Après avoir découvert le personnage de l'inspecteur devenu au fil du temps commissaire Mazère, me voici parti à la découverte d'un autre personnage récurrent de
Maurice Lambert, alias
Géo Duvic, un auteur, chansonnier et journaliste spécialisé dans la pêche, né en 1900.
Cet autre héros lambertien n'est autre que l'inspecteur Machard, qui deviendra également commissaire par la suite.
Les deux personnages (ainsi qu'un autre, A.B.C. Mine) se retrouvent, entre le début et la fin de 1940, dans les mêmes collections (« Police Express » des éditions A.B.C. ; « Collection Rouge » des éditions Janicot, dans des fascicules de 32 pages [double colonne pour la « Collection Rouge »] contenant des récits entre 7500 et 15 000 mots.
«
La mort sous enveloppe » a été publié en 1942 dans la collection « Police Express » et met en scène l'inspecteur Machard.
L'inspecteur Machard arrive à Beauvais pour enquêter sur un vol de 200 000 francs, somme dérobée à un certain M. Leroy.
Mais, devant le domicile de la victime, c'est la cohue. Des badauds, la police, le parquet, tout le monde est là ! Tout ce déploiement pour un simple vol ? Non ! Car, entre temps, M. Leroy a été retrouvé mort, probablement empoisonné.
L'inspecteur Marchard va donc devoir enquêter sur un meurtre et ne tarde pas à trouver des preuves de cet empoisonnement…
Autant le dire tout de suite, dans cette enquête, les différences entre l'inspecteur Mazère et l'inspecteur Machard ne sautent pas aux yeux.
Même genre de héros, même genre d'enquêtes, même ambiance, même style d'écriture… on pourrait avoir tendance de dire « Cela ne valait pas le coup de faire deux personnages rien que pour cela ! ».
Peut-être bien. Pourtant, je serais tenté de répondre : « Mieux vaut deux bons personnages similaires qu'un seul mauvais ! ».
En fait, difficile de dire si le personnage est bon tant il marche dans les pas de ses prédécesseurs de la littérature fasciculaire de l'époque [commissaire Benoit, commissaire Lenormand, commissaire Jules Troufflard, commissaire
Odilon Quentin…] et s'appuie sur l'image imposée aux lecteurs par des héros similaires plus populaires comme le commissaire Jules Maigret.
Mais, dans cette littérature fasciculaire, on sait que l'on ne va pas rencontrer des personnages fouillés, des intrigues exaltantes. La concision du format implique une esquisse des personnages et des intrigues simples.
Pourtant, dans cette littérature contraignante comme dans toutes les littératures, il y a des écrivains qui parviennent à exceller quand d'autres se contentent du minimum syndical et certains autres sombrent dans la médiocrité.
Ici, on peut dire sans se tromper que
Maurice Lambert maîtrise parfaitement le format et, mieux, le traite comme un condensé de roman. Ainsi, il n'hésite pas à multiplier les personnages, tout en les traitant en superficie, à proposer une intrigue complète sans qu'elle soit trop complexe, à multiplier les suspects, les pistes, les fausses pistes…
Il n'y a que dans la résolution de l'énigme que l'auteur, comme beaucoup de ses confrères, use de son seul artifice propre à la littérature fasciculaire policière : la solution après coup via le héros racontant comment il a tout découvert ou à travers une confession orale ou écrite du coupable ou d'un témoin clef [même si on retrouve ce procédé dans certains romans, notamment dans les « Whodunit »].
Aussi, à la lecture d'une enquête de l'un ou l'autre des héros lambertien, le lecteur l'impression d'avoir lu un vrai roman, mais en plus concentré, en plus rapidement dévoré, mais sans ressentir de manque, car tous les ingrédients sont savamment dosés pour correspondre au format.
C'est une nouvelle fois le cas ici. La lecture de cette enquête est plaisante, l'intrigue, simple, certes, n'est pas dénuée d'intérêt [pour un récit fasciculaire], les fausses pistes sont présentes, et le style est très agréable.
On notera juste une ambiance qui se rapproche de l'univers Simenonien, contrairement aux enquêtes de Mazère que j'ai lu présentement, avec ce temps morne, pluvieux, boueux, que l'on retrouve souvent dans les enquêtes de Jules Maigret, surtout quand il se retrouve sur la côte bretonne.
Au final,
Maurice Lambert démontre encore une fois qu'il navigue dans l'excellence dans ce format fasciculaire qu'il maîtrise à merveille.