C'est au hasard d'une promotion pour la Biennale du livre de Châteaudun que j'ai découvert «
L'heure de la salamandre », son auteur,
Ludovic Laleu ? et sa maison d'édition, Les éditions du Loir. La couverture et la quatrième promettaient une ambiance sombre de roman noir, la promesse est tenue. Et bien tenue.
Quand le roman débute par une sorte de flashforward dans lequel on comprend que le protagoniste à la tête recouverte d'un sac et semble être mené vers la corde suspendue qui mettra fin à ses jours, on est vite mis au parfum de l'atmosphère générale qui règnera sur l'ensemble du roman.
Pourtant, tout commence bien pour Hugo, un jeune homme, sportif, amoureux de Tricia et dans la famille de laquelle il passe de bons moments, notamment avec Fabrice, le beau-père de Tricia, avec qui il s'entraine à la course de fond. Mais ce ciel quasi idyllique se couvre rapidement quand Hugo se retrouve mêlé, au sein de sa belle-famille, à des conversations qui le dépassent : les esprits de Fabrice et de l'un de ses collègues s'échauffent, comme beaucoup d'esprit en ce moment, alimentés par un sentiment d'injustice sociale, par cette impression qu'ON fait tout pour les autres, les sachants, les riches, mais rien pour eux, les gars qui se tuent à la tâche dans leur boulot précaire sans reconnaissance, sans visibilité. Selon eux, il faut que ça cesse, il faut se faire entendre et y a-t-il meilleur coup de projecteur revendicatif que d'entrer chez le sous-préfet et d'aller tagguer les murs de son salon ? Poussée par la jalousie qu'elle éprouve vis-à-vis du passé amoureux de son chéri, Tricia informe les rebelles qu'avant d'être avec elle, Hugo sortait avec la nounou des enfants du sous-préfet et se rendait souvent dans les lieux. On s'arrange pour faire boire un peu trop le jeune homme qui livre le code d'entrée de la porte privée de la sous-préfecture de Châteaudun. Et là, commencent vraiment ennuis, trahisons et parano.
Tout va très vite et ce qui pourrait n'être qu'un simple polar suivant les flics chargés de mettre la main sur les kidnappeurs des enfants du sous-préfet et de leur nounou vire au thriller sombre en suivant le point de vue d'Hugo confronté à de pauvres types englués dans leur soif de rébellion. le tourbillon noir dans lequel s'enfoncent les protagonistes se nourrit de la plume de l'auteur dans ce qu'elle a de radical, de presque froid. Pas le temps de trop s'émouvoir, ici, le lecteur est davantage plongé dans l'action que dans les méandres psychologiques qui animent les personnages (plus de psycho aurait été apprécié), mais il a cependant droit de temps en temps à quelques pointes d'ironie qui pimentent un ensemble bien écrit, efficace, aux dialogues réalistes et à l'alternance des chapitres flics / voyous intelligemment construite pour les surprises qu'elle réserve aux amoureux des ellipses temporelles. Les 200 pages du roman se dévorent, de coups de théâtre en coups de fusil, et l'on se dit que s'il s'agit là d'un premier roman, il y a fort à parier que les suivants pourraient être eux-aussi de vrais bons polars.