Que faire quand on est le petit dernier d'une tapée d'enfants, homosexuel et fils de Josée, une maîtresse femme psychorigide et confinée dans la terreur du qu'en dira-t-on? Que dire quand on est un des dramaturges flamands les plus connus et que votre mère, bouchère de son état, devient à plus de soixante ans, la star des théâtres locaux? Que dire, qu'écrire enfin quand votre mère, frappée par une attaque, perd la parole et la tête, et se met à baragouiner une langue infernale?
D'abord,
Tom Lanoye est désorienté, il tourne autour du pot (belge) et le récit sitôt commencé s'enlise dans les circonlocutions et détours. Démarrage un peu lent, hasardeux, limite décourageant...
Puis lui aussi il attaque:après la mort de sa mère et celle de son père, un tendre et doux boucher, amoureux transi de sa Josée jusqu'aux dernières heures, il écrit enfin sans plus aucune pression parentale et avec ce mélange de truculence et de tendresse qui est sa marque, le livre d'une mère qui est à la fois un monument d'égocentrisme et de manipulation, mais aussi une personnalité d'une vitalité folle , puissamment originale et libre.
Moins provocateur et caustique que
Troisièmes noces, plus authentiquement sincère -agacé, exaspéré, attendri, admiratif, Lanoye joue toute la gamme-
La Langue de ma mère est un livre attachant.
J'ai regretté pour ma part que le style flamboyant de Lanoye ne se soit pas frotté davantage à la " langue infernale" de Josée après son attaque: il l'évoque "een beetje" ( un peu, la seule expression qui demeure identifiable dans le sabir de Josée, et qu'elle utilise à l'envi), il la décrit, mais reste à distance comme si, même sur le papier, elle continuait de lui faire peur...