Mary était jolie, gaie et vive, décrite par un observateur comme « très effervescente ». Elle abordait le monde avec l’enthousiasme décomplexé d’un agneau de l’année, une candeur qu’une jeune Américaine en visite dans le pays, Kathy Harriman, jugea mièvre. « C’est une fille d’une grande intelligence, écrivit-elle, mais naïve à un point qui fait peine à voir. Elle dit les choses avec tellement de franchise qu’ensuite les gens lui rient au nez, se moquent d’elle, et comme elle est hypersensible, elle prend tout très à cœur. »
Le roi se méfiait de Churchill. La sympathie de celui-ci pour Edward VIII, son frère aîné, dont l’histoire d’amour avec la divorcée américaine Wallis Simpson avait provoqué la crise de l’abdication de 1936, restait un point de friction entre Churchill et la famille royale. Le roi avait par ailleurs pris ombrage des critiques formulées par Churchill à l’encontre du Premier ministre Chamberlain après les accords de Munich, qui avaient permis à Hitler d’annexer une partie de la Tchécoslovaquie. Plus généralement, le roi regardait avec suspicion l’indépendance de Churchill et ses loyautés politiques changeantes.
" Je pense qu’il vaut mieux que l’homme de la rue se rende compte qu’il n’existe aucune force sur Terre capable de le protéger d’un bombardement. Quoi qu’on raconte, le bombardier passera toujours au travers. » La seule défense possible était l’attaque, ajouta-t-il, « ce qui veut dire qu’on doit tuer plus de femmes et d’enfants que l’ennemi, et plus vite, pour avoir une chance de s’en tirer ».
L’Europe était l’Europe. S’il y avait un quelconque enseignement à tirer du passé, c’était qu’une guerre pouvait éclater n’importe où, n’importe quand. Les autorités militaires britanniques voyaient le monde à travers le prisme de l’expérience impériale durant le conflit précédent, la Grande Guerre, avec ses massacres de soldats comme de civils et les premiers raids aériens systématiques de l’histoire au-dessus de l’Angleterre et de l’Écosse, à coups de bombes larguées par les zeppelins allemands.