une inépuisable énergie.... Je les ai rejoints [les rangs de l'armée] comme on prend une route buissonnière...Je voulais descendre au plus profond de moi-même. Là, je vais achever de me connaître.... Je n'ai pas à détourner mon regard, tous connaissent la vérité."
Les derniers instants sont illustrés par le poème poignant qu'Alan Seeger avait écrit avant la bataille de la Somme, en 1916. La conclusion, plus personnelle du jeune lieutenant , au matin du huitième jour, ne laisse aucun doute quant à l'issue : " Je ne sais pas grand chose de ce qui s'est passé durant cette nuit si longue. Je vois juste que beaucoup d'hommes sont morts... J'ai tué, de loin, de près, corps contre corps. Je suis couvert de sang, de sueur et de boue. Je ne me vois pas, mais je regarde effaré ceux qui m'entourent. Ils sortent d'une forge ou d'un noir caveau."
Au cours de ces huit jours, il se laisse aller aussi aux souvenirs : ses liens avec Marie, puis Pauline, l'amour de sa mère, ses combats et blessures précédents, ses rapports à la hiérarchie...
C'est un roman dense, riche et bien écrit. Je vais sûrement continuer à suivre de près les écrits de M.de la Grange !

Lien : http://frangesdhumeur.over-b..
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Récit poignant sur une défaite. Chaque mot est à sa place et choisit avec soin. Beaucoup de poésie dans l'écriture malgré le sujet. La vie d'un homme né pour se battre et que tout ramène sur les champs de bataille où les amitiés sont essentielles. Dans des conditions dantesques, nous le suivons mais aimerions rester loin de ces horreurs.

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Dien Bien Phu. 1954. Rien du merveilleux de la majesté d'Angkor, nous sommes dans l'Indochine du XX° siècle, loin de l'empire Khmer. C'est le théâtre de la dynastie des bombes, des attaques, des tueries, de la mort. Au milieu de ce pandémonium, surgit un lieutenant, presque son spectre, qui sait pertinemment quel sera son destin.

Pourquoi est-il engagé dans cette bataille ? En aucun cas pour amour de la patrie, il n'y a aucune crédulité chez le narrateur mais l'amour de l'humain certainement. Il refuse toute idée de confort et ne veut pas voir un nouveau chaos se profiler comme quelques années auparavant dans l'Europe des années 40. Et puis, il a ce besoin viscéral du déracinement pour ne pas risquer de s'enraciner.
S'ajoute un terrible accident avec la souffrance subit qui appelle à conserver une dureté dans l'existence. Ce combat sans issue est une mise à l'épreuve, se retrouver dans les miroirs des corps cassés et des âmes en errance.

Pendant huit jours, il raconte chaque instant, du temps présent ou du temps passé. Entre les balles qui pleuvent, les cratères se transformant en tombeaux éternels, le narrateur plonge dans son passé et regarde cette vaillance des hommes autour de lui. de la bravoure de sa mère face à la maladie incurable jusqu'au dernier geste solidaire d'un compagnon de guerre, ce sont dans les moments les plus cruels que la dignité humaine sort ses plus beaux atouts. C'est quand il faut lutter que l'artificiel s'envole pour que seule l'authenticité subsiste.
Il songe à son ancienne fiancée et rêve à cette étrange cavalière sans monture, Pauline, qui permet de se détacher sur plusieurs pages de l'univers sanglant et de se plonger dans la volupté des couples.
Puis, arrive le huitième soir. Nous sommes le 7 mai 1954…

Contre toute attente dans cette obscurité, une lumière indescriptible traverse de part et d'autre ce roman grâce à la splendide écriture : la beauté nargue l'horreur, la sensualité se fraye une place au milieu du chemin des morts.
Ce qui est frappant, c'est la force avec laquelle Arnaud de la Grange narre comment une guerre peut aussi mettre en valeur toute l'humanité de l'inhumanité, mettre un coeur pendant que les pierres pleuvent, mettre des caresses dans le bain de sang, glisser quelques notes de musique dans le fracas des explosions.

Véritable manifeste pacifiste, ce récit qui est proche du document, pose aussi les questions sur cette dichotomie entre ceux qui font la guerre avec courage et ceux qui la déclarent avec lâcheté.

Tableau scriptural de l'homme dans toutes ses contradictions, l'homme capable du meilleur comme du pire, mais aussi, celles de chaque individu comme ce jeune lieutenant qui semble ne pas avoir un comportement spécialement ordalique et pourtant quelque chose de sibyllin le pousse à mettre sa vie en danger, comme si fuir sa tranquillité pouvait avoir une prise sur le destin.
Humainement terrible. Terriblement humain. Un huitième soir qui par sa tragédie peut donner une promesse sur l'aube de la paix.
Lien : https://squirelito.blogspot...
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Un ouvrage exceptionnel d'une rare densité où l'auteur nous plonge dans l'enfer de Dien-Bien-Phu avec une écriture tout en force et en sagacité, et une hauteur de vue, un recul sur l'histoire qui se veut sans parti pris.

L'auteur dresse une évocation apocalyptique de l'absurdité de tous les combats, coloniaux ou pas, qui ne trouvent leur un sens profond, digne de l'Homme, que dans l'abnégation, la solidarité et le jusqu'au boutisme des petits.

Arnaud de la GRANGE ne verse à aucun moment dans la complaisance face à l'horreur de la violence des champs de bataille. Il parvient toujours à préserver chez ses personnages leur dignité de soldat.

Au coeur de toutes ces atrocités et coups bas flanqués aux hommes du terrain, l'auteur sème une vision du monde riche de sens, nourrie de nobles ressentis et nimbée d'une poésie qui pousse l'Homme à rester humain et confiant.

A lire et à méditer pour apprendre au sein d'un monde où la violence tend à prendre une dimension une dimension apocalyptique.
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