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Critique de nathavh


Hildegard Müller, 76 ans. Elle devait être la gloire de l'humanité, elle en est la lie.
Elle nous propose un journal, son journal , mais ce n'est pas elle qui l'a écrit, elle a engagé un scribe, un traducteur à qui elle raconte sa vie pour essayer de comprendre ce qui ne peut l'être. En français en plus c'est très bien car la langue allemande, celle qui donne des ordres, langue torturée par les SS, elle ne peut plus l'entendre.

Pour réveiller sa mémoire et les souvenirs inexistants, le scribe lui lit des livres et des silences surgissent des bribes. Elle veut quitter le silence qui a fait d'elle une figurante de sa vie et témoigner, raconter l'irracontable car il n'existe pas. Elle souhaite pour ses enfants que ce journal soit "le cadeau de sa naissance avant qu'elle meure" pour qu'ils sachent d'où ils viennent.

Mais qui est Hildegard ? Elle préfère qu'on la nomme Sara sans H car certaines lettres évoquent des douleurs, elle est enfant du 3ème Reich.

H comme Hitler, comme Himmler surtout à son origine et celle du Lebensborn Programm, de 34 centres répartis en Europe durant la seconde guerre qui vont créer "la race des orphelins" en ayant la volonté de créer une race parfaite supérieure engendrant la volonté d'exterminer d'une part et de procréer, entendez par là de créer professionnellement.

Des mères de type aryenne, de préférence norvégienne car race pure sans mélange et des SS qui obéissent aux ordres et offrir des enfants au Führer pour une Allemagne de race supérieure !

Notre narratrice est conçue et abandonnée par un fantôme, le TOTALITARISME.

Une horreur, une abomination qui laisse comme racine la douleur de l'ABSENCE. Impossible de retrouver des traces de ses racines, de ses "parents" car toute preuve, tout document ont été détruits à la mort d'Hitler.

Elle est face à un mur, pire face à un DÉNI puisque ces centres semblent n'avoir jamais existé, seule la souffrance existe car appartenant à l'État, elle est et restera toujours du côté des persécuteurs, des SS, c'est tout ce que l'on voit d'elle; le mal, l'horreur, la persécution alors que c'est elle la victime, elle qui est du côté de la souffrance.

Elle est un cadeau empoisonné, officiellement conçue par PERSONNE avec uniquement ses incertitudes quand à son nom, le lieu et la date de sa naissance, l'identité de ses parents.

C'est une victime accusée d'être coupable.

Oscar Lalo nous offre un roman dont la construction est originale, très intéressante. Son écriture est puissante, percutante, avec retenue, pudeur et fermeté. Peu à peu on apprivoise Hildegard et l'empathie très présente nous l'a fait ressentir murmurant sa vie à notre oreille.

Sur chaque page, des textes courts mais extrêmement percutants. Avec une économie de mots l'indicible nous est conté. C'est fort, très fort en émotions, j'en ai pris des claques. La langue est somptueuse, chaque mot choisi à la perfection. L'envie de méditer, de prendre une respiration m'a accompagnée car chaque phrase est travaillée, ciselée et percute, fait mouche en plein coeur, m'a fait chavirer. Ce texte est dur, très dur mais essentiel et la beauté des mots l'emporte.

Oscar Lalo nous livre ici un réel plaidoyer pour réhabiliter Hildegard, la faire exister et surtout mettre en avant la mémoire oubliée, gênante dont la honte peut-être fait qu'elle soit toujours inaccessible, oubliée.

J'avais envie de connaître la vie d'Hildegard, de voir si sa quête de savoir, de vérité allait enfin aboutir et en même temps, j'avais envie de lire lentement pour la garder un peu plus longtemps près
de moi. Une chose est certaine c'est que je ne sors pas indemne de son histoire et qu'elle restera encore très longtemps dans ma mémoire.

Ce récit nous apprend beaucoup sur un sujet dont les livres d'histoire sont trop discrets, en le lisant je pensais à "Kinderzimmer" de Valentine Goby mais aussi au livre de mon compatriote Jean-Louis Aerts qui évoque le Lebensborn de Wégimont dans son roman "Un demi-siècle de mensonges"

J'ai encore envie de vous dire beaucoup de choses sur cette pépite, mais le plus simple est sans doute que vous vous rendiez chez votre libraire indépendant et le découvriez à votre tour.

C'est un immense coup de coeur, c'est LE livre dont j'ai envie de parler à cette rentrée littéraire.
Un véritable chef-d'oeuvre ♥♥♥♥♥

Lien : https://nathavh49.blogspot.c..
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