Margot, 17 ans, commence une thérapie chez le docteur Achille Donnelheur, psychiatre. Elle souffre depuis quelques mois de divers symptômes rendant sa vie quotidienne très compliquée. Aucun médecin, généraliste ou spécialiste, n'a réussi à la guérir. le docteur Donnelheur est la dernière chance de Margot.
Margot passera quarante-cinq minutes une fois par semaine, et ce, durant plusieurs années, dans une atmosphère ouatée, un cadre sécurisant et agréable, à se questionner malgré tout quant à l'efficacité de la démarche.
"Reste que dans le cadre de nos rendez-vous hebdomadaires, à partir du moment où je m'assois en face de lui et jusqu'à la fin des quarante-cinq minutes, je dois (et c'est la règle absolue du dispositif) dire tout ce qui me vient à l'esprit sans rien censurer."
Peu à peu, la confiance s'instaure. Margot avouera l'inceste dont elle a été victime à l'âge de 14 ans. Achille est un disciple de
Freud, il reprend ses méthodes, son organisation. Son cabinet donne l'impression de faire un bond dans le temps et de se retrouver chez
Freud. Achille lui-même, avec sa pipe et sa prestance, se confond avec le célèbre psychanalyste.
La rédaction, en plaçant Margot comme narratrice, permet au lecteur de découvrir la relation patient-thérapeute selon l'angle du patient. On assiste à la naissance du lien un peu mystérieux se créant au fil des séances. Car Margot, entre son passif avec l'inceste et le sujet plus que tabou au sein du cercle familial, va totalement idéaliser Achille, lui pardonnant ses retards incessants et son langage déviant. Comment guérir quelqu'un sans le rendre dépendant de ses soins ? Bon, ben, avec Margot, c'est raté, c'est le moins que l'on puisse dire ! La jeune femme a besoin de son thérapeute, c'est un fait.
Dix-sept ans de thérapie, durant lesquels Margot va devenir de plus en plus dépendante d'Achille, sous son emprise. Au départ, il a été d'une grande aide pour elle, la libérant de son fardeau grâce à la parole. Margot réussi même à confronter sa famille. En revanche, et de manière tout à fait insidieuse, celui qu'elle considère comme son sauveur va se transformer en despote malfaisant. J'ai beaucoup aimé les différentes étapes par lesquelles passe Margot, ainsi que les conséquences de cet inceste sur son comportement et sa vie. D'ailleurs, en y réfléchissant mieux, l'attitude d'Achille m'a posé question : n'a-t-il pas été victime d'inceste, lui aussi ? le lecteur est totalement immergé et actif dans sa lecture. Il ne fait pas que lire.
Pourtant, malgré le passé dramatique de Margot, je n'ai pas réussi à être empathique vis-à-vis d'elle. Peut-être parce que tout tourne autour de son mal-être et de sa relation avec son psy. Quant à Achille, que j'ai pu le détester !! Il est tellement condescendant ! Les personnages secondaires m'ont horripilée également. le comportement déviant de toute la famille de Margot m'a scandalisée. Il est rare d'apprécier un roman pour lequel on ressent autant de distance envers tous les personnages. Et pourtant...
La plume de Chloé est pertinente, riche, convaincante. Elle arrive à parler de ce sujet délicat avec beaucoup de douceur. Les mots sont tranchants, les rapports entre Margot et Achille sont scrutés, disséqués. L'auteure nous propose un huis-clos oppressant se déroulant quasiment exclusivement dans le cabinet du psy, où tout va déraper.
La superbe couverture est très en accord avec le contenu.
Un roman surprenant à bien des égards, à découvrir.
Je remercie NetGalley et les Éditions du Rocher pour cette lecture.
"Je m'étais donc trompée sur l'amour, sur les liens entre les enfants et les adultes. A nouveau, je n'ai plus de mots. Alors que lui, le chevalier Donnelheur que je m'imaginais vêtu de rouge, n'a plus de mots assez forts pour dézinguer mon entourage. Il dénonce l'immaturité de certains, les obsessions infantiles des autres, les jalousies des femmes et la folie de mon grand-père Alfred."
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