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Citations sur Les structures fondamentales des sociétés humaines (7)

Le cas des suricates, mangeurs de scorpions, est particulièrement intéressant. Les adultes apprennent aux petits comment faire avec les dangereux scorpions en les habituant progressivement à les manipuler, à jouer avec eux, tout d'abord en retirant leur dard, dont la piqûre peut être très douloureuse, voire mortelle, puis progressivement en les laissant les tuer en situation réelle. [...] Cela suppose une situation clairement pédagogique, qui s'apparente à un jeu ou à une simulation, puisque la situation d'apprentissage est contrôlée par les adultes et dépourvue au départ de danger. Le fait aussi que l'adulte modifie son comportement en fonction de l'âge de sa progéniture, pour qu'elle puisse apprendre en toute sécurité, est la marque d'une relation pédagogique.
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Paradoxalement, alors qu'elles se vivent comme des entreprises progressistes et libératrices, les sciences humaines et sociales, en séparant l'humanité de toutes les autres espèces animales, renouent avec une vision quasi théologique qui cherche à nier par tous les moyens possibles le principe darwinien de continuité du vivant.
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En tant qu'elles reposent sur des rapports de domination et ont, pour cette raison, été hiérarchisées, les classes sexuelles et les classes d'âge si caractéristiques des sociétés de chasseurs-cueilleurs sans richesses, préfigurent d'une certain façon toutes les autres, et notamment les classes dites « sociales », qui sont fondées, d'abord et avant tout, sur l'exploitation des dominés par les dominants, et engendrent des écarts de richesse (économique et culturelle). Non pas que les sociétés de classe étaient inscrites dans le destin des premières sociétés, mais la domination de classe n'a pas inventé la domination ni la hiérarchie ; elle est une façon de transférer des relations de dépendance-domination préexistantes sur le terrain en expansion de la propriété des bien matériels.
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La thèse centrale de l’ouvrage

La thèse centrale de cet ouvrage est qu’une grande partie de la structure et du développement des sociétés humaines ne peut se comprendre qu’à partir du mode de reproduction (au double sens de reproduction biologique et culturel) et de développement ontogénétique de l’espèce, et notamment de la situation d’altricialité secondaire propre à l’homme (lente croissance extra-utérine du bébé humain entraînant une très longue période de dépendance), prolongée par une altricialité tertiaire (voire d’altricialité permanente, renvoyant à des capacités d’apprentissage tout au long de la vie et à la dépendance permanente à l’égard des autres membres du groupe social et de sa culture accumulée), conjuguée avec une série d’autres propriétés partagées par de nombreux autres mammifères ou, au contraire, très spécifiques (vie terrestre, mobilité, bipédie et libération des mains, pouces opposables, plasticité cérébrale, partition des sexes et reproduction sexuée mais sans période de rut, viviparité, grossesse longue, uniparité, longévité, symétrie bilatérale, capacités langagières-symboliques et artefactuelles, cumulativité culturelle).
Nous verrons que c’est dans la situation d’altricialité secondaire que s’originent ces rapports sociaux fondamentaux que sont les rapports de dépendance-domination. Couplée avec la capacité, inédite dans le règne animal, à une certaine cumulativité culturelle qu’en grande partie elle rend possible, l’altricialité secondaire a renforcé l’opposition entre les parents et les enfants, les vieux et les jeunes, les majeurs et les mineurs, les grands et les petits, les aînés et les cadets, de même qu’entre les ancêtres disparus et les vivants, entre l’antériorité (des personnes et des choses) et la postériorité, etc. Et cette matrice fondamentale, on le verra, a eu des conséquences majeures d’un point de vue magico-religieux, politique et économique tout au long de l’histoire des sociétés humaines. L’écart entre parents et enfants, vieux et jeunes, etc. va au cours de l’histoire d’autant plus s’affirmer et se creuser que la culture accumulée est grande, et que la dépossession et la dépendance des nouvelles générations vis-à-vis des anciennes générations s’accroissent.
Le constat que pas une société humaine connue n’ait été dépourvue de rapports de domination (quelle qu’en soit la forme culturelle) devrait constituer un fait plus que troublant pour une vision hyper-constructiviste qui soutient l’idée d’une transformation historique permanente et imprévisible des sociétés. Et nous verrons que même les rapports hommes-femmes, marqués dans toutes les sociétés connues par une balance déséquilibrée des pouvoirs (une « valence différentielle des sexes », selon l’expression de Françoise Héritier) qu’il faut bien désigner par le terme de « domination masculine », ne sont pas sans lien avec les conséquences de l’altricialité secondaire dont la gestion a longtemps pesé principalement sur les femmes (avec la gestation, l’allaitement, les soins aux nourrissons, et le fait qu’elles soient durablement associées au pôle dépendant, dominé, vulnérable, faible, etc.).
Comme je l’ai déjà souligné, l’objectif ultime de cet ouvrage est de proposer un cadre intégrateur des travaux de sciences sociales, un « paradigme », en vue d’étudier de façon plus pertinente ce que l’on peut appeler le « système social humain », ou ce que le primatologue Bernard Chapais nomme, de façon très suggestive, la « structure sociale profonde [65] » propre à l’espèce humaine. L’anthropologue Alain Testart – qui cherchait à appréhender l’ensemble des sociétés humaines connues par la préhistoire et l’archéologie, l’histoire, l’anthropologie et la sociologie dans son projet de sociologie générale – parlait quant à lui de la « science générale de la société » que visaient initialement les anthropologues évolutionnistes du XIXe siècle, suivis de Durkheim, de Radcliffe-Brown ou de Lévi-Strauss [66] . Mais, à la différence de Testart, je fais le pari que ce paradigme nécessite de prendre fermement appui à la fois sur des comparaisons inter-sociétés, comme il l’a fait, mais aussi sur des comparaisons inter-espèces, avec la prise en compte d’un certain nombre de propriétés indistinctement biologiques et sociales propres à l’espèce humaine.
En réalisant ce travail, je ne vais rien dire d’autre au fond que les auteurs, vivants ou morts, des nombreux travaux cités ou les lecteurs de ces travaux ne savent ou ne savaient déjà en partie. Comment pourrait-il en aller autrement puisque c’est grâce à leurs travaux que le mien a été rendu possible ? Cependant, pour détourner une formule de Bourdieu, je pourrais dire qu’ils le savent, mais d’une manière telle qu’ils ne le savent pas vraiment. Ils le savent mais de façon trop isolée, particularisée ; ils le savent mais le pensent dans le langage du particularisme d’époque ou de la spécificité des types d’objets qu’ils étudient. Dégager le général, formuler des lois, c’est purifier les mécanismes ou les logiques à la manière d’éléments pris dans les minerais et leur gangue. Cela permet d’assurer les appuis et de créer les conditions pour ne pas repartir en permanence de zéro, de ne pas redécouvrir ce qui a déjà été mille fois mis en évidence. Pour le dire en un mot, cette opération est la seule manière de rompre avec la logique wébérienne infernale de l’éternelle jeunesse des sciences sociales.
Dans toutes les sociétés humaines connues, il y a des processus de socialisation (apprentissage-mémorisation), des rapports parents-enfants, une différenciation sexuelle et des rapports sexuels, des interactions sociales, du langage, de la fabrication, de l’usage et de l’accumulation d’artefacts, de savoirs et de techniques, et donc de l’histoire, des êtres humains qui dorment et qui rêvent, de la division du travail ou de la différenciation des fonctions (plus ou moins hiérarchisées), des institutions et des groupes eux-mêmes en partie liés à la différenciation sociale des fonctions ou des activités, des relations d’interdépendance plus ou moins équilibrées entre individus ou entre groupes, des tensions entre des « nous » et des « eux », des rapports de domination plus ou moins institutionnalisés, des formes de magico-religieux, etc. Tout cela sera au cœur de ma réflexion.
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Ce livre est donc une carte. Et une carte qui ne prétend pas se substituer aux études de cas. Nous avons simplement besoin des deux, comme la physique ou la biologie ont besoin autant de la théorie de la relativité générale ou de la théorie de l'évolution que de micro-analyses de cas précis. Le travail de réflexion que j'ai mené a consisté à revenir à la racine d'un certain nombre de caractéristiques propres aux sociétés humaines. Cela signifie, avant toute autre considération, d'accepter que de telles caractéristiques générales puissent exister, ce qui est loin d'être admis dans les sciences sociales. Si l'on pense que, malgré leur diversité, toutes les sociétés humaines ont des propriétés générales, alors on peut se mettre en quête de ces propriétés par des comparaisons inter-sociétés humaines et par des comparaisons inter-espèces ou, plus exactement, inter-sociétés humaines et non humaines.
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Le réalisme, qui a montré sa fécondité en physique comme en biologie, pense que le réel (physique, biologique ou social) n’est pas informe et qu’il est structuré objectivement par des logiques, des mécanismes, des forces ou des lois qu’on peut, et même qu’on doit, s’efforcer de découvrir. Comme l’écrit le physicien étasunien Lee Smolin : « Ce concept de loi est à la base d’une conception réaliste de la nature. » Ces principes actifs travaillent, structurent, organisent, informent les sociétés et les comportements humains, et ce, quoi qu’on en dise et quoi qu’on en pense, c’est-à-dire quel que soit l’état des représentations qu’on peut en avoir et de la science (bonne ou mauvaise, juste ou fautive) qu’on peut en faire…
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Dans son célèbre tableau intitulé D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? (1897-1898), le peintre Paul Gauguin représentait, dans une lecture de droite à gauche, les différents âges de la vie humaine. Un bébé entouré de trois femmes, un adulte cueillant un fruit et une vieille femme, avec une plus jeune à ses côtés, symbolisent les différentes étapes d’une vie qui commence par une longue période de dépendance de l’enfant vivant sous protection adulte constante, se poursuit par une vie adulte productive et nourricière (on voit une enfant à la gauche du cueilleur manger un fruit) et s’achève par une relative dépendance de la personne âgée qui a ou aura, elle aussi, besoin de l’aide d’autrui. Au cœur de la vie humaine, nous verrons que cette dépendance a contribué à forger les structures fondamentales des sociétés humaines.
Elle signale encore sa présence dans la toile de deux autres manières : d’abord avec la grande statue de couleur gris-bleu, qui rappelle l’habitude humaine de se placer sous la protection et la dépendance de forces supranaturelles (ancêtres, esprits ou divinités) ; mais aussi avec l’ensemble des animaux domestiqués (chèvre, chats, chien) qui vivent dans une relation de dépendance à l’égard des humains. Par ailleurs, un détail du tableau – l’oiseau blanc à l’extrême gauche, qui tient un lézard sous ses griffes – nous rappelle que les rapports d’interdépendance entre espèces sont aussi des rapports bruts de domination, avec des prédateurs et des proies…
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