Il n'existe de théorie que partielle. (p. 355)
Si l'imagination sociologique ne se développe pas sans enquête empirique, ce n'est jamais du "terrain" que peuvent émerger d'autres manières de le considérer. "Le point de vue crée l'objet", comme disait Ferdinand de Saussure, et non le contraire. (p. 351)
Parce que l'acteur est pluriel et que s'exercent sur lui des "forces" différentes selon les situations sociales dans lesquelles il se trouve, il ne peut qu'avoir le sentiment d'une liberté de comportement. On pourrait dire que nous sommes trop multisocialisés et trop multidéterminés pour pouvoir nous rendre compte de nos déterminismes. [...] Le sentiment de liberté n'est que le produit de la complexité de la détermination.
La seule liberté dont puisse sérieusement parler le sociologue est une liberté (politique, économique, culturelle...) d'action, relative à des situations sociohistoriques déterminées. (p. 346-347)
Il est important de souligner que le social ne se réduit pas aux rapports sociaux entre groupes et notamment à des différences socioprofessionnelles, socioéconomiques ou encore socioculturelles, si on ne veut pas laisser penser que les différences plus fines ne sont plus socialement engendrées et que, par conséquent, les structures cognitives, émotives, sensibles..., individuelles sont hors de l'intellection sociologique. Le social, c'est la relation. (p. 342)
Poser d'emblée que toute action est le produit de la mise en œuvre d'un sens pratique, pré-réflexif, non intentionnel, infra-conscient, etc., que les actions quotidiennes s'enchaînent les unes les autres dans une sorte d'improvisation permanente (...), c'est universaliser un cas du possible et rester aveugle à une grande partie des pratiques sociales. (p. 244-245)
Désigner à l'aide des mêmes expressions (...) un exercice scolaire réalisé à l'école élémentaire, une question de sondage politique, la conception la plus avant-gardiste dans le champ littéraire ou pictural finit par faire de celles-ci des expressions "amorphes" au sens de Weber. La jouissance théorique que l'on peut éprouver à sillonner avec la même charrue des terrains aussi différents est inversement proportionnelle à la puissance heuristique des concepts. Il faut donc en revenir à l'analyse empirique de pratiques singulières et ne s'autoriser de généralisations que prudentes et limitées. (p. 199)
Les paroles n'attendent pas (dans la tête ou la bouche des enquêtés) qu'un sociologue vienne les "recueillir". Elles sont le produit de la rencontre d'un enquêté doté de schèmes de perception, d'appréciation, d'évaluation... construits au cours de ses multiples expériences sociales antérieures et d'une situation sociale singulière [...]. (p. 134)
Si la situation présente n'explique bien sûr rien en elle-même, elle est ce qui ouvre ou laisse fermées, réveille ou laisse à l'état de veille, mobilise ou maintient à l'état de lettre morte les habitudes incorporées par les acteurs. (p. 90)
Tout corps (individuel) plongé dans une pluralité de mondes sociaux est soumis à des principes de socialisation hétérogènes et parfois même contradictoires qu'il incorpore. (p. 50)
Le nom et le prénom, la signature, ces signes sémantiquement faibles prétendent nous enfermer tout entiers et sont des unificateurs sommaires mais puissants de notre identité personnelle. (p. 35)