Avec ce quatrième tome, on entame la seconde trilogie de
Terremer. Au royaume des sagas de fantasy, celle-ci reste singulière jusqu'au bout, dans la mesure où plutôt que d'offrir une simple suite, ces trois derniers volumes fonctionnent également comme un commentaire et une relecture de la première trilogie.
On sent
Ursula K. le Guin, avec le recul, un peu désappointée d'avoir signé des contes si beau, mais où les hommes partent à l'aventure et parlent aux dragons pendant que les femmes restent à la maison pour s'occuper des chèvres. Elle cherche donc ici à recontextualiser ces premiers volumes, sans jamais les renier, mais en les présentant dans un contexte nouveau. C'est le cas en particulier de "
Tehanu", un roman naturaliste, ancré dans le quotidien et le concret, où l'autrice nous montre à quoi ressemble son univers, lorsqu'on s'éloigne des lieux de pouvoir.
Ici, pas de quête initiatique, on est dans la splendeur des petites choses, dans la sagesse des moutons et le goût merveilleux des oignons. L'intrigue est construite sur un suspense qui n'en est pas un, puisque le récit finit par parvenir à la révélation que le lecteur attendait depuis les premières pages.
De plus, c'est un récit féministe, où l'on découvre, à travers des personnages très forts, la manière dont les femmes tracent leur route dans un univers où elles n'ont que très peu voie au chapitre, n'obtiennent que peu de reconnaissance et ne possèdent même pas le fruit de leur labeur. La tentative, présente en filigrane, de démontrer que, malgré tout, le pouvoir des femmes de
Terremer est l'égal de celui des hommes n'est pas toujours convaincante, mais cela ne nuit pas à la qualité du livre.
Au final, on a affaire à un roman qui, comme les précédents, refuse avec entêtement de correspondre à l'idée préconçue qu'on pourrait en avoir. Il rejette aussi toute ambition de dépeindre des histoires ambitieuses : on s'intéresse aux petites choses, quant aux grands développement de l'intrigue, leur impact est volontairement minimisé et ancré dans le quotidien.