AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,27

sur 49 notes
5
2 avis
4
5 avis
3
4 avis
2
3 avis
1
0 avis
Sébastien Lapaque, en décrivant en trois étapes (enfer, purgatoire, paradis) la conversion de Lazare, quadragénaire et professeur d'histoire géographie, offre au lecteur un jubilatoire message d'espérance et son credo « Je sus alors que Dieu ne fait le don de la foi qu'à celui qui espère et que pour espérer il fallait retrouver un coeur d'enfant » (p. 220) … fait écho à Charles Péguy : « L'espérance, cette petite fille de rien du tout… ».

Lazare, né à Chartres dans une famille cultivant la mystique révolutionnaire, a été prénommé ainsi en hommage au Général Lazare Hoche et son frère ainé François en mémoire du Général François Marceau. Professeur d'histoire géographie dans un lycée parisien, ce quadragénaire est « largué » par Béatrice qui partageait sa vie depuis plus de dix ans. Cette rupture s'explique partiellement par la stérilité du couple et essentiellement par l'écart social avec la famille Bonacieux, incarnée par un père énarque, préfet honoraire, et la jalousie d'Anne-Marie, soeur ainée de Béatrice qui se fait un malin plaisir à prononcer le réquisitoire de l'ex.

Notre héros se tourne d'abord vers son mentor Walter Kildéa et ses collègues Sophie Fournier et Saint-Roy qui l'aident à ouvrir les yeux et à radiographier notre monde envahi par des publicités avilissantes et perverti par des médias terrorisant du matin au soir leurs auditeurs ou lecteurs afin d'en faire des moutons de Panurge obsédés de consommation. Il se remémore les rendez vous avec Brigitte Skidmore s'affichant « sexologue » ou expert « Psychopraticien relationnel, thérapie en couple ou individuelle » et rencontre Denis, coach prestataire en bonheur facturé. Ce qui dicte des pages acides inspirées de Bernanos, Léon Bloy ou Houellebecq, mais Sébastien Lapaque n'est pas un prophète du déclinisme et la promesse succède à l'immonde.

Lucie Serlon, voisine de Lazare, le sensibilise à la disparition des moineaux et oriente sa tête vers les nuages. Walter Kildéa l'incite à se ressourcer dans le Finistère chez son frère Xavier au coeur des forets bretonnes. Il y rencontre Naguib et des ouvriers qui ont quitté tôt l'école, ont exercé de vrais métiers, travaillent la terre, lisent la météo dans le ciel et le cycle lunaire, jouent au rugby et lui apprennent « à mettre la tête, rentrer au casque ». Cette cure de désintoxication, loin des abstractions, ouvre son coeur à l'amitié et son esprit à la beauté. Les ballades avec frère Odon, religieux dans une abbaye voisine, les échanges avec Denis qui retrouve sa foi ancestrale et l'introduit au « salut par les juifs », les dialogues avec son père octagénaire et apôtre de l'immortalité, l'Othello de Shakespeare et l'exemple de sa nièce Audrey, épouse de Jakub catholique polonais, interpellent notre héros qui se guérit progressivement du départ de Béatrice.

La mort accidentelle de Saint-Roy, puis de son père, l'obligent à s'interroger sur la vie, sur la mort, sur sa vocation et progressivement la petite fille espérance et sa soeur charité l'amènent à la foi. Lazare réalise que son prénom est la « forme grecque du prénom hébreu Eléazar, qui signifie : Dieu vient au secours » (p. 297) et, à l'instar de Péguy, « demain matin, je me mets en route dès l'aube. J'irai à Chartres à pied ».

« Ce monde est tellement beau » offre une amicale rencontre avec de belles personnes ; c'est un ouvrage à infuser lentement pour s'en pénétrer et en capter la substantifique moelle.
Commenter  J’apprécie          661
Sébastien Lapaque ne manque pas d'humour, en intitulant son livre comme s'il s'agissait d'un feel-good de plus. En réalité, et c'est ce qui m'a plu chez cet auteur, Sébastien Lapaque est un penseur acerbe et désenchanté redoutable sur notre monde d'aujourd'hui. Dès les premières pages, le lecteur découvre l' "immonde", ou en prend conscience. Ayant vécu moi-même une période difficile au moment où je lisais le livre, je me suis trouvé en phase avec cette charge sans concession contre les travers de notre société. En outre, Sébastien Lapaque use d'une plume élégante, recherchée, bien loin du feel-good indigeste, dans un roman structuré, implacable dans l'évolution que l'auteur nous invite à suivre : le héros, dégoûté par cet immonde qui le cerne, se cherche, tourne en rond, perd le goût des choses, avant d'enfin trouver sa voie dans son cercle d'amis et dans la religion.
Pour autant, je n'ai pas aimé ce livre, et je n'ai pas du tout été convaincu par la démarche militante de son auteur. Peut-être pour les mêmes raisons que je n'ai pas aimé Céline et passablement Mauriac, avec lesquels S. Lapaque me semble avoir quelques affinités.
Son héros vieille France décalé, professeur drapé dans son intellectualisme fuyant, qui escamote ses histoires d'amour et se laisse conduire par les théories conservatrices et religieuses traditionalistes de ses collègues devenus amis m'a fait froid dans le dos. En effet ce qu'il nomme amitié se résume à une sorte d'admiration béate, qui lui permet de se reconstruire égoîstement face au vide béant de sa vie passée. Mais l'ouverture aux autres, la réelle compassion pour l'humain en général, l'énergie personnelle et la force de vie intérieure brute, non intellectualisée, jamais n'affleure. Quant au sens religieux et au support de la foi, il apparaît tout à coup par défaut, inexpliqué, plaqué, comme le mystère de Domremy, ou comme l'évidence qui n'a pas à se justifier subie parfois par les catéchumènes.
Bref, après un début de lecture assez prometteur, car on ne peut enlever à l'auteur ni son intelligence, ni son style, ni son sens critique affuté, je me suis ensuite vu contraint à une lecture à sens unique, dans la construction implacable et sans surprise du récit, comme dans le dogmatique fermé de la transformation intellectuelle du héros, qui d'ailleurs en fin de roman ne semble rien changer concrètement à son quotidien désenchanté du début.
En conclusion, merci S. Lapaque, pour cette si belle citation, qui nous rapproche : "Ce qui manque dans notre monde, c'est la nécessité de l'amitié telle qu'on la découvre chez Rabelais, Shakespeare, Montaigne ". Mais malheureusement "Ce monde est tellement beau" n'éveille nullement en moi ce sentiment d'amitié si bellement évoqué par Montaigne : « Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiez, ce ne sont qu'accoinctances et familiaritez nouees par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s'entretiennent. En l'amitié dequoy je parle, elles se meslent et confondent l'une en l'autre, d'un meslange si universel, qu'elles effacent, et ne retrouvent plus la cousture qui les a joinctes. Si on me presse de dire pourquoy je l'aymoys, je sens que cela ne se peut exprimer, qu'en respondant : Par ce que c'estoit luy, par ce que c'estoit moy. »
Nous sommes donc passés à côté l'un de l'autre, soit que vous vous soyez fourvoyé sur le sens de l'amitié par excès d'intellectualisme et la volonté d'écrire un roman à thèse, soit que le contexte personnel difficile que j'ai vécu en lisant votre roman m'ait rendu aveugle à cette si belle émotion que je n'ai absolumet pas trouvée en vous lisant.
Quoiqu'il en soit, je remercie Babelio pour cette nouvelle opération Masse Critique, et pour cette rencontre avec Sébastien Lapaque -agréable ou pas, une rencontre par le livre est toujours un enrichissement-, ainsi que les Editions Acte Sud, pour leur confiance et leur patience vis à vis de cette modeste critique. le livre est visuellement très beau, agréable à lire, et j'ai beaucoup apprécié le petit mot personnel , très classe, joint à l'envoi du livre par cette dynamique maison d'édition.

Commenter  J’apprécie          521
Combattre toujours la laideur de l'Immonde

Sébastien Lapaque a trouvé auprès des amis et d'une voisine qui s'intéresse aux moineaux la recette pour regarder le monde différemment. Alors même que son couple part à vau-l'eau, il va trouver des raisons de s'enthousiasmer.

La vie de Lazare va basculer un jour de février. Béatrice, avec laquelle il partage sa vie depuis une quinzaine d'années, est partie quelques jours chez ses parents à La Rochelle. Seul, il regarde sa vie et le monde et comprend combien les valeurs sont faussées, combien nous vivons dans un Immonde. «Un monde qui n'en est plus un, un monde dont le visage est une absence de visage.»
En revenant de «ses emplettes» avec des oeufs et des herbes pour préparer une belle omelette, il va croiser sa voisine et lui proposer de partager son repas. Mais Lucie va décliner l'invitation. Comme il va le raconter à son ami et confident Walter, ce n'est que le lendemain qu'ils feront plus ample connaissance. Qu'elle le suivra chez lui et s'endormira sur son canapé, non sans lui avoir révélé sa passion pour les moineaux, une espèce animale qui meurt en silence.
À la suite de ce premier échange, il va tomber dans «l'obsession amoureuse», même si ses camarades de poker, spécialistes des libellules ukrainiennes et des présentatrices de télévision lui ont bien expliqué combien ka chose était risquée.
À la question de Béatrice – Et maintenant? – il ne voit guère qu'une réponse, la séparation. Même s'il ne veut pas en prendre l'initiative. Car les années de vie commune semblent avoir figé une relation que ni la conseillère conjugale, ni l'acupuncture, ni même la procréation médicalement assistée n'ont pu empêcher de sombrer. Il faut dire que le travail de sape des beaux-parents aura été constant et payant.
Désormais, son nouvel horizon s'appelle Lucie. Converser avec elle lui permet de découvrir un autre monde, mais aussi de développer sa théorie de l'Immonde. «En rompant tout lien avec la réalité, l'univers sans regard qui s'était substitué à celui de la nature imposait aux individus de vivre sous le régime de la meute. Créé par l'artifice du commerce et du capitalisme, il se définissait par la rencontre de la technique, du collectif et de l'abstrait. Cette doublure qui enserrait la réalité pour la rendre inaccessible, c'était l'Immonde.»
Sébastien Lapaque passe alors ses journées au crible de sa théorie. du football aux crises politiques, de l'éducation à la religion en passant par les questions environnementales, sans oublier l'amour, il nous propose une vision du monde différente. Ce monde est aussi tellement beau avec la musique de Bach, avec une partie de rugby épique, avec un livre de Shakespeare, un verre de romanée-conti et de nouveaux amis et même avec une promenade entre les tombes du cimetière Montparnasse avec Lucie. Cette femme qui a entraîné Lazare dans une lumière qu'il ne connaissait pas et qui, avec des accents à la Bernanos, a le pouvoir d'entrainer le lecteur vers la beauté.
«Othello, les oiseaux, son ton, son rire frais comme un ruisseau de printemps, son refus des assignations à résidence, son âme blottie en elle comme un petit enfant contre le sein de sa mère. J'ignorais ce qu'elle attendait de la vie, mais je savais ce qu'elle avait fait de moi.»


Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          440
J'ai lu une longue interview de Sébastien Lapaque dans une revue littéraire
C'est un écrivain érudit. Pour ce livre, ses références sont La Divine Comédie et L'Odyssée d'Homère
Il a mis six ans à l'écrire
L'histoire est celle d'un homme ordinaire ,Lazare,qui subit une vie sans aspérités.Une vie triste dans un environnement morne et désabusé
Une vie que beaucoup de nos contemporains subissent au quotidien sans grand espoir de changement.
Au bout du compte , un vie pour pas grand chose
La force du livre , sa richesse, c'est la transformation progressive de ce quidam qui va petit à petit s'élever vers la beauté du monde , à travers une vision différente de l'environnement et aussi à travers un cheminement spirituel vers la joie
Mon roman est du côté de la joie du bleu de Chartres écrit Lapaque
A l'inverse du récit de Dante , Lazare, va s'élever progressivement pour trouver la lumière : beauté et spiritualité
Ce qui surprend , c'est que , dans ce monde sombre et finissant, Lazare ne va voir que la beauté, ce qui explique le titre magnifique
Il n'y a pas de mauvais personnages .Au contraire, il révèle la part d'humanité chez tout être humain
C'est un livre très abouti, travaillé avec beaucoup de références culturelles , un vrai travail d'écrivain
Il évite bien des clichés.Lazare n'est jamais seul, par exemple
A titre personnel, je ne me suis pas senti en phase avec le personnage de Lazare car je n'ai pas du tout le même ressenti terne et pessimiste du monde actuel et j'ai l'impression de trouver un peu de beauté chaque jour
Dans un monde qui se voudrait grisaille ,malheur ou apocalypse,Sébastien Lapaque apporte une vision lumineuse du monde qui fait du bien

Commenter  J’apprécie          391
Le seul livre que j'ai coché lors de la dernière opération Masse Critique de Babelio.
Arrivée en fin de journée, il était encore dans la liste, et le titre m'a plu. Et c'est tout. (Oui, depuis quelques temps, j'ai une certaine attirance pour les surprises, que jusqu'à il y a peu je détestais... muarf !).
Bref, merci à Babelio et aux éditions Acte Sud !

Bon, ce livre tombe pas mal dans mes "préoccupations du moment", pour tout dire... Je suis en plein cheminement et il me rejoint sur ce plan.
Mais en fait, cela ne va pas beaucoup plus loin. Je suis assez mitigée au final.

Le fond, le sujet du roman me plait, forcément. Mais très franchement, j'ai eu du mal avec le style, et les choix narratifs de l'auteur. Cela ne regarde que moi, bien sûr, mais je vais m'expliquer.
En fait de poésie, seuls quelques tous petits passages sont réellement "inspirés" à mon sens (notamment les deux premières pages, magnifiques). Quasiment tout le reste est beaucoup, mais alors BEAUCOUP trop intellectualisé à mon goût.
Il y a trop de passages didactiques qui se veulent "instructifs", le ton est tellement professoral que ça en devient indigeste. Sur la musique, sur les oiseaux, le jardinage, et je sais plus, mais il y en a trop...

Après l'envolée lyrique des premières pages, on redescend sur terre. Et quelle redescente. Lazare a une révélation. Nous ne vivons dans le monde, mais dans l'Immonde (c'est plutôt bien trouvé, ça). Mais que c'est long !
De mon côté, j'ai dépassé ce stade du constat sur "l'Immonde", et il est trop long, trop répétitif, à mon goût. Jusqu'à la page 184, je me suis ennuyée.
Ensuite, à partir de la "conversion" de Denis, mon intérêt s'est trouvé réveillé.

Mais ma progression dans le livre a quand même été compliquée. On comprend bien que Lazare a besoin des autres pour se trouver. Mais tout se situe au niveau de la pensée, et du mental, dans ce bouquin. Même si par moments fugaces ça parle de ressentis.
Ces autres qui entrent dans sa vie sont tous de magnifiques "parleurs". Ah ça oui c'est bien dit. Il n'y en a pas un qui soit quelqu'un de simple au sens "pas forcément intelligent". Même les taiseux, quand ils parlent, sont d'une intelligence et d'une précision surnaturelle.
Même le rapport à la nature, avec Xavier, devient un exercice de style sur le pourquoi du comment de cette relation à la nature. On dirait que pour l'auteur, avoir un cheminement spirituel est infaisable si on n'est pas un dictionnaire ambulant. Connaître tous les noms des oiseaux et leurs chants, connaître la musique classique et les compositeurs, connaitre les noms de plantes, des arbres, des animaux.
La seule chose qu'il admette ne pas connaître, c'est la bible.

Mais, le souci, c'est que tout ce dont il parle n'a rien à voir avec ça !!! J'irais même jusqu'à dire qu'on s'en fout royalement ! le cheminement spirituel n'a rien à voir avec la connaissance intellectuelle et mentale. Cela peut servir mais est non nécessaire.

Et quand il admet ne pas connaître la bible, c'est pour mieux faire passer son prosélytisme. Car on ne peut nier que ce livre fait du prosélytisme pour "la tradition", le culte traditionnel catholique, essentiellement.
Du coup, je comprends ceux qui le trouvent "trop catho", c'est en effet l'impression qu'il donne, dire le contraire est une aberration. Et j'en suis désolée, mais RARES sont les prêtres qui donnent au culte la profondeur que Lazare trouve dans la messe et la communion A CHAQUE FOIS qu'il fout les pieds dans une église. ça, c'est du pipeau, car rares sont les prêtres qui ont réellement vécu un véritable parcours et cheminement spirituel, leur vécu reste au niveau des études théologiques et de l'intellect, pour une grande majorité d'entre eux. Il y a loin de la croyance à la foi, et peu ont la foi...

Enfin, j'ai un problème avec la progression du héros. Car tout cela est extrêmement rapide, et linéaire, en plus. Il a une révélation de l'Immonde, il a plusieurs maîtres successifs, et paf, c'est l'illumination, il voit tout en rose. Ben désolée, mais c'est pas aussi facile...

En conclusion, ce qui m'aura le plus manqué dans ce livre, c'est l'émotion. C'est trop mental, trop clinique, tout ça. J'ai pas vraiment ressenti d'émotions, je ne suis pas arrivée à me mettre à la place du héros. Qui parmi nous est aussi bien entouré, a autant d'amis éveillés ? Vous ? Ben vous avez de la chance, moi j'en ai...
Un. Ce qui est déjà pas mal, je vous l'accorde !

3, en tout, si je compte mes deux amies proches qui acceptent d'écouter mes délires avec indulgence, lol.

Bref, c'est carrément surréaliste, un parcours aussi brodé de facilité, en ce bas monde. le mien en tous les cas ne l'est pas, facile. Et justement, le trop intello, ça me gonfle.
En quelques mots, je préfère quelqu'un qui va me parler de son ressenti et de son émotion face à un ciel étoilé ou une belle musique, plutôt que quelqu'un qui va me citer par coeur les étoiles et les constellations ou savoir le nom du morceau et son auteur... J'ai pas besoin de ça... L'intelligence "du savoir" extérieur ne m'impressionne pas, il suffit d'une bonne mémoire et d'un minimum de capacité réflexive pour "savoir". L'intelligence du coeur, elle, me bouleverse davantage.
Et ça fait toute la différence entre l'auteur de ce livre, et moi... Je pense même que c'est le message qu'il voulait faire passer, mais qu'en ce qui me concerne, il n'est pas passé, parce qu'il a trop voulu étaler une culture inutile pour ce propos...

Commenter  J’apprécie          251
Pour nous, lecteurs prisonniers du bagne matérialiste, privés d'espérance, de passé et d'avenir, la lecture de ce roman de Sébastien Lapaque risque d'être difficile, à cause des malentendus et des contresens que nous risquons de commettre. C'est le récit à la première personne d'une libération intellectuelle et spirituelle du héros, qui passe par les trois temps théologiques, l'enfer d'avant la Loi émancipatrice (de Moïse), dans le monde Immonde, le temps de la Loi incarné par un personnage juif qui revient à ses sources, et le temps de la grâce, le temps chrétien, l'enracinement des hommes au ciel et sur terre. Structuré comme La Divine Comédie, le roman nous conduit vers une sorte de fin heureuse.

On risque donc de se tromper en lisant ce livre. Déjà, le titre laisse attendre une espèce de "roman doudou", de livre coach, et les fautes de langue et de style qu'on y trouve montrent que le romancier ne s'est pas entièrement dégagé de la langue de notre époque, celle de "l'Immonde". Heureusement pour eux, les habitués de cette sous-littérature ne poursuivront pas la lecture, et trouveront le roman "trop catho" ("trop catho" est le commentaire d'un Babeliote sur les Pensées de Pascal).

Un autre piège, inverse, attend le lecteur sensible aux auteurs antimodernes, aux dénonciateurs du règne de l'argent, de la machine et des bons sentiments. Souvent, avec les écrivains qu'il affectionne, ce lecteur prend tout son plaisir littéraire aux outrages faits au monde tel qu'il est, l'Immonde du roman. Cette attitude de constante révolte, de constant dégoût, nourrie aux essais de Philippe Muray et incarnée aujourd'hui par Michel Houellebecq, Patrice Jean, Bruno Lafourcade, nous place dans une relation de haine envers le monde, aussi stérile que le conformisme idiot des progressistes. Lazare, le héros de Sébastien Lapaque, découvrant que notre monde est proprement l'Immonde, ne reste pas prisonnier de cette révélation, il ne se plaît pas à le haïr ni à l'accabler d'imprécations. Il va au-delà, entraîné par la grâce divine vers une seconde révélation, celle de la beauté du monde créé par Dieu, préservé et cultivé par certains hommes, non encore assassiné par les manieurs d'argent, le tourisme et les forces de progrès. Ce personnage semble toutefois se convertir au christianisme, à la vie, à la fraternité et à l'ordre chrétiens, plus qu'au Christ lui-même, peu présent, un peu évanescent dans le livre.

C'est là que le bât blesse. On sait bien que l'Enfer de Dante est un poème plus intéressant que son Paradis. Il faut un génie poétique et littéraire hors pair pour rendre la Grâce, la beauté et le bonheur attirants en littérature, surtout quand on s'adresse à des lecteurs privés d'espérance, sceptiques et cyniques. Il n'est pas certain que le talent de Sébastien Lapaque suffise. Son roman contient de belles intuitions et de belles pages, des scènes lumineuses de Paris, de la Bretagne, de la forêt et de la ville pleines d'oiseaux, mais souffre aussi de lourds défauts : le récit à la première personne empêche tout jeu et toute distance critiques du narrateur et du personnage ; de longs passages à thèse maladroitement insérés dans le récit, développent les idées de l'auteur ; les scories linguistiques et stylistiques de la langue immonde encombrent sa prose ; enfin il n'est pas suffisamment armé contre les clichés de l'Immonde, ses abstractions moderneuses, ses "paysages absolus" et autres niaiseries. Sébastien Lapaque rappelle le second Huysmans, celui des romans de la conversion : devenu catholique, ayant l'ambition de participer au renouveau de l'art chrétien, il est resté marqué par les tares littéraires et idéologiques de son ancien maître Zola. Il n'a pas converti sa langue et son art, et cela se voit. Sébastien Lapaque est encore trop peu inactuel.

Malgré toutes ces réserves, "Ce monde est tellement beau" est un beau livre, imparfait, maladroit mais intéressant : un essai d'art chrétien. On lira avec beaucoup de profit l'interview que Sébastien Lapaque a accordée à Jacques de Guillebon et Jérôme Besnard, du magazine L'Incorrect de janvier 2021. Sans la recommandation de ce journal, je n'aurais jamais ouvert ce livre au titre alarmant.
Commenter  J’apprécie          201
J'ai accompagné Lazare gaiement jusqu'aux trois quarts d'un livre singulier, pétri d'une langue désuète, vieille France, truffée d'énumérations, égrenées comme une litanie.
Ce monde tellement beau, le professeur d'histoire le cherche au lendemain d'une rupture amoureuse, période d'entrée en résistance contre une société fort peu spirituelle, baptisée L'Immonde. Lazare doute, cherche, écoute, parle peu, sinon embarqué dans des tirades socio-religieuses.
Donc, sa compagnie me plaît, puis je perds mon copain d'infortune (très érudit), lorsqu' à la campagne, il découvre l'écologie en temps réel et décide de ne plus jamais être indifférent. L'écriture vire à la répétition; le style vieillot perd son charme, on a envie que cela bouge.
Certes, le mouvement est intérieur, trop peu visible néanmoins pour le lecteur lassé d'attendre que Lazare passe de l'observation passive à l'engagement actif, qu'il cesse de penser pour dire ce qu'il veut, ce qu'il veut vivre.
Commenter  J’apprécie          97
mon opinion sur ce livre a beaucoup varié; j'avais d'abord (mauvaise idée) publié une critique très favorable avant de l'avoir terminé. Aprés achèvement de ma lecture, mon opinion s'était modifiée en fonction de mes covictions de l'époque, et qu(y avais substitué une commentaire relativement féroce; ensuite ma sensibilité religieuse a évolué (ce la arrive quand on est en recherche) et j'ai réévalué le livre; d'où cette nouvelle critique qui remplace les précédentes. Peut-être devrais je relire? Gare à la quatrième critique!
Le livre est la récit des deux épiphanies successives que vit le narrateur.
La première est la révélation de ce qu'il appelle l'Immonde, et qu'il connaissait, bien sûr, déjà sans l'avoir nommé, puisque c'est le monde où nous vivons, notre Brave New World libéral et mondialisé, matérialiste, désacralisé, où il ne s'était jamais senti l'aise
. Je me rallie pleinement à ce qu'il en dit beaucoup mieux que je ne saurais le faire, et à quoi je n'ai ni à ajouter ni à retrancher.
C'est cette partie du livre que je préfère.
Cela le conduit au désespoir.
La deuxième épiphanie, c'est son Chemin de Damas personnel, la rencontre de Dieu, du Dieu de la Bible, solution et principe universel. C'est un privilège dont j'aimerais bien bénéficier.
Je suis de culture catholique, j'ai été élevé dans cette religion, je l'ai pratiqué un certain temps tout en souhaitant croire, me disant comme Pascal :: Faîtes les gestes de la foi, ét vous croirez". Efficacité moyenne hélas. Mais j'essaie à nouveau. Et Je fais aussi partie de ces catholiques honnis par l'auteur qui voient d'abord dans le catholicisme une part de leur identité culturelle, presque charnelle, sans parler de la beauté des édifices et des rites, et qui mériteraient un peu plus de charité de la part de l'auteur, dont la position élitiste m'insupporte . le Christ était aussi venu pour les Gentils.
L'auteur trouve peut-être Pascal encore bien bon avec nous ! Il me permet encore de rechercher la foi de la seule manière qui me soit ouverte, rt peut-être de la trouver.
Mais pas du tout, me dit Lapaque. Ça ne marchera pas si vous n'avez pas la grâce, si vous la voulez, priez pour l'avoir
Ça, cher Monsieur Lapaque, ce n'est pas du catholicisme mais du calvinisme, il faudrait réviser un peu votre théologie.
Même si Pascal, janséniste, est donc un crypto-calviniste; moi, je suis franchement du côté du Père Molina, S.J.
En tout cas Lapaque n'est pas très encourageant pour celui qui vacille sur la bordure de l'agnosticisme.
Mais le narrateur trouve tout ce qu'il lui faut grâce à...tant pis, soyons francs: une belle bande d'allumes.
Alors j'admets très bien qu'il y a des gens qui fonctionnent comme ça. Mais ce chemin ne m'est pas ouvert
Et mon Dieu ne saurait être celui d'Abraham et de l'Ancien testament, auquel je ne sauais adhérer en bloc, pour des raisons trop longues à expliquer ici.
Et certains propos et certaines idées me choquent ou me heurte
Ainsi le narrateur ressemble un peu trop au Des Esseintes de Huysmans dans "Là-Bas" et les croyants qui l'accompagnent dans son cheminement semblent eux aussi échappés de ce livre, et me semblent un peu trop parfaits, ou un trop allumés.
Et dans ce livre, on aime un peu trop le Moyen-Age qui fait aujourd'hui l'objet de réhabilitations excessives.
Sur un autre plan, je ne supporterai jamais cette éternelle et vaine tentative de justifier le mal par la liberté! La liberté peut justifier le mal agi, celui du bourreau, mais pas le mal subi, celui de la victime, dont on fait bon marché de la liberté. Et pas plus le mal impersonnel, celui de la maladie ou de l'accident. Alors? Alors c'est un mystère et il faut renoncer à l'expliquer, et surtout à le justifier en ce monde.
Ou encore, lors de la mort de Saint-Roy, ce personnage christique au nom transparent ( on peine d'ailleurs à voir ce qu'il a de si remarquable), cette affirmation que sa mort dans un accident de la route n'est pas absurde puisque sa vie ne l'a pas été. C'est un sophisme évident, et Il implique la proposition Implicite selon laquelle la mort fait partie de la vie, alors qu'elle en est l'opposé et la négation de la vie, que cela me rappelle le "Viva la muerte" du général franquiste Milan ASTRAY, et ce qu'Unanumo lui a répondu. le Christ n'a jamsi loué ou justifié la mort, au contraire puisqu'il a promis la vie.
Curieusement, on trouve dans la partie "bretonne" du roman, notamment dans le chapitre "il n'y a pas de mauvaise herbe" une exaltation quasi-dyonisiaque de la nature. Là c'est assez beau, même si les frères bretons le sont un peu trop.
On voit mal cependant comment cette vision peut se concilier avec le culte du Dieu Jaloux de l'Ancien Testament, qui a au surplus institué l'homme maître et possesseur de la nature, (ce qui est une conception qui se défend et a le mérite d'être au rebours de celles des animalistes (que je me suis payé s par ailleurs et dont les conceptions répugnantes rejoignent les projets tout aussi répugnants des trans -humanistes,,) )mais est difficilement compatible avec les idées sur la nature exprimées ici , auxquelles d'ailleurs, n'étant pas à une contradiction près, je ne suis pas loin d'adhérer.
Côté qualités, c'est bien écrit et d'un intérêt soutenu. Et les écrivains qui osent encore défendre le catholicisme ne sont pas si nombreux.
En me relisant, je m'aperçois que, sur le fonds, j'ai surtout étoffé par ma chronique, et ne l'ai modifié qu'en adoptant un point de vue plus proche de la foi, mais ne suis guère plus aimable pour l'auteur.
Commenter  J’apprécie          60
Ce livre est un livre difficile.
Difficile pour l'auteur, qui s'est lancé dans le récit d'un itinéraire spirituel, qui me parait au final assez crédible. Cet itinéraire rejoindra certains, quand d'autres ne seront pas du tout touchés (ce qui constitue un premier élément de crédibilité). Saluons l'audace du thème, qui n'est guère courant à notre époque qui préfère l'émotionnel et le superficiel aux thématiques spirituelles.
Saluons aussi un style assez précis, avec quelques pages magnifiques, notamment les toutes premières.
Mais le livre est difficile aussi, hélas, pour le lecteur. Il reste très cérébral et manque de souffle, si bien que j'ai pu avoir parfois le sentiment d'étouffer, notamment dans la dernière partie. Rien de bloquant cependant pour un lecteur qui recherche un peu de réflexion.
Pour terminer cette critique, j'ajouterais que le principal intérêt du livre demeure dans la colère qu'il porte et qui n'est pas sans rappeler Bernanos. Comme toute colère, celle-ci vise parfois juste, mais parait aussi parfois excessive voire injuste. Elle nous bouscule, nous dérange, nous horripile, mais ne laisse pas franchement indifférent.
Je ne conseillerai ce livre qu'à des personnes qui aiment réfléchir et qui s'intéresse à la diversité des itinéraires intérieurs. Je parle de diversité, car il me parait moins universel dans son approche que d'autres romans qui ont exploré cette veine (on pense à Dostoïevski, à Bernanos...). Un certain type de lecteurs appréciera à sa juste valeur ce livre qui sort vraiment de l'ordinaire.
Commenter  J’apprécie          60
J'ai beaucoup aimé le début en lisant d'une traite les cent premières pages.
J'ai trouvé le reste moins entraînant, et certains personnages, notamment le père de Lazare et sa belle-soeur un peu caricaturaux.
Autrement, j'ai beaucoup aimé les thèmes explorés (la nature, la spiritualité, les rapports familiaux).
Commenter  J’apprécie          50




Lecteurs (139) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
440 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}