Nous sommes en 1742 sur une petite île prêt de Madagascar où un vieux pirate s'est retiré, entouré d'un groupe d'anciens esclaves noirs. Ce pirate n'est autre que John Silver, l'homme à la jambe de bois qui terrifiait et fascinait le jeune mousse Jim Hawkins dans le célèbre roman de piraterie de
Stevenson. Vingt plus tard, bien à l'abri des autorités et des dizaines de condamnations à mort qui pèsent sur sa tête, l'ancien brigand se regarde vieillir et s'ennuie à mourir. Jusqu'au jour où il met accidentellement la main sur un récit signé par le petit Hawkins en personne, intitulé «
L'Île au Trésor », et là, il pique une belle crise de rage, le vieux Silver. Non seulement, ce petit crétin d'Hawkins lui a piqué sous le nez le trésor de Flint, mais il ose maintenant l'exposer au grand jour, le ridiculiser et faire savoir au monde entier quelle terrible canaille était
Long John Silver. Ni une, ni deux, le vieux pirate décide de rétablir la vérité, du moins sa vérité.
Qu'on ne s'y trompe pas, il ne s'agit pas là d'une confession ou d'un plaidoyer. Silver n'éprouve ni remord, ni regret et nullement le besoin d'excuser le moindre de ses actes. Il va raconter sa vie crûment et dans les moindres détails : brigandages, beuveries, rapines, violences eu tous genres… Une vie éprouvante et cruelle, certes, mais incroyablement bien remplie, il faut l'admettre.
Le résultat est épatant.
Commençant d'abord par le personnage de Silver qui est LA réussite du bouquin. Larsson parvient à lui donner une épaisseur stupéfiante, sans jamais tomber dans le piège de la réhabilitation. Il met en scène un personnage ambivalent, épris d'indépendance et de liberté, mais de celles qui brisent des vies et des coeurs sur leur passage. Déclaré « ennemi de l'humanité » par ses semblables, il en a allégrement pris son parti et a mené sa vie comme il l'entendait et au diable le reste du monde ! Sauvagement égocentrique, hâbleur, brillant, plein d'esprit et de morgue, bourré de vices et de qualités, Silver séduit et effraie à la fois. Autre point fort : le style. Larsson ne s'est pas contenté de donner un passé et des souvenirs à Silver, il lui aussi donné une voix et quelle voix ! le ton du bouquin regorgeant de sarcasme et d'ironie, le rend très plaisant à lire.
Sans compter qu'outre le fait d'être un roman d'aventure remarquable, «
Long John Silver » est également un roman historique très bien renseigné. Si le capitaine Flint du roman de
Stevenson est tout à fait fictif, Larsson fait naviguer Silver sous les ordres de pirates ayant réellement existé, tels qu'England et Taylor, et lui fait affronté tous les maux maritimes de son époque : traite des noirs, guerres, scandales commerciaux, naufrages et batailles célèbres… La vision qu'il donne de la piraterie est particulièrement frappante et montre bien la misère de ces hommes assoiffés d'indépendance et dépourvus de scrupules, condamnés à mourir sur la potence pour ne pas avoir été capables de s'adapter à leur époque.
Pour conclure et parce que cette étalage de gagatisme a déjà largement entamé ma journée : «
Long John Silver » c'est un roman du tonnerre, pas seulement réservé aux fanatiques de piraterie, mais à tous ceux qui veulent se payer une bonne tranche d'aventure et respirer une grosse bouffée d'air marin. Et à tous ceux qui aiment les ordures charismatiques, bien entendu ^ ^