Depuis des années, Cooper est prisonnier d'un après-midi.
Elle respirait si calmement en dormant qu’on aurait cru qu’elle avait la faculté d’augmenter le silence de la chambre.
Il faut croire que l'attente , qui est sans doute une forme de l'erreur, est devenue chez lui une seconde nature.
Cooper s'imagine très bien sur le quai d'une gare désaffectée depuis des années en train d'attendre tranquillement la femme de sa vie. Ce serait tout lui. Il s'étonnerait peut-être de l'état de la gare, ferait des réflexions sur le retard des trains et sur le peu de considération qu'on porte aux voyageurs; mais il ne lui viendrait pas à l'idée qu'il s'est trompé de gare, ni bien sûr qu'il s'est trompé de vie.
Et même si on le ligote dans un sac, avec une pierre, et qu'on le jette au fond d'un étang : son attente le fera remonter à la surface.
Il arrive quelquefois - c'est une explication qui en vaut une autre- qu'il se produise de terribles explosions dans les galeries souterraines de l'ego, auxquelles succède en principe un silence impressionnant, et qu'ensuite, après des jours d'attente, personne ne remonte. On a beau appeler, dépêcher des secours, guetter un signe de vie, il est généralement trop tard, l'eau a déjà inondé les galeries.
Il est difficile d'imaginer combien Cooper, du fait de sa nature déviante, a dû creuser en lui pour enfouir ses émotions afin de les garder intactes, quel travail de forçat c'a été pendant des années ,quel tourment , quelle fatigue, et dans quel état de détresse il est tombé le jour où, à force de les cacher, il ne les a plus retrouvées, et s'est senti définitivement vide et désseché.
Il se retrouvait, à quarante ans passés, sans femme, sans amis, sans emploi, et sa vie, à l'entendre, ressemblait ni plus ni moins à du malheur en barre. Point final.