Venise était une invitation au rêve et le mois de novembre était sans aucun doute le moment idéal pour marcher dans les pas du passé, loin des clichés et des cartes postales pour touristes.
Avec un être aussi bougon et susceptible, il fallait constamment jouer les équilibristes. Elle en avait pris l’habitude et ne se formalisait plus de ses emportements aussi soudains que passagers. Et puis, pour une fois, elle reconnaissait que sa patronne avait des excuses. Le retour de sa nièce après quatre ans d’absence constituait un véritable événement dans la vie de cette vieille dame solitaire.
— Vous êtes impossible.
Il fallait posséder des trésors de patience pour supporter un caractère pareil, et par chance, elle n’en manquait pas. Elle était d’un tempérament plutôt enjoué et serein, sans doute parce qu’elle avait appris depuis sa plus tendre enfance à se passer de l’affection d’une famille et à se débrouiller seule en toute circonstance.
Qui pourrait se plaindre d’avoir le privilège de vivre à Venise pendant une année entière, d’habiter un authentique palais du xviiie siècle et de marcher au fil des ruelles sur les traces de son idole ? Non, elle n’aurait cédé sa place pour rien au monde, décida-t-elle en pilotant le fauteuil jusqu’à une terrasse située au-dessus du hall d’arrivée.
Seul l’amour pouvait conduire un être sensé à commettre la folie de vivre auprès d’une personne qui ne vous rendait pas vos sentiments.