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Critique de MarcelineBodier


Rivage de la colère est une fiction qui fait la lumière sur une partie importante de l'histoire du 20ème siècle : lorsque l'île Maurice a accédé à l'indépendance en 1967, la Grande-Bretagne lui a racheté un archipel distant en prétendant qu'il n'était pas habité, afin d'en faire une base militaire dans l'océan indien. En réalité, il était habité, et ses habitants ont été expulsés brutalement. Ils ont été déportés vers des bidonvilles sur l'île Maurice. Ils ont essayé de se battre, mais n'ont pas pu retourner dans leur île, même s'ils ont obtenu des éléments de reconnaissance du fait que le traitement qu'ils ont subi était violent et illégal.

Rivage de la colère a été écrit par une auteure franco-mauricienne. L'histoire des Chagos a frôlé la sienne : sa mère lui a raconté son passage par l'île lorsqu'elle était enfant, lors d'une escale sur un des derniers voyages qui a pu passer par les îles. Passage ébloui, goût de paradis terrestre... mais déjà, deux côtés de la barrière ; sa mère était du bon côté.

Septembre 2018 : deux symboles. D'abord, les deux côtés sont réunis. Caroline Laurent est associée à la délégation des descendants chagossiens menés par Olivier Bancoult, qui vont cette fois plaider leur cause à la Cour internationale de justice de la Haye. Ensuite, en février 2019, l'ONU a reconnu que le droit des peuples à l'autodétermination avait été bafoué et que le Royaume-Uni devait mettre fin à son administration de l'archipel. Certes, dit l'auteure, « jusqu'à présent, chaque procès gagné par les chagossiens a été renversé ensuite par l'administration britannique ». Toutefois, aujourd'hui, au moment où sort le livre de Caroline Laurent, c'est la dernière étape en date.

Mais le livre est aussi une fiction. Il raconte l'histoire de Marie Ladouceur, chagossienne ensorcelante, simple et fière, de son amour avec Gabriel, venu de l'île Maurice, de leur fils, Joséphin. Il raconte un paradis perdu, qui, comme tout paradis perdu, n'a peut-être jamais été paradisiaque et subsistait sous le joug d'un colonialisme qui ne prévoyait rien pour éduquer les enfants, mais avait sa culture, son histoire, sa cuisine, ses rites, ses joies et ses peines, qui ont pris après coup la poignante couleur de l'irremplaçable et sont ressuscités dans le livre. C'est un livre qui se lit comme une histoire, frappe comme un documentaire, et rend une part de lumière à une population qu'on a précipitée dans l'ombre.

Caroline Laurent n'est pas seulement une auteure qui a déjà été remarquée quand elle a co-écrit Et soudain, la liberté, avec Evelyne Pisier : elle a aussi lancé la collection Arpège chez Stock et a édité Belle infidèle de Romane Lafore, dont j'ai déjà dit quel coup de foudre il a été pour moi. Une auteure qui lance les autres, écrit avec les autres, soutient les autres et transcrit leur combat : plus encore qu'à la construction d'une oeuvre, c'est à celle d'un parcours et d'une personnalité que nous assistons !
Lien : https://www.20minutes.fr/art..
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