Boucher, nous l'avons vu, place toujours un fond de paysage comme décor à ses tableaux. On a souvent accusé les peintres de cette époque de n'avoir rien compris à la nature et de s'être forgé des paysages de convention, peignés, lavés, entièrement issus de leur fantaisie. Boucher ne mérite pas un tel reproche ou du moins ne le mérite-t-il que si l'on prétend faire entrer dans le domaine de la réalité pure les fictions mythologiques de l'antiquité, ce qui serait, à notre sens, la plus grave des erreurs. Certes, il idéalise son paysage, il a bien soin d'en écarter tout ce qui risquerait de choquer le regard ou de rompre l'harmonie. N'y cherchez pas des sentiers raboteux, des ornières boueuses, tout cela cadrerait trop mal avec les gracieuses personnes qu'il y veut faire passer. Pas de souillures sur le sol où ses baigneuses posent leurs jolis pieds ; mais levez les yeux et dites-moi si les arbres au beau feuillage vert delà Diane au bain ne sont pas de vraies ombres, si l'air et la lumière n'y circulent pas, si ce n'est pas la nature réelle, celle que nous voyons à chaque pas dans nos promenades à travers champs. Au surplus, est-il donc si paradoxal qu'une terre plus belle que nature soit disposée sous les pieds de déesses habituées à cheminer sur les nuées brillantes de l'Olympe?
Dans ces peintures. Boucher fait montre d'une grande habileté, d'une véritable science de la composition, mais tous ces sujets sont traités dans une note assez froide. On sent qu'il n'était pas convaincu en les exécutant. Là n'est pas sa voie, et sans tarder, il revient au genre qu'en secret il préfère. Et c'est alors qu'il donne son premier tableau vraiment marqué de sa personnalité intime : Vénus commandant à Vulcain des armes pour Énée.