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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« En littérature, tout se lit, tout se vit, tout se dessine. La laideur d'une famille qui traverse les lieux sales d'un pays qui ne veut pas le voir, c'est aussi ce que nous pouvons en faire, c'est aussi ce qu'elle sait en faire, depuis qu'elle a neuf ans, en les écrivant : la littérature. Alors on ferme les yeux et on redevient l'enfant. »

L'illustration de la couverture est très juste : une fillette hurlant dans un porte-voix. Ce récit autobiographique a beau être court, il n'en reste pas moins un long cri, celui d'une adulte qui se souvient avoir été l'enfant, d'une adulte qui aurait pu sombrer après avoir été l'enfant mais qui s'est relevé.

Les mots de Céline Lapertot savent se faire silex pour décrire la rue du Pont-Rouge, une de ses zones que personne ne nomme, que personne ne regarde «  parce que ça en tient pas debout, ça ne tient pas la route, ces murs en carton et ces allées qui puent la pisse de char, ces immeubles branlants aux vitres cassées ». du silex pour décrire la misère sociale mais aussi affective que subit l'enfant auprès d'une mère terrassée par la précarité et d'un beau-père violent. Mais ce qui est très fort dans l'écriture sèche et très travaillée de Céline Lapertot, c'est qu'elle à l'art de sublimer les blessures sans chercher à atteindre une quelconque esthétique fascinée par le sordide et l'abject. Jamais le lecteur ne sent voyeur et s'il est mal à l'aise, c'est parce que ce que subit l'enfant qu'a été l'auteur est inacceptable et relève d'une enfance que personne ne peut imaginer s'il a grandi dans une enfance cocon. Elle parvient à transmettre le goût des murs sales, des assiettes vides, des larmes et du sang sans pathos ni atermoiement.

Les mots de Céline Lapertot savent aussi se faire lumière lorsqu'ils rendent hommage au pouvoir salvateur de la littérature et de l'écriture. Parce qu' « il n'y a qu'à travers les mots qu'on peut s'octroyer le droit de balancer des coups de poings dans la gueule ». La violence du souvenir ne s'efface jamais sous les mots mais permet d'aller au-delà. Car l'enfant s'est révélé à l'école à coup de lectures frénétiques, puis sous le regard bienveillant d'éducateurs de la DDASS. Ecrire ou crever. L'enfant est devenu professeur.

Un récit intime sans fard d'un parcours de résilience, d'une grande honnêteté, un récit marquant, porté par une écriture forte à la hauteur de l'ambition de son auteure.
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C'est un peu comme si Céline Lapertot vous invitait à une projection privée, en super 8. Elle projette les images de sa vie et au début, c'est mignon, nostalgique, un peu laborieux, une ritournelle, et puis les premières fausses notes arrivent quand son beau-père apparaît. Avec lui, surgissent l'alcool, la précarité, le malaise, et bientôt l'impensable… le récit change de registre, sans entracte pour se préparer au choc qui va suivre. Son malheur saisit à la gorge au détour d'une description anodine, sans crier gare. L'auteure utilise la fiction pour tenir le monstre à distance. La littérature sert aussi à ça : à se protéger des bassesses de la vie. Les pages 42 à 49 sont extraordinaires de lucidité et d'intensité. Pour évoquer l'abus dont elle est victime, Céline Lapertot suggère là où d'autres (ex : Angot) auraient choisi de surexposer les faits. Elle ne cherche pas à montrer pour démontrer. Mais elle n'élude jamais la douleur, l'ambiguïté de ses sentiments, cette quête d'amour qui ne peut s'accommoder du viol « … parce que l'enfant réclame de la tendresse et qu'à la place, on lui donne du sexe ». C'est d'ailleurs une question récurrente dans le livre : comment la littérature permet-elle d'exorciser l'horreur d'une existence passée (les mots contre les maux) ? Doit-on y associer les lecteurs (p50-51) ? Passée l'évocation de son martyr, commence un autre livre (tout aussi passionnant) dans lequel l'auteure affirme que la DDASS l'a sauvée, que sa famille d'adoption lui a redonné le goût de la vie, que l'amour est étranger à l'ADN (sa mère biologique et son silence coupable…) et qu'à ce titre, l'administration fait souvent des conneries. Céline Lapertot aurait pu mal finir mais son innocence brisée lui a donné, paradoxalement, « le trésor des rois (…) une capacité infinie de rebondissement ». Voilà l'exemple (si rare !) d'un récit autobiographique qui vaut la peine d'être lu : le récit bouleversant d'une renaissance.
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Céline Lapertot a un indéniable talent d'écriture.
Elle manie parfaitement bien les mots et les tournures de phrases
J'avais beaucoup aimé « Ne préfère pas le sang à l'eau » et je récidive avec celui-ci.
Et pourtant, le sujet est difficile !
Elle raconte, en disant « l'enfant », son enfance difficile, disons plutôt monstrueuse.
Mais sans s'en plaindre vraiment.
C'est un constat, c'était comme ça.
Et la manière de raconter est d'une grande originalité.
S'y mêle la fonction salvatrice d' l'écriture.
Je suis admirative de la manière dont elle s'en est sortie, pas indemne certainement, mais grandie de cette enfance bafouée.
Qui pourrait être indemne ?
Beaucoup de pudeur, de délicatesse pour décrire l'indicible.
Non, tout ce qui est monstrueux n'est pas normal.
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Un livre terrible qui relate l'enfance de l'écrivaine dans un milieu plus que défavorable entre une mère inexistante et un beau-père pédophile. Céline Lapertot raconte, d'une plume sobre, l' inénarrable tout en expliquant comment l'écriture et le placement en foyer puis en famille d'accueil l'ont sauvée. Une lecture forte.
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J'ai lu les trois précédents romans de Céline Lapertot que j'ai découvert avec Ne préfère pas le sang à l'eau, une révélation pour moi, un coup de poing, une prise de conscience. J'ai lu ensuite Des femmes qui dansent sous les bombes et Et je prendrai tout ce qu'il y a à prendre dans lesquels j'avais retrouvé la « patte » le « style » de l'auteure, une manière bien à elle, souvent une rage, une colère qu'elle traduit en force, une force de mots.

Quand j'ai appris la sortie de son dernier opus, une autobiographie de son enfance, inutile de vous dire que je n'avais qu'une envie ….. le lire. Evidemment il m'a fallu attendre qu'il soit disponible à la bibliothèque mais c'était bon signe….. Je n'étais pas la seule à l'apprécier !

Je me doutais que derrière cette écriture fiévreuse, se cachaient des blessures. Ce n'était pas possible autrement pour moi. Ici, l'auteure se raconte, en prenant de la distance, en parlant de « l'enfant », de cette enfant qu'elle a été, mais il faudrait plus dire « crie » dans ce « livre blanc », tout ce qui l'a détruit mais aussi reconstruit. Ce beau-père, ce « presque-père » qui ne respecte rien, l'indifférence d'une mère, le non-amour familial et puis la renaissance à 13 ans, la découverte d'un territoire inconnu : l'amour d'une famille.

Elle évoque ce qu'il y a de plus intime en elle, tellement enfoui, refoulé et qui remonte à la manière de « mauvaises madeleines de Proust » ici ou là, certains souvenirs se tapissant pour ressurgir et faire émerger ce que la mémoire avait choisi d'oublier :

"La mémoire refoule ce qu'elle n'est pas encore prête à porter. Il faut être fort, dans cet endroit si précis de la cage thoracique où l'on cache ce qui nous brise, il faut être vaillant, pour pratiquer cette maïeutique du souvenir qui nous laisse tout bête au milieu de la salle des professeurs, tandis que retentit la sonnerie. Il faut être fort pour entreprendre ce jeu d'échecs avec nos cerveau sur un terrain qu'il connaît mieux que nous ; la mémoire sélective. (p21)"

Quel chemin parcouru fait d'humiliations, d'abandon, de gestes déplacés, de silences et puis la lumière à travers une famille, une « vraie » mère, sans autre lien que l'amour donné et reçu, la guérison à travers l'éducation et l'écriture mais aussi ce besoin devenu viscéral de transmettre, d'enseigner, ce qui l'a sauvée.

C'est une lecture à double portée : dénoncer dans un premier temps les misères de tous ordres, les violences, les abus et les traces laissés sur les corps et dans les esprits, énoncer les faits sans dramaturgie simplement dans ce qu'ils ont de terrible, puis démontrer que le chemin que certains croient inéluctable peut changer, grâce à des rencontres et dans son cas ce fut la lecture, les auteurs, l'école qui lui ont permis de trouver la voie à suivre. Elle prouve si besoin était que la lecture et la littérature peuvent sauver des vies….

Oui, je la rassure, je reconnais son écriture, je sais qu'elle met dans ses romans tellement d'elle-même. Il n'y a pas assez de mots assez forts pour parler d'une enfance malheureuse alors il faut y ajouter parfois la colère et dans le cas présent une colère froide, en n'évoquant que le strict nécessaire, déjà tellement insoutenable, pour les porter plus haut, plus loin. C'est comme toujours, court, net, précis, direct mais avec une richesse de vocabulaire, une analyse des situations et des sentiments d'une profonde justesse.

La littérature salvatrice mais aussi dans son cas l'écriture, deux remèdes que l'auteure a fait siennes pour survivre mais aussi pour les offrir en partage dans l'enseignement mais aussi dans ses romans.

"… un jour, je me devrai tout à moi-même. Ecrire, c'est aussi cela. Se devoir à soi-même, échapper à toute forme de dépendance, abolir les médiocrités de la vie quotidienne pour quelques petites heures où nous marchons sur la Lune. (p70)"

Je suis admirative du courage qu'il lui a fallu pour évoquer les faits, se mettre à nu, mais avec dignité, un constat de la misère ordinaire mais avec la volonté de montrer également qu'il est possible de rebondir, d'en faire presque, je dis bien presque, une force.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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« Être professeur, c'est se dire qu'on laisse une trace dans de jeunes âmes, et, on l'espère, la meilleure possible. » Je suis l'oeuvre littéraire de cette jeune auteure française car nous exerçons le même métier mais aussi parce qu'elle écrit remarquablement bien. J'avoue que je ne savais pourtant pas dans quoi je m'embarquais en lisant ce récit autobiographique où cette jeune femme révèle avoir été victime d'inceste. C'est dur, forcément. Mais ce n'est en aucun cas voyeur, ni cru « façon Christine Angot ». Céline Lapertot a voulu ici apporter son témoignage : « Voilà, ça se passe en France comme partout ailleurs » : un père envolé, une mère sans qualifications ni revenus qui préfère fermer les yeux plutôt que de se retrouver à la rue, et un beau-père qui s'assomme avec l'alcool et qui va abuser de la petite fille qui se trouve sous son toit. C'est tellement facile… Tout le monde ferme les yeux et tient un double langage terrifiant.
L'auteure, elle, prend ses distances en utilisant la troisième personne du singulier ; déterminée par « l'enfant » tout d'abord, pour les premières années, puis « l'écrivain » pour l'adulte qu'elle est devenue avec une détermination exemplaire. Car il en faut de la volonté pour s'extraire de cet univers « à la Zola » comme le lui diront ses amis, pour parvenir à un niveau d'études tel celui exigé pour être professeur dans le secondaire. Mais aussi pour exercer ce métier avec le risque de rencontrer des victimes subissant le même calvaire que le sien…

Au final, c'est un récit qui m'a bien évidemment bouleversée, qu'il faudrait lire, relire et faire lire, mais qui aurait mérité d'être rédigé de manière plus abordable pour permettre à des lecteurs ou lectrices moins « lettré(e)s » d'y accéder.
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Un article dans Télérama, un billet de Cathulu, et j'ai emprunté ce livre à la bibliothèque, avec un peu d'appréhension. Je n'en suis pas à ma première lecture sur le sujet, j'ai dû commencer avec "le viol du silence" d'Eva Thomas (1986). C'est triste de lire à peu près la même chose tant d'années après, l'énorme problème de l'inceste ne provoquant toujours pas la prise de conscience nécessaire dans la société.

J'ai vite abandonné mon appréhension devant la force de l'écriture, la précision des mots, sans que rien ne nous transforme en voyeurs à aucun moment. Ce n'est pas seulement l'évocation d'un inceste, c'est celui de la misère sociale, intellectuelle, affective, culturelle de ces populations qui accumulent tous les handicaps. Quand on est petite fille et que l'on grandit là, on ne se rend pas compte que rien ne va, que ce n'est pas une vie normale. On a peur tout le temps et on apprend à se taire.

L'auteure ne dit pas je, mais l'enfant, ce qui établit au départ une petite distance bienvenue. Si elle se replace à hauteur d'enfant, c'est aussi l'adulte qui s'exprime, celle qui est devenue professeur de lettres, parce qu'elle a rencontré sur sa route des personnes secourables, qui ont su voir en elle les capacités enfouies. Elle a écrit un premier roman à 9 ans, ce qui l'a sûrement sauvée.

Ce sont 96 pages que l'on lit le coeur serré, il n'y a pas de faux-semblant dans ce récit, mais il est aussi porteur d'espoir et de beauté par d'autres aspects, celui où l'auteure évoque son rapport à l'écriture et aux livres et son parcours semé de violences et de patients apprentissages.
J'ai été impressionnée par la plume de cette jeune auteure et je suis curieuse de découvrir maintenant ses précédents romans.
Lien : http://legoutdeslivres.canal..
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« La solitude n'est pas un concept inventé par les adultes. Les enfants en crèvent, parfois »
Le dernier livre de Céline Lapertot n'est pas son dernier roman, c'est son histoire première, celle qui affleure quand s'effondre brutalement, sans crier gare, sans raison apparente, la fragile paroi qui la protégeait de sa mémoire.
C'est l'histoire d'une petite fille qui ne sait pas encore que tous les chemins ne mènent pas d'un couloir glauque à un champ d'orties, que le monde est plus vaste qu'une salle de bar ou un écran de télé et que les mots peuvent se murmurer, se susurrer, se chanter ou s'écrire. C'est l'histoire d'une petite fille qui chancelle sur un pont vermoulu dont les lattes peuvent céder sous chacun de ses pas, sans que quiconque fasse un geste pour l'aider, sans parapet, sans garde-fou, sans personne pour dire « prends bien garde où tu mets les pieds ».C'est l'histoire d'une petite fille qui, pour naître, devra s'arracher deux fois à sa mère et qui, pour grandir, choisira de se renommer et de planter ses racines dans la terre nourricière de la littérature et d'âmes généreuses.
C'est un récit sobre, douloureux mais résolument tourné vers la lumière, où la force si particulière des mots et du style de Céline Lapertot se trouve comme éclairée par le reflet des souvenirs. On le lit en serrant souvent les dents, parfois les poings et en s'efforçant de ne pas fermer les yeux parce qu'on se dit qu'on lui doit bien ça à cette petite fille qui a mis tant de détermination et de talent à prendre tout ce qu'il y a à prendre de bon, à danser sous les bombes qui auraient pu la plaquer au sol et à préférer le beau aux sordides liens du sang.
Lien : https://magali.bertrand@neuf..
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Par touches successives et un récit en spirale, l'auteure entraîne son lecteur dans son histoire d'enfant abusée à Lunéville -Références aux rues connues et à la librairie Quantin- placée en foyer à Méhon dont elle dit grand bien vu sa vie d'avant et enfin confiée à une famille d'accueil.
Devenue professeure à Strasbourg, elle montre finalement comment on peut s'en sortir quand on a la chance de croiser les livres et la littérature comme Eddie Bellegueule rencontra le théâtre.
Le récit devient sociologique, une plongée dans un univers sordide, celui du sous-prolétariat du lunévillois, alcoolique, illettré, représenté par ce beau-père, fossoyeur de métier et d'enfance. On sent le récit nous envelopper comme un doux serpent qui nous caresse insidieusement. On est pris jusqu'à la fin de ce court récit qui ne fait pas la part belle aux juges qui décident que l'enfant est mieux chez ses parents alors que le premier vrai geste d'amour venait de la femme de la famille d'accueil.
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