Alors qu’elles traversent Paris en autobus, Françoise accepte de confier son manuscrit. Comme tous les lecteurs qui lui succéderont, Florence le lit
d’une traite et lui téléphone à deux heures du matin.
– Tout va bien. Tu es un écrivain.
Françoise Sagan écrit juste parce qu’elle aime la littérature d’un amour instinctif, charnel, comme on aime d’amitié.
Comment une gamine de dix-huit ans a-t-elle pu écrire un texte aussi
abouti, avec autant d’élégance ? Le naturel, l’intelligence, la justesse frappent d’un bout à l’autre. Le miracle, c’est le rythme : la narration est d’une fluidité parfaite, la taille du livre à l’exacte mesure de son contenu.
L’apparition en chair et en os d’une image culte est aussi saisissante
que celle des buildings profilés de Manhattan, lorsqu’on découvre New York : on est plongé dans un état de grâce extatique, une brève épiphanie.
Les gens que l’on rencontre la nuit n’ont pas de rendez-vous dans dix minutes, ils sont libres. Et puis ils ont envie de parler, de s’expliquer, de vous mentir ou de vous dire la vérité, d’établir des rapports gratuits.
La french touch, au football, en littérature ou en musique, c'est une allégresse intelligente, une euphorie ludique. Sagan est le pur écrivain français qui fredonne en bémol la partition de la langue maternelle, c'est Françoise Hardy, sans la mélancolie. On dit "petite musique" de Françoise Sagan, musique d'accord, mais une musique juste. Ecrivain délicat, elle fait vibrer un français d'exception, et c'est sans doute pourquoi elle est aimée du public, qui y retrouve sa langue, et le plaisir de sa langue. Sagan, on l'aime à l'oreille.
Descendre dans le Lot, c est glisser dans l'espace et le temps. À partir de Brive laGallarde,un autorail climatise roulé vers le passé dans undesertvert et gris de caillasses, creusant un tunnel dans la substance minérale du paysage,frôlant des parois de roche a vif ou des murets de pierre sèche et l'on se retrouve imperceptiblement dans les années quarante.
Découvrir, à un âge trop tendre, que le mal est familier et banal, qu'il n'a pas le visage de la méchanceté mais de la bêtise, c'est un peu comme avaler du LSD à douze ans. Les structures mentales en sont marquées, modifiées à jamais.
Contrairement à ce qu'on croit, dit-elle, ce n'est pas dans la jeunesse qu'on rencontre ses amis, mais plus tard, quand l'envie de partager a remplacé l'ambition de plaire.
En fait il l'aimait beaucoup, lui vouant une profonde affection, comme la plupart des gens que j'ai rencontrés. C'est étonnant, d'ailleurs, la sympathie qu'elle inspire au monde entier...