Je pataugeais une fois encore. A cette période de ma vie, grâce à mon insolence et aussi, à ma jeunesse, j’avais la particularité de pouvoir énerver quiconque croisait mon chemin. Il m’avait fallu des années pour apprendre à intégrer aux procédures, dès le début, toutes les personnes impliquées dans une enquête plutôt que d’en faire des adversaires potentiels.
Il est certainement marié depuis une dizaine d’années et il a deux enfants. Il travaille à mi-temps ; il peut se le permettre car sa femme occupe un bon poste elle aussi, peut-être dans le public. Elle jouit d'une grande liberté, et il est libre aussi à son tour.
Je crois que nous avons affaire à quelqu’un qui agit seul. Quelqu’un qui vit dans une ville, grande ou petite, et qui occupe un emploi d'un certain standing. Il a un QI élevé, bien supérieur à la moyenne.
Nous ne recherchons pas un taré qui agit sans réfléchir. Ce type est extrêmement intelligent, organisé et, pour une raison que j’ignore, il se satisfait ou se soulage en commettant ces actes odieux. Mais sa vie quotidienne est on ne peut plus normale. Il est tout à fait possible qu’il soit marié et père de famille. Il peut également occuper un bon job. Et ce qui est certain, c’est qu’il agira toujours de la même manière.
Vous avez l’air d’un gamin, petit, mais je sais que vous n’en êtes pas un. Je suis certain que ce visage jeune et bronzé cache astucieusement un esprit brillant. Je suis plutôt vieux, plutôt bourru et un rien bordélique, mais on ne me la fait pas.
On était devant les vestiges d’un squelette. Il ne fallait pas être diplômé en médecine pour déduire que le macchabée, qu’il fut de sexe masculin ou féminin, avait cessé de respirer depuis très, très longtemps.
Mon angoisse ne s'était pas le moins du monde atténuée au cours des derniers mois, et j'étais convaincu, avec tout l'égoïsme d'un enfant gâté, que j'avais mérité le droit de m'occuper de l'affaire de mon choix, fut-elle hors de ma juridiction. Ce qui prouve à quel point, à cette époque, j'étais encore suffisant et immature.
Je ne nie pas avoir essayé, sur les conseils de ceux qui me portaient dans leur cœur, de laisser les plaies se refermer et d'abandonner le passé derrière moi, un peu comme on laisse défiler les panneaux indicateurs en roulant sur la Nationale. Hélas, sur la route de la vie, nous retombons encore et encore sur les mêmes panneaux. J’étais donc parfaitement convaincu que personne ne pourrait m’empêcher de régler de vieux comptes avec le passé.
Certaines personnes ont ce genre de réaction lorsqu’ils sont confrontés à l’immensité du mal, d’autant plus s’ils ont été soumis à un stress permanent dans le passé.