"Finutililé" est le premier recueil de poèmes de
Daniel Lavoie, édité en 2011.
Une particulière attention est portée au quotidien, à ce qui peut paraître futile, inutile (le titre est la contraction de ces deux mots). Au dérisoire. Et qui pourtant fait la trame de la vie, son train train : une voiture file sur l'autoroute, une chanson naît, un effleurement involontaire qui trouble cependant, une poubelle est en flamme, les affiches publicitaires exposent des seins, (les tiens ?), et pourquoi toujours et partout l'obsession du sexe, chez les banquiers, les politiciens, les prêtres, "phoque phoque phoque..."
Qu'est-ce que la vie ? "Les humains sont des petits chaos ordinaires".
Et puis on glisse peu à peu au coeur du malaise et bientôt du tragique : une journée est perdue, une mouche est happée par l'hirondelle, on est obligé de faire piquer le vieux chien malade, un virus bizarre attaque, on est en pleine rupture amoureuse où s'échangent indifférence contre cri de douleur, on apprend la mort d'un ami à la radio, la guerre gronde quelque part, les nouvelles sont terribles.
La voie poétique qui conduit de "finutilité" à "
Particulités", quatre ans plus tard, se défriche, des préoccupations se font jour et deviendront de plus en plus aigües. La vie est un instant furtif ; quelque part une implacable machine se livre à de drôles de calculs : "Car je sais bien que le nombre de jours alloué à chaque passager ici est strictement défini ; et ceux que le client perd à visiter trop souvent l'enfer, sont inclus dans le décompte, et pour le même prix."
Et déjà cette intuition que l'âme est matière, et vice-versa : "L'âme écrit que dans mille ans la matière se transformera toujours en âme, et que l'âme de la matière sera l'âme."
Daniel Lavoie est imprégné par la voix d'un des phares de la poésie québécoise,
Gaston Miron, qu'il a interprété sur scène en 2010 dans "
L'homme rapaillé". le titre de l'un de ces poèmes de Miron est justement : "Ce monde est sans issue".
Déjà "finutilité" contient l'intuition que nous sommes éternels et que ni la mort ni Dieu ne nous délivreront de l'Odyssée de la matière (de l'âme ?) vers un port dont l'existence est de plus en plus douteuse. "
Particulités" développera ce doute et suggèrera une des solutions (la seule ?) à notre portée, à nous, petits hommes : consentir au voyage.