Les certitudes des totalitarismes sont le terreau sur lequel poussent les orphelins.
Les livres sombres sont souvent lumineux.
(p. 29)
Notre absence d'identité est une promesse d'Hitler
Accident de la route, cancer, mauvaise chute. Je veux bien être orpheline à cause de ça. Orpheline comme tout le monde. Orpheline par malchance, par hasard, par maladie. Un malheur se serait abattu sur mes parents et on me plaindrait. Un malheur cohérent. Ça fait du bien, la cohérence. Même dans le malheur. Surtout dans le malheur. Être orpheline de parents vivants, c'est pas cohérent.
L'absence de scolarité est une autre de nos absences. Un manque qui bâillonne. On se sent dépossédé de parole à vie. D'où mon scribe. Et encore, sa parole est muette. Elle passe par sa main. Et sa main par vos yeux. En me lisant, vous me ressuscitez. Vos yeux me donnent vie.
Peu de lignes par page. Déjà un miracle qu’il y ait ces mots sur ces pages que vous tenez entre vos mains. Vous auriez pu tenir du vide. Mon histoire n’a pas de début. Pas de chapitres non plus. J’ai perdu mon enfance. Ma vie, ce vide.
J'ai besoin, avant de mourir, de dire à mes enfants d'où ils viennent, même s'ils viennent de nulle part. Je me dois de leur raconter leur père et leur mère qui sont peut-être frère et sœur. Il paraît que non. Mais je ne crois plus personne. Personne ne m'a jamais crue. (p18)
J'ai longtemps rêvé que l'histoire de ma naissance exhibe ses entrailles. Quelle que soit l'odeur qui en surgisse. La pire des puanteurs, c'est le silence. " Je m'appelle Hildegard Müller. Ceci est mon journal.Je m'appelle Hildegard Müller. En fait, je crois que je ne m'appelle pas.J'ai soixante-seize ans. ..
Ils avaient aussi honte de leurs maternités que de leurs camps de concentration. Ils avaient tout aussi honte d’avoir donné la vie que d’avoir donné la mort. Ils avaient aussi honte d’avoir mis en vie des enfants de race supérieure, que d’avoir mis à mort des enfants de race inférieure. La seule race que les SS aient créée, c’est la race des orphelins.
Nous sommes le futur de l'inhumanité.