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Critique de Musa_aka_Cthulie


J'ai connu bien des déboires avec Terremer, dus à la politique de conservation des documents dans ma bibliothèque de quartier. S'y trouvaient tous les livres principaux se rattachant à ce cycle légendaire d'Ursula le Guin. J'avais donc entamé le cycle, et puis... patatra ! le temps que je fasse une pause entre deux tomes, la totalité avait disparu des collections. Les livres étaient un peu vieux, certes, mais encore largement en état d'être lus, et, surtout, cette bibliothèque était la seule du réseau à les posséder. Et il n'était nullement envisagé de les remplacer par la nouvelle édition en intégrale. Frustration, dégoût, agacement, je suis passée par toutes sortes d'émotions en me rendant compte qu'on avait fait le choix d'éliminer des collections un classique de la littérature et, en même temps, la possibilité de découvrir son auteure, une référence en SF autant qu'en fantasy : ne restait qu'un seul livre de le Guin, qui allait sans doute suivre la même voie que ses compagnons. Ont suivi des demandes d'achats de la nouvelle intégrale par mon conjoint et moi-même, des discussions constructives avec deux bibliothécaires, et on a finalement gagné au change, puisque notre bibliothèque possède maintenant la récente intégrale publiée en poche. J'espère bien que les lecteurs se montreront un tantinet curieux et l'emprunteront souvent - car ils sont eux aussi en partie responsables de la politique de conservation de la bibliothèque.


Je ne vous raconterai pas l'histoire de Terremer, non pas parce qu'il est impossible d'en tirer un résumé (qui serait très long, cela dit), mais parce que, d'une part, je n'ai pas envie de déflorer l'oeuvre, et d'autre part parce que je pense que ce n'est pas la meilleure façon de donner envie de lire ce cycle. Un de ces jours, j'écrirai des critiques pour chacun des romans ou recueil de nouvelles du cycle, mais ce n'est pas ce que j'ai envie de faire aujourd'hui.


Terremer, c'est un lieu, un royaume, un archipel de centaines, de milliers d'îles. Un lieu surgi de l'imagination d'Ursula le Guin, mais auquel elle avait peu réfléchi lorsqu'elle a écrit les premières nouvelles qui se déroulaient dans cet environnement. Puis, en 1967, un éditeur propose à le Guin d'écrire un roman de commande, un roman de fantasy qui s'adresserait aux adolescents. Réticente d'abord (car après tout, pourquoi écrire spécifiquement pour des adolescents?), elle tente tout de même l'aventure en reprenant le monde à peine esquissé de Terremer. Ce sera, avec le Sorcier de Terremer en 1968, l'arrivée de Ged, le futur Archimage, personnage central de Terremer... Central, vraiment ??? C'est cette question du héros, de la place du héros, qui fera, entra autres, la particularité de Terremer. D'un roman à la facture somme toute classique, comme le dit elle-même Le Guin - et quoiqu'on puisse amplement discuter du classicisme de ce premier roman -, va naître un cycle de six livres, qui n'était absolument pas prévu. Assez vite, Le Guin aura envie de creuser ce monde de Terremer. Suivront donc en 1970 et 1972 Les Tombeaux d'Atuan et L'Ultime Rivage. Et plus rien jusqu'en 1990, date de sortie de Tehanu. Ursula le Guin ne savait alors pas ce qu'il allait advenir de ses personnages. Donc, une pause, à nouveau, jusqu'aux Contes de Terremer en 2001 (dont les nouvelles ont été écrites entre 1997 et 2001), pour terminer le cycle en toute beauté la même année. Après des tergiversations, des arrêts qui devaient signer la fin du cycle de Terremer, et des suites imprévues, la boucle a enfin été bouclée. Et quelle boucle !


Car enfin, on pourrait penser qu'un cycle qui a connu tant de méandres a été pensé de façon peu rigoureuse et donne un résultat peu cohérent. Or, c'est tout le contraire. Si on compare Terremer à la série des Harry Potter (bon, c'est pas du tout du même niveau selon moi, que je sois claire, même si j'ai pu prendre plaisir à lire Harry Potter), qui révèle beaucoup d'incohérences et de manque d'exploration du monde imaginé par J.K. Rowling, Ursula le Guin a beaucoup plus travaillé et son univers, et ses textes. Si Rowling retombe tout de même sur ses pieds - je dois lui reconnaître ça -, Le Guin s'est, elle énormément, intéressée au monde de Terremer, s'est posé moult questions au fur et à mesure de son travail d'écriture et pendant ses longues pauses. Elle explique très bien tout ça dans tous les textes de type postface de l'intégrale.


Ce qui a fait de Terremer un magnifique terreau pour développer une multitude de sujets, tout en restant une histoire de fantasy à l'écriture très sobre, qui se lit facilement, et d'un genre un peu à part pour les années 1960, puisqu'il s'agissait davantage de voyages initiatiques individuels, du moins pour les premiers romans, que d'une épopée collective. le voyage intérieur, la découverte de ce qui fait l'identité de chacun, c'est Terremer. La place des femmes dans la société, c'est Terremer. le questionnement sur ce qu'est la magie, c'est Terremer. le questionnement sur la supposée supériorité de la magie pratiquée dans l'archipel, c'est Terremer. le rapport entre les hommes et leur sol natal, c'est Terremer. le rapport entre les peuples qui composent l'archipel, c'est Terremer. le rapport à L Histoire, c'est Terremer. le rapport des hommes à la mort, c'est Terremer. La découverte des origines, c'est encore et toujours Terremer. Et Terremer, c'est encore bien plus que ça. Que votre préférence aille vers Confucius ou Aristote, retenez ceci à propos de Terremer : "Le tout est plus grand que la somme des parties" / "La totalité est plus que la somme des parties".

Lien : https://musardises-en-depit-..
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