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Critique de motspourmots


Cela faisait bien longtemps que je ne m'étais plongée dans les labyrinthes du Renseignement britannique dont John le Carré est sans aucun doute le meilleur guide. Mais, faute de nouvel épisode de James Bond terrassé comme tout le monde par le virus, ce Retour de service m'a semblé particulièrement approprié pour terminer en beauté le mois anglais. Et je ne me suis pas trompée. Comme d'habitude, c'est subtil et addictif avec une réelle portée politique et sociétale, ce que j'aime chez le Carré ; j'ai encore en mémoire les dénonciations des abus des laboratoires pharmaceutiques dans La constance du jardinier. Ici, l'auteur interroge avec brio la notion de patriotisme, sur fond de Brexit, de Trumpisme et de réorganisation politique en Europe. le point de vue qu'il nous offre sur le monde, par l'intermédiaire d'un vétéran des services secrets qui le contemple comme il le ferait d'un jeu d'échecs est à la fois instructif et glaçant. Heureusement, l'ironie, si chère aux esprits anglais est là pour nous rappeler que nous pouvons encore peut-être garder le contrôle.

C'est Nat qui a la parole. A quarante-sept ans, le voici de retour à Londres après de multiples postes sous couverture et sur le terrain ; alors qu'il s'attend à être mis sur la touche, on lui confie la direction du Refuge, une sorte de dépendance du département Russie, pas très reluisant. Ce qui lui laisse du temps pour s'adonner à son passe-temps favori, le badminton (ce qui n'est pas anodin : "Le badminton, c'est de la subtilité, de la patience, de la vitesse, des remontées impensables. (...) Les badistes sont généralement des solitaires qui ne cultivent guère la convivialité. Pour les autres sportifs, nous sommes un peu bizarres et sans amis"). C'est d'ailleurs à son club qu'il est un soir abordé par Ed, un jeune homme qui tient absolument à jouer avec lui. Après quelques parties, une relation se noue, Ed, très remonté contre son époque déverse ses sarcasmes anti-trump, anti-brexit, Nat l'écoute d'une oreille amusée tout en s'investissant dans une opération initiée par l'un de ses agents, Florence qui semble avoir levé un lièvre au cours de la surveillance d'un agent dormant. de manière inexplicable, les trois vont se trouver pris dans un enchaînement d'événements dont ils étaient loin d'avoir perçu les véritables enjeux ; et il faudra tout le savoir-faire de Nat et l'ingéniosité de sa femme, Prue pour s'extraire de la nasse.

Tiens, Prue. Je crois que c'est mon personnage préféré. Elle est étonnante, avocate spécialisée dans les actions contre les laboratoires pharmaceutiques (décidément...) elle a d'abord séjourné avec Nat lors de ses premières missions avant de préférer s'installer à Londres. Très aguerrie aux méthodes des services de renseignements, peut-être plus espionne qu'une vraie, intelligente, pleine d'humour (rien que cette répartie lorsque Nat lui propose d'inviter Ed à la maison pour lui présenter : "J'ai comme l'impression que vous vous faites beaucoup de bien l'un à l'autre, mon chéri. Garde-le donc pour toi et laisse-moi en dehors de tout ça"), elle forme avec Nat un couple équilibré comme on aimerait en voir plus souvent. Un vrai bonheur. Au-delà des personnages et de l'intrigue, tout est dans le ton qui oscille entre la chronique d'un monde devenu fou et la satire alors qu'une pointe d'humour et de flegme irrigue chaque page. le maître-mot de ce texte est le patriotisme, un mot que le Carré semble placer sur le volant de son jeu de badminton, un mot qui sort de ce livre complètement essoré par les coups de raquettes. Quant au lecteur, il termine plutôt essoufflé par la tension qui va crescendo jusqu'aux dernières lignes. Et un peu inquiet aussi, de la façon dont on lui a montré le monde.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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