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Citations sur L'homme pluriel : Les ressorts de l'action (15)

On argumente et critique d'autant mieux qu'on a intériorisé les raisonnements tenus et déployés par d'autres, dans toute leur complexité et sans caricature. L'intériorisation systématiquement des "points de vue" scientifiques les plus divers sur le monde social est le meilleur moyen d'être en mesure de développer à son tour un "point de vue" propre. (p. 15-16)
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Tout corps (individuel) plongé dans une pluralité de mondes sociaux est soumis à des principes de socialisation hétérogènes et parfois même contradictoires qu'il incorpore. (p. 50)
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Les pratiques ordinaires d’écriture en action
Mémoire incorporée, mémoire objectivée

Il faut, pour commencer, prendre très au sérieux l’interprétation endogène qui consiste à dire que l’on n’écrit pas dans sa vie domestique, que l’on n’utilise pas ces petits moyens d’objectivation, parce que les capacités mnémoniques sont encore bonnes. En effet, ceux qui ne sont pas des habitués du pense-bête écrit, de la liste de commissions, de la liste de choses à faire, des notes prises au moment d’une discussion par téléphone ou préalables à un appel téléphonique, des annotations sur agenda ou sur calendrier, etc., évoquent fréquemment leur « bonne mémoire ». Certains pratiquants parlent aussi, par exemple, de l’agenda comme « mémoire centrale » (selon l’expression d’une femme à fort capital scolaire) ou avouent la faillibilité d’une mémoire trop incertaine. D’une manière comme d’une autre, qu’on en soit adepte ou qu’on les rejette totalement, les écritures ordinaires semblent, dans les lieux communs, être au cœur de la question de la mémoire : mémoire objectivée, elle se différencie de la mémoire incorporée.

Les mères de famille « à temps plein », qui ont constamment en tête tous les soucis du groupe familial, n’ont ainsi parfois pas besoin d’écrire les choses, leur mémoire incorporée étant mobilisée, activée en permanence. Une mère au foyer dont le mari est ouvrier spécialisé déclare : « J’ai une bonne mémoire. Je me rappelle de tout ce que je fais. C’est moi qui lui [son mari] rappelle : "Tu dois faire ça, et ça, et ça", donc c’est moi la mémoire. Oui je garde tout dans la tête. » De même, lorsque l’on a fréquemment l’occasion de faire l’inventaire, dans sa pratique domestique quotidienne, de l’état du stock de produits alimentaires, la mémoire incorporée est constamment activée et la liste de courses écrite devient moins nécessaire (« [en passant dans les rayons] ça me rappelle qu’est-ce que j’ai et qu’est-ce que j’n’ai pas »).

[…] Dès lors que l’écriture n’est perçue que dans sa fonction mnémotechnique, elle est pensée comme une sorte de palliatif à une mémoire déficiente. Les pratiques d’écriture peuvent donc être perçues négativement par ceux qui répondent fièrement qu’ils n’ont « pas besoin de cela pour le moment », comme s’il avait été question d’une paire de lunettes venant compenser une baisse de vue ou d’une canne pour s’aider à marcher. Utiliser l’écrit marquerait ainsi l’existence d’un handicap, d’une difficulté. Ces enquêtés rejoignent ainsi, sans le savoir, la critique émise par Platon dans le Phèdre. Opposant la mnèmè comme mémoire vivante à l’hypomnesis comme remémoration et consignation, Platon nous dit, par la voix de Socrate, que l’écriture n’a pas résolu le problème de la mémoire vivante et que, bien au contraire, elle contribue à la détruire un peu plus en libérant les hommes de l’obligation de faire l’effort de se les rappeler (certains enquêtés disent même « se forcer » ou « s’obliger » à ne pas écrire pour « faire travailler » leur mémoire).
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Il n'existe de théorie que partielle. (p. 355)
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Il est important de souligner que le social ne se réduit pas aux rapports sociaux entre groupes et notamment à des différences socioprofessionnelles, socioéconomiques ou encore socioculturelles, si on ne veut pas laisser penser que les différences plus fines ne sont plus socialement engendrées et que, par conséquent, les structures cognitives, émotives, sensibles..., individuelles sont hors de l'intellection sociologique. Le social, c'est la relation. (p. 342)
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Les paroles n'attendent pas (dans la tête ou la bouche des enquêtés) qu'un sociologue vienne les "recueillir". Elles sont le produit de la rencontre d'un enquêté doté de schèmes de perception, d'appréciation, d'évaluation... construits au cours de ses multiples expériences sociales antérieures et d'une situation sociale singulière [...]. (p. 134)
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Le nom et le prénom, la signature, ces signes sémantiquement faibles prétendent nous enfermer tout entiers et sont des unificateurs sommaires mais puissants de notre identité personnelle. (p. 35)
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Poser d'emblée que toute action est le produit de la mise en œuvre d'un sens pratique, pré-réflexif, non intentionnel, infra-conscient, etc., que les actions quotidiennes s'enchaînent les unes les autres dans une sorte d'improvisation permanente (...), c'est universaliser un cas du possible et rester aveugle à une grande partie des pratiques sociales. (p. 244-245)
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Si la situation présente n'explique bien sûr rien en elle-même, elle est ce qui ouvre ou laisse fermées, réveille ou laisse à l'état de veille, mobilise ou maintient à l'état de lettre morte les habitudes incorporées par les acteurs. (p. 90)
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Non pas que les sociologues doivent se laisser imposer des théories sociologiques par les philosophes, mais la philosophie – une partie des réflexions philosophiques en tout cas – contribue parfois à éclaircir utilement les concepts utilisés par les sociologues dans leurs enquêtes sur le monde social. Une telle peur s’est installée en France autour de l’idée d’une rechute de la sociologie dans la philosophie sociale (ce qui n’est évidemment pas souhaitable) qu’une grande partie des sociologues vit en permanence dans la mauvaise conscience théorique. Toute discussion conceptuelle ne peut qu’être soupçonnée d’ « intellectualisme », de « verbiage inutile » ou de « mauvaise philosophie ».
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