Il ne savait pas combien de livres il lui restait à vivre.
J’ai un ami coiffeur qui aime vous toucher, vous sentir quand il vous ouvre, sentir votre poids, même si vous pesez encore trop lourd pour lui. Il me dit qu’à défaut de vous comprendre il s’endort avec vous ; comme un chat qui tient chaud. Et parfois, en pleine nuit, il vous reprend. Il fait semblant de vous retrouver comme si vous n’aviez pas peuplé ses rêves, ou plutôt ses cauchemars. Il faut reconnaître qu’il a du mal à vous lire. Ça lui fait mal de vous lire ; il aimerait vous aimer, mais vous vous refusez.
L'ignorance est un luxe quand il s'agit d'écrire. On ne ploie point sous les siècles. On plagie malgré soi. Sans risques. De nos jours, l'immense majorité des lecteurs se complaît dans la même ignorance que l'immense majorité des écrivains.
Comprenez-vous maintenant que le succès de l'épure de Madame Bovary doit tout à l'échec du lyrisme de La tentation première version? L'interminable pensum qu'a constitué l'écriture contenue de sa Bovary résulte de l'assassinat de l'écriture jouissive et organique de La Tentation. Coup fatal porté par son meilleur ami.
Une fois encore, accepte d'aimer sans comprendre pourquoi tu aimes.
Il n'y a pas de contresens en poésie, et la littérature ne vaut qu'en ce qu'elle est poétique.
Ça, c'est un des rôles de la littérature : attirer notre attention sur ces spectacles infimes sans liens apparents avec notre existence, mettre en valeur l'inutile.
Demain, vous exercerez le plus beau métier du monde : celui d'éveiller à la littérature. On apprend en enseignant. Tous les enseignants honnêtes vous l'avoueront. Le peu qu'ils savent, ils l'ont appris car il leur fallait le transmettre. Leurs élèves les prennent pour des savants ; ils ne sont que d'anciens ignorants.
Gustave m'appelle : je dois me montrer à la hauteur. Oser escalader en solitaire cette montagne littéraire revient à remettre en service mes ailes, mazoutés depuis le décès de ma mère. Mon avenir se joue maintenant, à l'aube de la lecture la plus importante de ma vie.
On ne voit bien que dans sa propre boue. C'est en acceptant notre vase telle qu'elle est qu'on cesse enfin de s'agiter, qu'on laisse une chance au vide de s'installer en nous.