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Critique de candlemas


Sébastien Lapaque ne manque pas d'humour, en intitulant son livre comme s'il s'agissait d'un feel-good de plus. En réalité, et c'est ce qui m'a plu chez cet auteur, Sébastien Lapaque est un penseur acerbe et désenchanté redoutable sur notre monde d'aujourd'hui. Dès les premières pages, le lecteur découvre l' "immonde", ou en prend conscience. Ayant vécu moi-même une période difficile au moment où je lisais le livre, je me suis trouvé en phase avec cette charge sans concession contre les travers de notre société. En outre, Sébastien Lapaque use d'une plume élégante, recherchée, bien loin du feel-good indigeste, dans un roman structuré, implacable dans l'évolution que l'auteur nous invite à suivre : le héros, dégoûté par cet immonde qui le cerne, se cherche, tourne en rond, perd le goût des choses, avant d'enfin trouver sa voie dans son cercle d'amis et dans la religion.
Pour autant, je n'ai pas aimé ce livre, et je n'ai pas du tout été convaincu par la démarche militante de son auteur. Peut-être pour les mêmes raisons que je n'ai pas aimé Céline et passablement Mauriac, avec lesquels S. Lapaque me semble avoir quelques affinités.
Son héros vieille France décalé, professeur drapé dans son intellectualisme fuyant, qui escamote ses histoires d'amour et se laisse conduire par les théories conservatrices et religieuses traditionalistes de ses collègues devenus amis m'a fait froid dans le dos. En effet ce qu'il nomme amitié se résume à une sorte d'admiration béate, qui lui permet de se reconstruire égoîstement face au vide béant de sa vie passée. Mais l'ouverture aux autres, la réelle compassion pour l'humain en général, l'énergie personnelle et la force de vie intérieure brute, non intellectualisée, jamais n'affleure. Quant au sens religieux et au support de la foi, il apparaît tout à coup par défaut, inexpliqué, plaqué, comme le mystère de Domremy, ou comme l'évidence qui n'a pas à se justifier subie parfois par les catéchumènes.
Bref, après un début de lecture assez prometteur, car on ne peut enlever à l'auteur ni son intelligence, ni son style, ni son sens critique affuté, je me suis ensuite vu contraint à une lecture à sens unique, dans la construction implacable et sans surprise du récit, comme dans le dogmatique fermé de la transformation intellectuelle du héros, qui d'ailleurs en fin de roman ne semble rien changer concrètement à son quotidien désenchanté du début.
En conclusion, merci S. Lapaque, pour cette si belle citation, qui nous rapproche : "Ce qui manque dans notre monde, c'est la nécessité de l'amitié telle qu'on la découvre chez Rabelais, Shakespeare, Montaigne ". Mais malheureusement "Ce monde est tellement beau" n'éveille nullement en moi ce sentiment d'amitié si bellement évoqué par Montaigne : « Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiez, ce ne sont qu'accoinctances et familiaritez nouees par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s'entretiennent. En l'amitié dequoy je parle, elles se meslent et confondent l'une en l'autre, d'un meslange si universel, qu'elles effacent, et ne retrouvent plus la cousture qui les a joinctes. Si on me presse de dire pourquoy je l'aymoys, je sens que cela ne se peut exprimer, qu'en respondant : Par ce que c'estoit luy, par ce que c'estoit moy. »
Nous sommes donc passés à côté l'un de l'autre, soit que vous vous soyez fourvoyé sur le sens de l'amitié par excès d'intellectualisme et la volonté d'écrire un roman à thèse, soit que le contexte personnel difficile que j'ai vécu en lisant votre roman m'ait rendu aveugle à cette si belle émotion que je n'ai absolumet pas trouvée en vous lisant.
Quoiqu'il en soit, je remercie Babelio pour cette nouvelle opération Masse Critique, et pour cette rencontre avec Sébastien Lapaque -agréable ou pas, une rencontre par le livre est toujours un enrichissement-, ainsi que les Editions Acte Sud, pour leur confiance et leur patience vis à vis de cette modeste critique. le livre est visuellement très beau, agréable à lire, et j'ai beaucoup apprécié le petit mot personnel , très classe, joint à l'envoi du livre par cette dynamique maison d'édition.

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