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Critique de Dossier-de-l-Art


Qui ne se souvient de Sacha Guitry en Louis XIV dans le film Si Versailles m'était conté... rongeant son frein aux fêtes de Vaux-le-Vicomte, présidant aux cérémonies versaillaises du haut d'un escalier des Ambassadeurs d'opérette ou encore dans une Galerie des Glaces toute recomposée ? Malgré leur caractère fantaisiste, ces décors de cinéma fascinèrent et fascinent encore parce qu'ils mettent en scène ce qui a disparu pour toujours : le faste de l'éphémère et le cérémonial grandiose de la cour de France à la fin du XVIIe siècle. Or l'intérêt de ce livre est précisément de ressusciter les fêtes du règne de Louis le Grand à travers la figure de son Premier peintre, Charles le Brun, et de les rendre tangibles par la gravure, le dessin et les descriptions anciennes. Ces sources évoquent du reste une facette méconnue de le Brun, qui ne fut pas seulement le peintre du roi, mais aussi son décorateur. Il mit ainsi en scène l'entrée de Louis XIV à Paris en 1660, au lendemain de son mariage, et marqua les esprits par un style neuf, tout de profusion. Obélisques de bois plus hauts que les immeubles, peintures sur toile, sculptures et tapisseries feintes ornant de faux arcs qui refermaient les rues, pyramides : l'ensemble était frappant. Mais plus monumental encore était le navire fixé par des pieux au milieu de la Seine, d'où l'on tira une bordée de feux d'artifice aux noms plus poétiques les uns que les autres : girandoles, globes de feu, marquises, pots à aigrette, fougues... Dans un temps où la lumière était à la fois un luxe et une prouesse technique, les plus belles cérémonies étaient celles qui anéantissaient les ténèbres. Ainsi le Brun imagina-t-il pour la réception du roi à Vaux-le-Vicomte des rampes de lanternes s'égrenant le long d'un canal, préfigurations des illuminations inouïes de la grande fête de 1674 à Versailles. Des « grilles d'eau » se mêlaient aux feux : tout exprimait l'éclat de Louis, maître des éléments... le livre restitue parfaitement toute la pompe de ces réjouissances, mais il analyse aussi les mécanismes subtils de la commande : les fêtes n'étaient pas toujours ordonnancées par le roi. La Ville de Paris, les académies ou l'Église se substituaient à lui lorsqu'il fallait célébrer la Saint Louis, rendre grâce de la naissance du dauphin ou régler une pompe funèbre. Au sein de l'Académie royale de Peinture, le Brun lui-même organisa et paya en partie la cérémonie d'action de grâces pour la guérison du roi, qui eut lieu dans l'église de l'Oratoire de Paris, en 1687. Ce fut son chant du cygne. Mais un chant du cygne stupéfiant, qui éclaire d'un autre jour les Contes de Perrault. Ami et conseiller de le Brun lorsqu'il officiait à Versailles, Charles Perrault l'aida à concevoir une grande partie de ses décors, notamment les devises et inscriptions qui les parsemaient. Ainsi faut-il peut-être relire les Contes comme l'émanation du fabuleux décorum louis-quatorzien et surtout, lire le livre de G. Lafage comme l'évocation d'un monde perdu, réveillé du long sommeil de la Belle au Bois dormant par la magie d'une plume pleine de vivacité.

Par Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 515, septembre 2015
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